« Pas d'investissement au rabais pour notre projet en maraichage diversifié »

Mélodie, Maxime et Cyprien portent un projet à 300.000 euros pour s’installer sur 4 hectares en production de fruits et légumes bio vendus à 100% en Amap. Détonnant mais pas sans argument.

Un hangar, une chambre froide, 3000 m2 de tunnel à régulation climatique, un système d’irrigation entièrement automatisé, un petit tracteur, le tout sur 4 ha de maraichage et d’arbres fruitiers et moyennant un investissement d’environ 300.000 euros : tel est le projet de création porté par Mélodie Seznec, son compagnon Maxime Lallot et le cousin de ce dernier Cyprien Hedde. Le projet détonne un peu par rapport aux standards de maraichage diversifié, davantage connus pour leur sobriété matérielle et financière.

"On a travaillé sur plusieurs petites fermes avec très peu d’investissement, c’est parfois la galère pour se sortir un salaire"

« A 32 ans, je cumule quelques années d’expérience professionnelle dans plusieurs exploitations de maraichage diversifié, explique Mélodie. Sans être une garantie absolue, une des clés de la réussite, c’est de disposer des moyens matériels suffisants pour allier ergonomie et productivité ». « On a travaillé sur plusieurs petites fermes avec très peu d’investissement, abonde son compagnon Maxime. C’est parfois la galère pour se sortir un salaire ».

Un portrait-robot de l’exploitation viable et durable

En 2017, sur la base d’une enquête auprès de 16 exploitations, les Chambres d’agriculture de Rhône-Alpes avaient dressé le « portrait-robot » d’une exploitation bio viable et durable sur moins de 1 ha cultivé, moyennant 2550 h/an « exploitant » et 850 h/an de main d’œuvre. Résultats : une surface cultivée autour de 7.000 m2, une part sous abri de 22%, un bâtiment fonctionnel d’environ 100m2, la présence d’un frigo, d’un petit tracteur de 50 ch, l’irrigation comme facteurs clé de production, la vente à la ferme et en paniers pour bien valoriser la production (sans négliger d’autres circuits), un bon niveau de technicité, une intensification de la production au travers de la maîtrise des rotations et de la planification, de la fertilité du sol et de la fertilisation des cultures ainsi que de la bonne gestion des cultures (implantation, entretien, récolte). Mélodie, Maxime et Cyprien, qui cumulent plusieurs années d’expérience dans le maraichage bio en Ile-de-France, cochent pas mal de cases.

Un céréalier qui anticipe la cession de 4 ha

Le foncier faisant défaut en Ile-de-France, c’est à Saint-Agil (Loir-et-Cher) que leur projet va voir le jour, grâce à l’acquisition de 4 ha. « Dans le cadre d’une succession, un céréalier a accepté de nous rétrocéder 4 ha de terres avec 4 ans d’anticipation », explique Mélodie. Les trois futurs jeunes agriculteurs appartiennent à cette catégorie des NIMA, les Non issus du milieu agricole qui représentent aujourd’hui la majorité des candidats à l’installation. Les difficultés d’accès aux foncier et la compréhension des arcanes de l’installation ont tôt fait de rebuter les moins téméraires.

Les trois associés ont franchi cette étape avec succès, au prix de beaucoup de « bureaucratie ». Illustration avec des aides à l’investissement octroyées par les Plans pour la compétitivité et l’adaptation des exploitations (PCAE). « Pour pouvoir y prétendre, à défaut d’être déjà installé, il faut pouvoir justifier d’un certain nombre d’heures de travail à la MSA, explique Maxime. Le télescopage de notre projet avec la nouvelle Pac ne nous facilite pas la tâche ».

L’enjeu des PCAE est important et pourrait peser lourd dans la décision de la banque, à laquelle les associés soumettront leur projet d’ici au mois de juin. « Le Crédit agricole de notre village est déjà informé de notre projet », se rassure Mélodie.

"Les ventes de fruits et légumes bio en vente directe ont tendance à baisser, on ne peut pas nier cette réalité"

La plantation des arbres fruitiers (600 spécimens à terme et diversifiés eux aussi) devrait débuter à l’automne, en même temps que la création de l’EARL et de l’installation effective du premier des trois associés, en l’occurrence Cyprien, que Mélodie et Maxime rejoindront dans un second temps. Les premiers légumes seront récoltés au printemps 2022. Toute la production sera commercialisée via des Amap.

Les futurs maraichers ne sont pas insensibles aux alertes concernant l’érosion de la consommation de produits bio, qui ne se cantonne pas au lait et aux œufs. « Les ventes de fruits et légumes bio en vente directe ont tendance à baisser, tout comme le nombre d’adhésions aux Amap, on ne peut pas nier cette réalité », souligne Mélodie. Extra-lucide et mais ultra-déterminée.