Les NIMA, des OVNI à faire atterrir dans les cours de ferme

[Edito] L’avenir de l’agriculture repose en partie sur des candidats à l’installation Non issus du milieu agricole, les NIMA. Mais entre ces OVNI qui n’ont pas les codes et des terriens tendant à verrouiller la clé des champs, gare à la sustentation.

En matière d’installation, on connaissait les hors-cadre familiaux (HCF). Il faut désormais compter avec les NIMA, les Non issus du milieu agricole. On peut ne pas avoir d’attache familiale avec une exploitation, trait commun aux HCF et aux NIMA, mais être familier du monde agricole et de ses arcanes : c’est la nuance entre les deux catégories de prétendants au métier. Les NIMA frappant à la porte des Points accueil installation (PAI) sont désormais majoritaires : 60% si l’on en croit les Chambres d’agriculture, dont la soixantaine de PAI accueille bon an mal an 20.000 candidats au métier. Un tiers des installés aidés sont des hors-cadre familiaux (les statistiques ne font pas encore le distinguo). Et combien de NIMA parmi le tiers d’installés de plus de 40 ans ?

Partage et portage

Comment assurer l’accès au métier à des NIMA sur lesquels repose en partie l’avenir de l’agriculture française alors qu’ils n’en possèdent pas les codes et qu’ils doivent en prime surmonter l’autochtonie, autrement dit le réflexe de l’entre-soi à la mode agricole ? C’est le défi qui va se poser avec toujours plus d’acuité à la profession, face au précipice démographique qui va voir partir au moins 25% de néo-retraités dans les 5 à 10 ans à venir, et 20% de la SAU changer de main. Pour l’association Terre de liens, qui défend un autre partage des terres et qui pratique le portage foncier sur un mode solidaire, l’agrandissement est le premier ennemi de l’installation, captant selon elle deux tiers des terres libérées. L’association réclame une refondation des dispositifs de partage et de protection du foncier, qu’elle appelle de ses vœux dans une « grande loi foncière ».

Impartialité et objectivité

Cette « grande loi foncière » unanimement réclamée par la profession (mais avec des visions sans doute divergentes) sera l’œuvre du prochain quinquennat. Elle sera vraisemblablement précédée d’une réforme des dispositifs d’accompagnement à l’installation, le ministère ayant commandité un rapport au CGAAER, dans la perspective concomitante, le 1er janvier 2023, de l’échéance du renouvellement de la labellisation des PAI et du transfert de compétence de l’installation de l’Etat aux Régions. Là encore, cela risque de frictionner entre acteurs « institutionnels » et « alternatifs », porteurs de projets « classiques » et « atypiques », en caricaturant à peine.

L’agriculture doit s’ouvrir (et s’ouvre déjà) à de nouveaux profils mais c’est aussi la mission du parcours à l’installation que de faire atterrir, au sens propre du terme, des porteurs de projets parfois hors-sol (au sens figuré), avec tous les gages d’impartialité et d’objectivité. Si le Salon de l’agriculture 2022 est celui des « retrouvailles », la profession va devoir user de « trouvailles » pour assurer la pérennité d’un modèle agricole foncièrement sous pression.