Ecophyto 2030 : 1 impératif, 3 ambitions, 6 axes d’action

Le gouvernement a dévoilé les futurs contours d’Ecophyto 2030, qui vise à réduire de 50% les usages et les impacts des produits phytosanitaires d’ici à 2030, comparativement à la période 2015-2017. La stratégie, qui sera finalisée début 2024, sera soutenue à hauteur de 250 millions d’euros, sans compter une rallonge de France 2030 et l’apport de la Redevance pour pollution diffuse (RPD).

A l’occasion d’un Comité d'orientation stratégique et de suivi (COS), le gouvernement a présenté le 30 octobre les grandes lignes du plan Ecophyto 2030, qui succédera à Ecophyto2+ à compter d’avril 2024. Le projet est soumis à la consultation des parties prenantes (instituts scientifiques, organisations professionnelles agricoles, associations environnementales, industrie phytopharmaceutique, collectivités...), qui ont jusqu’au 30 novembre pour formuler leurs remarques par mail. Elaborée par le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE), en collaboration avec pas moins de cinq ministères, dont la Santé, la stratégie sera finalisée et les plans d’action établis début 2024, en cohérence avec les politiques publiques telles que les stratégies nationales bas-carbone (SNBC), biodiversité (SNB), alimentation, nutrition et climat (SNANC) ou encore le Plan eau.

Au plan budgétaire, Ecophyto 2030 bénéficiera de 250 millions d’euros de crédits inscrits sur le budget du ministère de l’agriculture dans le cadre du Projet de loi de finances 2024 au titre de la planification écologique, auxquels s’ajoutera une allocation dédiée de crédits France 2030, qui reste à arbitrer, le tout s’ajoutant à la part gérée nationalement de la redevance pour pollutions diffuses (RPD), soit 71 millions d’euros.

Un impératif : -50% d’ici à 2030

Le futur plan vise à engager la France dans la diminution des usages et des impacts des produits phytosanitaires, conformément à ses engagements européens dans le cadre de la stratégie Farm to fork. Concrètement, il s’agit de diminuer de 50% l’utilisation des produits phytos à l’horizon 2030 par rapport à la période 2015-2017. Les agriculteurs français ont déjà fait une partie du chemin. En 2022, les quantités de substances actives s’affichaient en baisse de -20% par rapport à la moyenne 2015-2017. S’agissant du glyphosate, la baisse atteignait -27%.

Trois ambitions : protéger les cultures, les exploitations ainsi que la santé et l’environnement

La première ambition de la future stratégie Ecophyto 2030 vise à maintenir un haut niveau de protection des cultures, « un enjeu majeur en terme de sécurité alimentaire pour la France », indique le ministère de l’Agriculture. La deuxième ambition consistera à soutenir les performances économiques et environnementales des exploitations. La stratégie devrait enfin préserver la santé publique et celle de l’environnement dans la logique « une seule santé » (« one health »).

Pour y parvenir, le gouvernement mise sur l’accélération du développement des solutions alternatives non-chimiques et chimiques pour mieux se préparer au potentiel retrait de certaines substances actives et sur l’accompagnement des agriculteurs, en intégrant l’aval des filières. Au plan européen, le gouvernement compte peser pour préserver le marché intérieur de l’entrée de produits ne respectant pas les standards environnementaux de l’UE.

Axe 1 : accélérer du développement des solutions alternatives non-chimiques et chimiques

L’objectif est de se préparer au potentiel retrait européen de certaines substances actives, de donner de la visibilité aux agriculteurs et de contribuer à la reconception de systèmes agricoles crédibles et efficaces, dans une optique « pas d’interdiction sans solution ». Une première phase d’identification des principaux usages menacés, via des diagnostics à 360°, ont été réalisés par sept task forces et autant de filières, auxquelles s’ajoutent un groupe de travail dédié à la bio. Les premiers plans d’action par filières seront présentés au Comité inter-filière mi-décembre.

Axe 2 : accélérer le déploiement et la massification des solutions et pratiques agroécologiques

Les formations initiale et continue (Certiphyto) seront renforcées, tout comme les collectifs d’agriculteurs et les réseaux de référence économes en intrants (fermes Dephy). Un guichet d’aide à l’investissement dans les matériels favorisant la transition agroécologique sera ouvert par FranceAgriMer en 2024. Un soutien spécifique sera apporté au développement des filières à bas intrants dont l’agriculture biologique. Le dispositif de conseil sera révisé afin de permettre aux agriculteurs de disposer de conseils indépendants nécessaires au changement de pratiques. Seront enfin renforcés le dispositif des Certificats d’économie de produits phytosanitaires (CEPP) et la surveillance biologique du territoire.

Axe 3 : surveiller et protéger les zones à enjeux

La surveillance et la protection des zones à enjeux sont considérées comme un impératif pour la santé et l’environnement. Cet axe comprend plusieurs mesures dont le déploiement du Plan eau avec un renforcement de la protection des aires de captage d’eau potable, le déploiement de l’encadrement de l’utilisation des produits phytos dans les zones à enjeu biodiversité, notamment Natura 2000.

Un travail sera fait au niveau du cadre législatif et réglementaire sur la protection des riverains, avec le déploiement à l’échelle nationale d’un dispositif de signalement d’exposition à des produits phytos. Les actions en faveur de la protection des utilisateurs seront maintenues. Les systèmes de surveillance de l’impact des produits phyto dans les milieux seront renforcés et déployés. Un travail sera mené pour sensibiliser les professionnels de santé dans la compréhension des risques liés aux produits.

Axe 4 : renforcer la connaissance sur les utilisations de produits phytosanitaires

Cet axe est considéré comme un enjeu majeur en matière de recherche et de pilotage des politiques publiques. Plusieurs actions seront déployées dont une action de communication sur l’obligation légale, à partir du 1er janvier 2026, de disposer des registres de produits phytos au format électronique, conformément au règlement européen 1107/2009. L’Etat développera et mettra à disposition un outil numérique pour renseigner les données de registre, outil qui sera interconnecté avec la calculette sur les IFT. Un chantier d’établissement du registre central sera étudié. Les travaux de développement de la Banque nationale des ventes distributeurs (BNV-D) spacialisée se poursuivront.

Axe 5 : renforcer et opérationnaliser les programmes de recherche

Le recherche de nouvelles connaissances et leur opérationnalisation sont un autre enjeu d’Ecophyto 2030. Il s’agira de mieux connaître les bioagresseurs, de mettre au point des solutions non chimiques, de mieux comprendre les relations entre l’exposition et les impacts de l’utilisation des produits phytos sur la santé humaines et les écosystèmes et enfin d’explorer et de concevoir des outils permettant l’accompagnement des changements de pratiques au niveau des filières et des territoires.

Axe 6 : assurer une protection compétitive à l’international et porter les positions françaises au niveau européen

Le gouvernement s’engage à défendre l’homogénéisation des règles et des contraintes d’utilisation des produits phytos à l’intérieur de l’UE. Vis-à-vis des pays tiers, la France défendra l’instauration de mesures miroir afin de protéger le marché intérieur des produits ne respectant pas les standards européens en matière de préservation de la santé et de l’environnement. La stratégie intégrera un axe de travail destiné à renforcer le cadre européen d’évaluation des risque et d’autorisation de mise sur le marché des produits phytosanitaires. La France souhaite enfin accentuer les liens de la recherche européenne sur la recherche d’alternatives.