Planification écologique : la profession « allante, énergisante mais vigilante »

Le Conseil de l’agriculture française (CAF) est disposé à « embarquer » l’ensemble des acteurs du monde agricole dans la Planification écologique, sous réserve de disposer de garanties en termes de périmètre géographique, de cohérence des politiques publiques et de moyens dévolus aux transitons.

Loi de programmation quinquennale sur l'énergie et le climat (LPEC), Stratégie nationale bas carbone (SNBC), Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), Stratégie nationale de la biodiversité, Plan Ecophyto 2030 : le calendrier s’accélère sur le front des transitions à l’amorce du second semestre 2023, durant lequel vont se formaliser toutes ces politiques publiques. Elles ont un dénominateur commun :  la Planification écologique et son agenda de solutions, inscrits au programme électoral du quinquennat Macron 2. Et justement, avant d’être reporté, le président réélu devait participer ce 5 juillet au Conseil de la planification écologique au cours duquel les différents secteurs (agriculture, bâtiment, industrie, transport...) devaient voir leur feuille de route détaillée sur un certain nombre de points, notamment en matière de décarbonation.

« Le Conseil de l’agriculture française sera demain un acteur allant et énergisant de la Planification écologique, a déclaré son président Arnaud Rousseau au cours d’une conférence de presse. Cette planification écologique, nous l’appelons de nos vœux »

"Il faut avoir des objectifs cadrés, une méthode de travail partagée et des rendez-vous réguliers pour mesurer la supportabilité des efforts"

Mais derrière cette déclaration de bonne volonté, le CAF (Chambres d’agriculture France, CNMCCA, FNSEA, JA) a évidemment posé un certain nombre de conditions et de jalons. « Il faut avoir des objectifs cadrés, une méthode de travail partagée et des rendez-vous réguliers pour mesurer la supportabilité des efforts », a poursuivi Arnaud Rousseau, qui appelle aussi à conserver une agriculture « productive », garante de « souveraineté ».

Triple cohérence

Le besoin de « cohérence » s’est invité à plusieurs reprises dans le discours, s’agissant des politiques intérieures et extérieures. « La directive nitrate nous incite à repousser la date d’épandage pour limiter l’infiltration dans le sol, tandis que la préservation de l’air invite à épandre plus tôt », a illustré Sébastien Windsor, président de Chambres d’agriculture France. Au plan extérieur, Arnaud Rousseau en appelle à une vision française « partagée a minima à l’échelle de l’Union européenne » et à être « très clair sur le périmètre, sur les enjeux de cohérence et de réciprocité ».

François Schmitt, vice-président de la Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles (CNMCCA) a de son côté invoqué la cohérence « marché ». « La production agricole doit correspondre à une demande solvable. Il faut une vraie cohérence entre ce que les Français veulent continuer à consommer et ce que les agriculteurs doivent produire », pointant en creux la politique du chiffre de l’agriculture biologique. Sur la question des émissions de GES liés à l’élevage, François Schmitt a appelé à éviter les mesures « simplistes » qui consistant à réduire le cheptel, avec « des conséquences importantes en termes de vie des territoires, d’importation et de souveraineté alimentaire ».

"On est à l’aube d’une révolution du développement agricole, avec une approche système qui va nécessiter des moyens colossaux"

La question des moyens humains, s’agissant de l’accompagnement, et financiers, pour ce qui est des investissements à réaliser, s’est évidemment invité dans les débats. Sur le premier point, Sébastien Windsor n’a pas fait dans la demi-mesure. « On est à l’aube d’une révolution du développement agricole, avec une approche système qui va nécessiter des moyens colossaux », a-t-il devisé. Le président des Chambres d’agriculture a esquissé l’idée de « panels d’exploitation » permettant de jauger l’impact et la soutenabilité économiques, la charge et la pénibilité du travail inhérentes aux transitions, avec l’objectif sous-jacent de remettre les agriculteurs en mode « projet », tourneboulés qu’ils sont par des injonctions normatives toujours plus nombreuses et parfois contradictoires.

Des chiffres, la CNMCCA en a communiqué deux à faire réfléchir. Au cours des 30 dernières années, les indemnisations liées aux aléas climatiques se sont élevées en cumulé à 75 milliards d’euros. « Ce chiffre pourrait doubler d’ici à 2050 », a prédit François Schmitt. Des chiffres, la profession en attend d’autres, à savoir les moyens financiers alloués par la puissance publique. Se chiffreront-ils en millions ou en milliards ? D’où viendra l’argent ? D’une ponction sur les des droits à paiement de base, comme le recommande le Haut conseil pour le climat ? De la fin de l’avantage fiscal accordé au GNR  évoquée récemment par le gouvernement ? Et enfin, comment cet argent percolera-t-il vers les exploitations ? A suivre.