Émissions de GES agricoles : les bons points du Haut conseil pour le climat mais...

La réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) est plus forte qu’attendue par la Stratégie nationale bas carbone mais le secteur agricole va devoir amplifier ses efforts. Le HCC pointe le défaut d’accompagnement des agriculteurs et réclame notamment une augmentation du budget des écorégimes en prélevant sur l'enveloppe des droits à paiement de base.

« Quelques sous-secteurs et indicateurs structurels soutenus par des politiques climatiques avancent nettement plus vite que prévu. Parmi ceux-ci, les plus structurants incluent la hausse des surfaces en protéagineux sur la période 2015-2021. Quatre sous-secteurs avancent plus vite que prévu à cause de facteurs conjoncturels, tels que la baisse des émissions de l’élevage, en partie due à une diminution du cheptel bovin résultant des conditions socio-économiques du secteur et l’utilisation des engrais minéraux, dont le prix a fortement augmenté suite à la guerre en Ukraine ». C’est ce que l’on peut lire dans le dernier rapport du Haut conseil pour le climat (HCC), publié le 28 juin.

Evolution de l’utilisation d’engrais minéraux azotés et des surfaces en protéagineux (Source : haut conseil pour le climat)
Evolution de l’utilisation d’engrais minéraux azotés et des surfaces en protéagineux (Source : haut conseil pour le climat)

En ligne avec la SNBC 2

Les émissions de GES agricoles ont baissé de 2,2% en 2021 (derniers chiffres connus) comparativement à 2020 pour s’établir à 76,5 Mt éqCO2, soit 18,4 % des émissions nationales. Tous secteurs confondus, les émissions de GES ont diminué de 2,7 % en 2022 par rapport à 2021. En agriculture, la baisse se concentre dans les secteurs de l’élevage (-1,1 Mt éqCO2), des engins, moteurs et chaudières (-0,6 Mt éqCO2) et dans une moindre mesure des cultures (de 0,1 Mt éqCO2), malgré la baisse de 13,6% de l’usage d’engrais azotés minéraux, responsables de 51% des émissions des cultures en 2021, principalement sous forme de N2O. « Les émissions annuelles moyennes de l’agriculture sur la période 2019-2021 sont inférieures au budget carbone indicatif défini par la Stratégie nationale bas carbone 2 (SNBC 2) pour la période 2019-2021 », relève le HCC.

La SNBC formalise l’engagement de la France à lutter contre le changement climatique, avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050 et la baisse de 55 % des GES d’ici 2030 (« Fit for 55 »). Le HCC de préciser : « Le rythme de réduction des émissions de l’agriculture est aligné avec celui de la SNBC 2 jusqu’en 2030, mais devra s’accélérer pour respecter les nouveaux objectifs du paquet législatif européen Fit for 55 ».

Des efforts à amplifier

Selon le HCC, le rythme de baisse des émissions devra être multiplié par un facteur 1,25 à 3,5 dans le secteur agricole, contre 3,5 à 5 pour les secteurs des transports et de l’énergie, 1,4 à 1,6 pour l'industrie, et 1,6 à 1,9 pour les déchets. Le gouvernement doit rendre très prochainement ses arbitrages dans le cadre de la Loi de programmation quinquennale sur l'énergie et le climat (LPEC). Ses grands axes seront ensuite déclinés à travers la SNBC 3 et la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

Les recommandations du HCC

Le Haut conseil pour le climat fournit une liste de recommandations en vue d’atteindre les objectifs. L’instance attend notamment une « clarification la contribution de la France à l’engagement « Global Methane Pledge » de réduction de 30 % des émissions globales de méthane à l’horizon 2030 ». Le CH4 représente 55,7 % des émissions agricoles de GES en 2021, l’élevage y contribuant à lui seul à hauteur de 93,4%.

Dans un rapport récent qui n’a pas manqué de faire réagir, la Cour des comptes appelait le ministère de l’Agriculture à adopter une stratégie de réduction du cheptel bovin conforme aux objectifs climatiques de la France et à aider les éleveurs les plus en difficulté à se reconvertir, expliquant que « la souveraineté alimentaire n’était pas menacée ». Une affirmation pas tout à fait conforme à la réalité, si l'on en croit les derniers chiffres officiels.

Entre autres recommandations, le HCC demande de revoir le système d’accompagnement (formation, conseil) des agriculteurs dans la transition, en lien avec tous les acteurs concernés, d’établir un plan national de stockage de carbone dans les sols agricoles ou encore de suivre l'évolution des consommations d'engrais minéraux azotés et d’appliquer si nécessaire la mesure prévue dans la Loi climat et résilience. Il réclame par ailleurs une augmentation du budget des écorégimes en prélevant sur l'enveloppe des droits à paiement de base.

Il en appelle enfin à une meilleure articulation des politiques alimentaires, climatiques et nutritionnelles. « Les mesures concernant la réduction des émissions des élevages doivent être accompagnées de mesures sur la demande et sur l'offre alimentaire, afin d'éviter qu'elles ne soient affaiblies par les importations de viande de l'industrie, de la grande distribution et de la restauration hors foyer ». Sur ce point, le Haut conseil pour le climat mise sur l'élaboration et la mise en place de la Stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat (SNANC), elle aussi attendue incessamment sous peu.