Populations de loups : le holà de la Commission européenne ?

L’exécutif européen invite les Etats membres à lui communiquer, d’ici au 22 septembre, les données actualisées sur les populations de loups et leurs impacts, préalable à une éventuelle révision du statut de l’espèce. La France salue le « pragmatisme » de la Commission.

« La concentration de meutes de loups dans certaines régions d'Europe est devenue un véritable danger pour le bétail et, potentiellement, pour l'homme ». C’est ce qu’a déclaré Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, dans un communiqué daté du 4 septembre. La Commission invite les communautés locales, les scientifiques et toutes les parties intéressées à soumettre, d'ici au 22 septembre 2023, des données actualisées sur les populations de loups et leurs impacts. « Sur la base des données collectées, la Commission décidera d'une proposition visant à modifier, le cas échéant, le statut de protection du loup au sein de l'UE et à mettre à jour le cadre juridique, afin d'introduire, lorsque c'est nécessaire, davantage de flexibilité, à la lumière de l'évolution de cette espèce, peut-on lire dans le communiqué. Cela viendra compléter les possibilités actuelles offertes par la législation de l'UE aux autorités locales et nationales de prendre des mesures en cas de besoin, ainsi que l'important financement de l'UE prévu pour ces mesures ».

Pragmatisme contre dogmatisme

La Commission rappelle qu’en vertu de la directive « Habitats », les Etats membres peuvent, sous certaines conditions, déroger aux interdictions du régime de protection stricte, notamment pour protéger les intérêts socio-économiques, qu’implique les exigences de la convention internationale de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe.

"Cela conforte la stratégie que je défends dans le futur plan loup, à savoir une réévaluation basée sur des données scientifiques du statut de l'espèce"

Sur X (ex-Twitter), le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a vu dans la déclaration de la présidente de la Commission deux aveux : l’objectif de « sauvegarde » du loup a été réalisé et ce sont désormais les éleveurs et leurs activités qui sont en « danger ». « Pourquoi ne pas avancer de manière pragmatique et dénuée de dogmatisme ? », s’interroge Marc Fesneau. « Cela conforte la stratégie que je défends dans le futur plan loup, à savoir une réévaluation basée sur des données scientifiques du statut de l'espèce en question, tout en tenant compte de manière plus approfondie des enjeux de l'élevage ».

En attendant le Plan national d’actions loup 2024-2029

Prévue à l’origine en juillet, la présentation du futur Plan national d’actions loup 2024-2029 est attendue pour cette rentrée. Le 3 juillet dernier, les organisations agricoles (FNSEA, JA, FNO, FNB, FNC et Chambres d’agriculture France) avaient claqué la porte du Groupe national loup, à l’énoncé des chiffres de l’Office français de la biodiversité (OFB), faisant état de 906 spécimens au sortir de l’hiver dernier contre 921 un an plus tôt.

Les éleveurs s’en tiennent à un autre chiffre, celui des constats d’attaque, qui a progressé de 20% sur l’année 2022 et de 16% au cours du seul premier semestre 2023. Plus de 12.000 animaux ont été prédatés en 2022, selon les représentants des éleveurs. « L’Etat ne se donne pas les moyens nécessaires pour répertorier l’intégralité du nombre d’indices et estimer au plus proche la population de loups, sous-évaluée », dénonçait Claude Font, secrétaire général de la FNO, en charge de la prédation. L’estimation du nombre de loups repose sur la collecte d’indices. Entre 2021 et 2022, leur nombre est passé de 5000 à 4000.

Lors des assises de la prédation, qui se sont tenues début juin dans les Hautes-Alpes, les éleveurs ont notamment réclamé la mise en place d’un seul tir de défense, sans plafond de destruction, et le recours à de lunettes à visée nocturne.

Le poney de trop ?

Au niveau européen, le Parlement avait adopté le 24 novembre 2022 une résolution visant à modifier la protection stricte des grands prédateurs. « L'examen par la Commission des données scientifiques sur le loup dans l'UE fait partie intégrante de l'analyse approfondie que la Commission mène en réponse à la résolution du Parlement européen du 24 novembre 2022 », indique la Commission. Reste à savoir si l’attaque mortelle d’un poney appartenant à Ursula Von der Leyen, en septembre 2022, n’a pas fait davantage avancer la cause des éleveurs que les dizaines de milliers de prédations à travers l’UE.