Le loup, un objet politique intelligent, mais pas trop quand même

[Edito] 30 ans après sa réapparition en France et à la veille d’un nouveau Plan loup, les éleveurs ont compris depuis longtemps qu’ils devraient « cohabiter » et « coexister » avec le prédateur, moins sous l’effet de son statut d’espèce « strictement » protégée que d’une récupération idéologique et de faux-semblants fantasmatiques complètement surannés, au mépris de la science et de la raison.

« Tant que les loups ne considèrent pas leurs efforts de franchissement ou de contournement des obstacles comme pouvant leur faire courir un risque sévère, de type blessure grave ou danger de mort, multiplier les obstacles manque de sens. Il faut associer dès le départ des moyens possiblement létaux à des moyens non-létaux tels que les clôtures et les chiens de protection, ce qui aura pour effet de renforcer l’efficacité de ces derniers, qui ne seront non plus perçus comme des barrières supposées infranchissables mais comme des signaux d’avertissement à des moyens possiblement létaux ». Tel est, en substance, un des messages délivrés par Michel Meuret, écologue et zootechnicien, directeur de recherche à l’INRAE, lors des assises de la prédation qui se sont tenues début juin dans les Hautes-Alpes.

Organisées par plusieurs OPA dont la FNB et la FNO, les assises visaient à faire pression sur les pouvoirs publics avant la nouvelle mouture du Plan national d’actions loup 2024-2029 et la réécriture programmée de l’arrêté du 23 octobre 2020, qui régit les dérogations aux interdictions de destruction du grand prédateur.

Des sommations mais aussi des tirs létaux

Parmi ces dérogations figure la mise en œuvre de tirs d’effarouchement, de tirs de défense simple et de tirs de défense renforcée, ces deux derniers étant conditionnés à des mesures de protection (chien, clôtures, présence d’un berger...). Sauf que les tirs d’effarouchement ont pour seul effet de signaler la présence d’un garde-manger et/ou de repousser le loup chez le voisin. Opérés par un seul tireur non aguerri et privé de visée nocturne, les tirs de défense simple sont inefficaces : 86,6% des autorisations de tirs pour seulement 17% des loups prélevés en 2020, selon la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes. Les tirs de défense renforcée le sont bien davantage mais administrativement contraints et déclenchés rétroactivement sur des champs de dépouilles.

La FNO et la FNB réclament réactivité et efficacité dès la première prédation. En clair : pas de sommation (les mesures de protection) sans tirs potentiellement létaux, pour envoyer un signal intelligible au loup et tendre vers le zéro prédation, alors que l’espèce n’est pas menacée et que la législation ménage bien des garde-fous, dont le plafond de destruction de 19%. Capable de déjouer les mesures de protection et d’attaquer en plein jour et jusque dans les bergeries, le loup n’est pas intelligent au point d’être éduqué.

A l’Ouest, toute !

30 ans après sa réapparition en France, les éleveurs ont compris depuis longtemps qu’ils devraient « cohabiter » et « coexister » avec le prédateur, moins sous l’effet de son statut d’espèce « strictement » protégée que d’une récupération idéologique et de faux-semblants fantasmatiques complètement surannés, au mépris de la science et de la raison. Ce faisant, des milliers d’éleveurs vivent au quotidien un paroxysme de charge mentale, d’hyper-administration (gestion des tirs, des dossiers d’aides), d’inféodation aux finances publiques (aides à la protection, indemnisations des dommages), d’insécurité économique et juridique (agressions de randonneurs par les chiens de protection) et de stigmatisation, endossant le rôle de « méchants », sur fond de fables autour de la prétendue « harmonie » vécue par nos voisins italiens et espagnols.

Alors bien sûr, il y a la Biodiversité et la contribution du loup, documentée dans les grands espaces d’Amérique du Nord, beaucoup moins pour ne pas dire pas du tout dans nos écosystèmes européens fortement anthropisés. Jusqu’au jour où les éleveurs auront disparu et où le ré-ensauvagement de nos espaces pastoraux donnera du gras aux études américaines. Alors, les touristes paieront pour s’offrir l’accès à nos mini Yellowstone alpin et pyrénéen. Avant de redescendre à la ville avec une peluche.