SOS colza (2/3) : « Du colza double zéro au zéro colza »

A l’automne dernier, Frédéric Mongin a retourné l’intégralité de sa sole de colza, soit 74 ha. Les insectes ont achevé de faire des passoires les levées clairsemées. Le céréalier va faire l’impasse cette année mais scruter l’oléagineux, qui devrait s’offrir un petit retour en grâce et en « gras » dans l'Ouest vosgien, à la faveur des cours.

« En 2020, après avoir récolté les escourgeons, j’ai passé deux coups de déchaumeur, j’ai apporté trois tonnes de compost et 100 kilos de 18-46, j’ai semé le 3 août, soit trois semaines plus tôt que d’habitude J’ai pris 4 mm après le semis, ce qui a permis de faire germer le colza puis encore quelques millimètres de-ci de-là. Mais en fait, avec moins de 10 mm cumulés, l’eau a juste permis de quoi donner à manger aux insectes, tout en m’obligeant à désherber. J’ai fait rigoler les insectes avec mes deux passages de cyperméthrine. Au total, j’ai injecté plus de 350 euros sans compter le fioul et le travail. En novembre, j’ai fait passer l’expert de mon assurance et dans la foulée j’ai tout retourné ».

"​​​​​​​On est de plus en plus nombreux à avoir deux métiers"

Tout retourné par cet échec aussi cuisant que coûteux, le céréalier a néanmoins pu se retourner avec trois autres espèces alternatives que sont l’orge de brasserie, le pois alimentaire et le tournesol. « Ici, on est sur des terres à orge de brasserie », explique-t-il. Le tournesol, c’est bien sur des sols superficiels et filtrants mais moins bien sur des limons battants comme j’ai, qui peuvent être matraqués par le vent et la pluie et former une croûte. Dans le secteur, avec le tournesol, on peut faire 5 q/ha ou 30 q/ha. Sur le silo de Grand, on n’en avait jamais fait. Cette année, il y en a 130 ha ».

Exploitant 365 ha dans un GIE comptant trois associés, Frédéric Mongin est aussi responsable de deux silos chez Vivescia, à Grand et Neufchâteau dans l’ouest vosgien. « On est de plus en plus nombreux à avoir deux métiers », confie-t-il.

"Les plantes compagnes, on a tous essayé, on a tous arrêté"

Il est assez bien placé pour savoir que le colza a quasiment disparu de la plaine. Comme beaucoup d’autres producteurs, il est peu convaincu par les plantes compagnes et autres leviers mis en avant par Terres Inovia pour contrecarrer les deux fléaux du colza : le sec et les insectes. « Le sol en aout, c’est du béton. Les plantes compagnes, on a tous essayé, on a tous arrêté ».

Blé sur blé

Aux prochains semis, le colza ne fera pas de retour en grâce dans l’assolement, en dépit des cours plutôt porteurs. « Là on est à 430-440 euros, c’est mieux que 380 mais ça ne calcule pas encore. Le 18-46, c’était 355 euros il y a deux ans, là c’est 600 euros. Pour s’en sortir, il faudrait pouvoir assurer 2 t/ha à 600 euros la tonne ». Bien évidemment, le statut de salarié de de la coop ne procure pas d’avantages particuliers. « Sur le pois alimentaire, la coopérative a contracté avec Roquette, ce qui nous permet de toucher une prime de 20 euros par tonne. Mais avec le développement du pois, la prime est limitée aux deux premières tonnes par ha ».

Le pois alimentaire va bénéficier d’une prime de 20 €/t, mais limitée à 2 t/ha, du fait de l’explosion de la sole
Le pois alimentaire va bénéficier d’une prime de 20 €/t, mais limitée à 2 t/ha, du fait de l’explosion de la sole

Avec un printemps 2021 type mousson, les cultures de printemps sont prometteuses. Le pois devrait passer les 40 q/ha. « Le problème avec cet assolement, c’est que je suis condamné à faire du blé sur blé sur 30 ha », tempère le producteur.

En 2021, Frédéric Mongin ne sèmera pas de colza mais va scruter l’oléagineux, qui devrait s’offrir un petit retour en grâce et en gras à la faveur des cours
En 2021, Frédéric Mongin ne sèmera pas de colza mais va scruter l’oléagineux, qui devrait s’offrir un petit retour en grâce et en gras à la faveur des cours

Pour autant, sa décision est prise. « Le colza, c’est mort pour cette année ». Double déformation professionnelle oblige, Frédéric Mongin va bien évidemment scruter les prochains semis, et notamment le colza que certains adhérents projettent de réintroduire. « Un coup de flotte et le colza va partir comme une balle. Je l’espère. Ce sera l’occasion de voir si les insectes ne les transforment pas en passoires ». Toujours pas digéré l’affront.

 

Tous les articles de la série :

SOS colza (1/3) : Opportuniste ne veut pas dire attentiste

SOS colza (2/3) : « Du colza double zéro au zéro colza »

SOS colza (3/3) : « Une goutte, plus une goutte... égalent des gousses »