Loi Alimentation : les syndicats soulignent plusieurs écueils

Qu’il s’agisse du seuil de revente à perte, de l’encadrement des promotions ou de la contractualisation, les syndicats agricoles ont identifié plusieurs faiblesses dans le projet de loi sur l'alimentation présenté le 31 janvier en conseil des ministres.

"Nous sommes satisfaits de l'esprit général du texte et du fait qu'il arrive au tout début 2018 comme promis par le président, mais nous appelons à la vigilance jusqu'à l'obtention des vrais chiffres qui ne figureront que dans les ordonnances", a déclaré à l'AFP Christiane Lambert, présidente de la FNSEA.

Un seuil de revente à perte à 10% pour la distribution est bien inscrit dans la loi, obligeant les supermarchés à vendre au moins 10% plus cher qu'achetés les produits alimentaires. Une évolution saluée par la FNSEA, mais dont l'efficacité fait douter la Confédération paysanne. Dans un communiqué, celle-ci détaille : "il n'y a aucune disposition concrète pour assurer un retour aux producteurs et augmenter leur rémunération". La Confédération paysanne exige "une évaluation de ce mécanisme sous six mois et son retrait si le retour aux paysans n'est pas effectif".

Flou sur l'encadrement des promotions

Pour sa part, la FNSEA regrette que l'encadrement des promotions ne soit pas plus détaillé dans le projet de loi, contrairement aux ébauches de texte qui avaient circulé. "Nous avons perdu la référence aux 30% en volume et aux 25% sur les prix" a dit Madame Lambert, qui compte bien sur les ordonnances accompagnant la loi pour faire réinscrire ces objectifs. 

La FNSEA est favorable à l'interdiction de toute promotion sur des produits alimentaires du style "un acheté, un gratuit" pour ne permettre que celle du "deux achetés, un gratuit", et à l'interdiction des rabais supérieurs à 25% de la somme payée sur les six derniers mois. Ces deux chiffres avaient tous deux été évoqués par le ministère de l'Agriculture durant la construction de la loi, à l'issue des Etats généraux de l'alimentation.

"C'est un point de vigilance fort" a dit Mme Lambert, en citant aussi "l'interdiction des prix abusivement bas" qui est "renvoyée dans le texte à une ordonnance à prendre dans un délai de neuf mois". "Ceci ne nous va pas, surtout avec ce qui se passe dans la distribution en ce moment sur le Nutella ou les couches-culottes. Cela paraît beaucoup trop long", a-t-elle dit.

La responsable a aussi vivement regretté l'absence de la référence "à l'Observatoire des prix et des marges" comme base d'indicateur de prix, alors qu'il s'agit d'un organisme "voulu par tout le monde".

La contractualisation en question

À la lecture du projet de loi, la Coordination rurale craint que les promesses faites durant les États généraux soient "déjà envolées". "Les agriculteurs attendaient un signal fort pour reprendre espoir. Or, ce projet ne leur apporte pas de solution crédible", explique Bernard Lannes, président de la CR.   

"Exit par exemple le fait de lier les contrats producteurs-transformateurs et transformateurs-distributeurs pour que toute modification d'un contrat ayant une incidence sur le prix soit reportée sur l'autre contrat", déplore la CR. "Et pourtant, cette proposition poussée par la CR avait été inscrite dans leurs conclusions par les représentants des ateliers 5, 6 et 7 des États généraux de l'alimentation". De plus, la Coordination rurale regrette que le projet de loi ouvre la possibilité d'une contractualisation interprofessionnelle obligatoire. 

Enfin, "le projet de loi entretient la brèche qui permettra aux coopératives de se soumettre à l'obligation d'achat supérieur aux coûts de production", expose le syndicat. 

Les paysans et consommateurs gagnants ?

La Confédération paysanne "doute que paysans et consommateurs en sortent vraiment gagnants", conclut le syndicat. Ce dernier réitère "sa demande de voir inscrit noir sur blanc dans la loi la question de la rémunération du travail paysan". "C'est d'un seuil de vente à perte au niveau des agriculteurs dont nous avons besoin dans la loi", insiste la Confédération paysanne. Tous les syndicats comptent désormais sur les débats parlementaires à venir pour enrichir le texte. 

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