CO2 biogénique : la seconde vie du carbone issu de la méthanisation agricole

En pleine structuration, la production de CO2 biogénique commence à se faire connaître. Les méthaniseurs agricoles sont en première ligne pour valoriser ce gaz dit « décarboné ». Quelques fermes se sont déjà lancées.

« Le CO2 biogénique est une brique supplémentaire dans l’intérêt écologique de nos méthaniseurs », témoigne Hervé Colas, président de Oudon Méthanisation. Cette installation, qui regroupe 70 exploitations en Mayenne, prévoit de lancer la production de CO2 biogénique d’ici un an.

Valorisation du CO2 issu de la méthanisation

Si ce nouveau débouché peut paraître prometteur, de quoi est-il question concrètement ? Ce gaz pourrait être qualifié de « co-produit » de la méthanisation, au même titre que le digestat. En effet lors de la production de méthane, 40% du gaz produit est du CO2. Jusqu’à présent, il était relâché dans l’air après purification du méthane. Grâce à l’installation d’un liquéfacteur, les agriculteurs-méthaniseurs sont aujourd’hui capables de collecter ce CO2, de le stocker et de le commercialiser. Il est majoritairement utilisé dans les procédés agroalimentaires, mais aussi pour endormir les volailles dans les abattoirs. Il peut avoir d’autres utilisations comme la production de glace carbonique pour le nettoyage de tous types d’outils industriels, ou encore le remplissage d’extincteurs ou de bouteilles de gaz pour le service de la bière.

Une production de carbone biogénique encore discrète

En France, peu de méthaniseurs agricoles sont aujourd’hui équipés de ce fameux liquéfacteur pour produire le CO2 biogénique. « Moins d’une dizaine », estime Hervé Colas. L’entreprise Capcoo, un collectif d’agriculteurs producteurs de ce fameux CO2, recense actuellement deux installations en production dans l’Est et une vingtaine d’adhérents en finalisation de projet, dont Oudon Méthanisation. « Nous avons également une liste d’attente de producteurs prêts à franchir le pas », précise Claire Sassias, responsable marketing et communication de l’entreprise Keon, l’un des trois actionnaires de Capcoo. L’approche collective proposée par l’entreprise doit permettre de mutualiser la commercialisation avec un salarié dédié et d’assurer un approvisionnement constant au client, même si l’un des producteurs adhérents fait face à un défaut de production.

En Vendée, l’unité de méthanisation Agribiométhane, portée par quatre exploitations agricoles, s’appuie également sur une entreprise spécialiste du secteur, tout en choisissant une approche plus individuelle. « Nous avons créé l’entreprise AgribioCO2, avec notre partenaire Verdemobil, qui se chargera de commercialiser le gaz », détaille Damien Roy, président d’Agribiométhane. Conscient des attentes des clients en termes de logistique, de livraison et de location de cuve, il évoque un métier trop loin de celui d’exploitants agricoles pour en prendre la responsabilité sans aide extérieure.

Un coût supérieur au CO2 fossile

Pour Damien Roy, la production de CO2 biogénique s’adresse en priorité aux grosses structures. « Dans notre cas, nous sommes à la limite, avec une production de 130 Nm3/h », analyse-t-il. Pour Claire Sassias, à partir de 200 Nm3, le business plan est réalisable. La rentabilité est un sujet primordial pour cette filière naissante. Actuellement, le prix du CO2 biogénique est supérieur à celui du CO2 produit à partir d’énergie fossile. « 25 % plus cher », évoque Damien Desté, dirigeant de l’entreprise Cryonomic, qui produit de la glace carbonique.

Pour autant, il a déjà mis un pied dans le CO2 biogénique, notamment en investissant dans une cuve de stockage dédiée. Damien Desté souligne l’importance de cette source locale de CO2 déconnectée des marchés mondiaux. « En cas de pénurie, les grands gaziers arrêtent de nous livrer », assure-t-il. Un problème qui ne devrait pas se poser avec le CO2 issu de la méthanisation. Pour lui, le CO2 biogénique a un avenir dans une utilisation locale. « Il n’intéressera pas les gros utilisateurs qui ont besoin de volume. Mais il peut trouver un débouché chez les clients qui ont besoin de petits volumes réguliers avec l’assurance d’être livrés », complète-t-il. À titre personnel, il imagine des unités de production de glace carbonique accolées à des unités de méthanisation pour des besoins ultra locaux.