150 éleveurs en quête de 7 millions d’euros pour abattre à la ferme

Le projet porté par l’association Abattage des animaux sur leur lieu de vie (AALVie) repose sur l’investissement dans des caissons mobiles et deux unités fixes de mise en carcasse. Il s’étendra ainsi sur la quasi-totalité du département de la Loire-Atlantique, le nord de la Vendée, le sud-est du Morbihan et le sud-ouest de l’Ille-et-Vilaine.

L'abattage à la ferme en grand, mais pas en masse : tel pourrait être le credo du projet porté par 150 éleveurs de Loire-Atlantique et de Vendée, avec le soutien du Groupement des agriculteurs biologiques de Loire-Atlantique. En grand parce qu'il est de nature à couvrir une zone géographique large, et donc à rallier potentiellement de nombreux éleveurs pour en faire une alternative significative dans le paysage. Pas en masse parce que toutes les vertus de l'abattage à la ferme seront bien entendu capitalisées, à savoir : pas de transport, pas de transit en centre de collecte, pas de mélange, pas de rupture de groupe social, pas d'attente, pas de manipulations intempestives, pas d'oppression, ni bruits ni odeurs anxiogènes, pas de blessures, pas de souffrances, pas de stress, pas d'opacité.

"Comprendre où était notre place dans cette histoire"

L'idée du projet remonte à 2015, à l'initiative de Guylain Pageot, éleveur de vache laitières en bio à Villeneuve-en-Retz (Loire-Atlantique), aujourd'hui président de l'AALVie. "Nous nous occupons de nos animaux tout au long de leur vie depuis leur naissance, mais nous ne pouvons pas être là au moment où ils sont abattus", déclare-t-il. "Beaucoup d'éleveurs éprouvent à cause de ça un malaise. D'habitude, c'est quelque chose dont nous ne parlons pas. Mais en 2015, après avoir accompagné une vache de mon troupeau à l'abattoir, je me suis rendu à une réunion de notre groupement d'agriculteurs biologiques et je me suis confié à mes collègues. La discussion s'est engagée et nous avons découvert que nous avions besoin d'en parler et de partager nos expériences pour comprendre où était notre place dans cette histoire".

Une réflexion collective sur l'abattage à la ferme s'est alors engagée. Cinq ans plus tard, elle débouche sur un projet hors norme.

60 caissons, 2 unités fixes, 4 départements visés

Le projet repose sur la mise en œuvre de caissons mobiles, au sein desquels sont réalisés les deux premières étapes de l'abattage, à savoir l'étourdissement et la saignée. Dans les deux heures suivantes, les animaux doivent être pris en charge par des unités de mise en carcasse. C'est pourquoi le projet prévoit la construction de deux de ces unités au nord et au sud du département de Loire-Atlantique.  Le déploiement de vingt caissons mobiles permettra de rayonner 60 km autour de chacune des deux unités de mise en carcasse, ce qui permettra de couvrir la quasi-totalité du département de la Loire-Atlantique, le nord de la Vendée, le sud-est du Morbihan et le sud-ouest de l'Ille-et-Vilaine.

L'association prévoit de faire fabriquer les caissons mobiles par une entreprise de la région. La Région Pays de la Loire, le département de la Loire-Atlantique et la communauté d'agglomération de Nantes Métropole ont apporté leur soutien à la démarche de l'AALVie qui, outre le bien-être animal, a pour objectif de créer une filière courte d'approvisionnement en viande locale, apportant ainsi aux consommateurs une garantie de traçabilité. "Non seulement ce projet répond à des attentes sociétales fortes sur le bien-être animal, mais il va aussi permettre de reconstruire des circuits de proximité pour la viande qui, après la crise du COVID, doivent devenir la troisième voie commerciale pour l'agriculture française", souligne Guillaume Riou, président de la Fnab.

Crowdfunding

L'AALVie a lancé début juillet la plus importante campagne de crowdfunding (financement participatif) jamais initiée pour un projet agricole. 300 000 euros seront destinés à la structuration du projet (juridique, financière...) et 700 000 euros à l'investissement dans les deux unités fixes.

En Bourgogne, où une initiative un peu différente dans la forme mais en tout point comparable dans l'esprit, vient de relever le pari, en levant 250 000 euros sur le site Miimosa, dédié au financement participatif en agriculture.

Selon la Fnab, l'abattage à la ferme progresse dans plusieurs pays européens comme l'Allemagne et la Suède et vient d'être autorisé en Suisse.