Gaec Aurière-Royer : “L’Inra de Malevieille”

Premier reportage d’une série d’articles sur des fermes du réseau Références de la Chambre d’agriculture avec une exploitation “salers avec croisement”, à Valuéjols.

Cela risque d’en étonner beaucoup, mais outre
Marcenat et Aurillac, l’Inrae a une troisième base dans le Cantal : celle, plus méconnue, de Valuéjols. L’Inra de la Malevieille, c’est en effet le surnom donné par ses voisins au Gaec Aurière-Royer, tant les essais y sont nombreux et variés aussi bien en matière de pratiques culturales que de conduite de troupeau. Expérimentations qui riment ici avec optimisation. Peut-être un gène hérité des origines aveyronnaises de Bernard Aurière qui a repris l’exploitation de la Malevieille en 1971 à une époque où le fermage se payait encore en fromage fabriqué l’été à la montagne.
Optimiser
Quand Bernard s’installe, l’exploitation compte 112 ha, il la spécialise en bovins viande (70 mères), avec des salers conduites en croisement intégral. En 1990, son épouse, Maryse, qui travaille déjà à ses côtés, s’installe à son tour au sein d’une des toutes premières EARL entre époux créées dans le Cantal. Installation qui s’accompagne d’une production de génisses grasses. “On a un peu tout essayé, raconte Bernard : des génisses de 30 mois, puis des génisses qu’on faisait vêler et qu’on vendait à 36 mois à un boucher. On a aussi fait des croisements avec bleu blanc belge...” En 2001, un second site (des terres labourables à Andelat) est repris avant l’installation en 2003 de leur fils Benoît. L’exploitation s’étend aujourd’hui sur 235 ha pour trois associés dont 95 ha d’estive. La surface de base par unité de main d’œuvre (140 ha pour 3) est en deçà de la référence du cas-type  BV10 “salers croisement” du réseau Références de la Chambre d’agriculture auquel le Gaec est rattaché.
Chaque année, une quinzaine de génisses croisées continuent d’être engraissées et vendues à un boucher, une trentaine de femelles salers pures sont conservées pour le renouvellement afin de garantir un troupeau jeune, de moins de dix ans, de sorte que “tout soit labellisable” (en label rouge salers), avance Benoît.
Et si on prend soin de ses animaux, on ne fait pas de sentiment à l’heure des choix économiques : “Toute vache qui reste vide est engraissée puis vendue”, explique Benoît Aurière, qui a aussi préparé jadis des veaux pour la filière TJB salers. Aujourd’hui, les mâles et le reste des velles croisées sont commercialisés à 9 mois pour le marché le plus rémunérateur du moment : Italie, pays tiers...
Sorties précoces
Autre ligne de conduite du Gaec : ici, c’est le foin en grange qui dicte le nombre d’animaux. Objectif : ne pas avoir à acheter de fourrage. Le déferlante de rats taupiers a ainsi conduit cette année à réduire d’une dizaine de têtes le cheptel. Des animaux que, depuis deux ans, Benoît a entrepris de sortir plus précocement au printemps à Andelat, initialement pour ne pas avoir à faner sur ce site. “Fin mars, je commence à sortir les jeunes là-bas puis progressivement les 60 à 80 vaches sur les 32 ha de pâtures que nous avons attenants à Malevieille. Ici, j’essaie de commencer à lâcher les jeunes vers 320° de somme de températures, à faire dépoter le maximum. Grosso modo, début mai, tout le troupeau est dehors et fin mai-début juin, je monte toutes les bêtes à la montagne (à 1 350 m).” À la clé, un précieux temps économisé, du travail simplifié et davantage de souplesse dans la gestion des bâtiments. “Pendant cette période, on ne distribue qu’une fois par jour, ça marche très bien et en plus les vaches sont plus tranquilles”, constate Bernard. Le tout sans perte de volume fourrager. Yann Bouchard, conseiller au service Références de la Chambre d’agriculture, a ainsi quantifié que la consommation de fourrage à l’auge a depuis diminué de 0,2 tonne, remplacée par de l’herbe au pré de meilleure qualité.
Simplifier le travail et éviter les dépenses inutiles, tel est le credo des Aurière qui n’hésitent pas à s’essayer à leurs propres expériences. “Il ne faut pas avoir peur de tenter des choses même si elles échouent, notre métier c’est de nous adapter sachant que ce qui est vrai une année ne l’est pas une autre”, plaident père et fils.
Essayer quitte à échouer
Ainsi, en 2014, après un épisode sec, ils resèment des grains après la moisson, une culture qui sera enrubannée. “Une réussite formidable avec de la très bonne marchandise !”, se souvient Bernard, qui fera bientôt valoir ses droits à la retraite. En 2018, ils renouvellent l’essai mais les conditions climatiques retardent l’heure de la fauche... en décembre. Impossible. “Du coup, on a sorti les velles le 21 février et on les a mises aux céréales, ça a tenu
35 doublonnes pendant 40 jours et beaucoup fait parler les gens mais elles en ont bien profité !”, s’amuse l’éleveur. Benoît aurait bien réitéré l’exercice cette année, en raison des dégâts de campagnols, “mais c’était trop sec ; aussi, j’ai semé de l’orge hybride qui sera fauché au printemps”, explique le président du GVA Saint-Flour Sud-Planèze.
Chez les Aurière, la boîte à projets n’est jamais vide : outre l’installation de Coralie, la compagne de Benoît le 1er janvier prochain, la feuille de route est de valoriser un maximum de vaches et d’augmenter si possible le nombre de génisses grasses, voire même de se lancer dans la production de jeunes bovins de 18 mois. Et parallèlement, de finaliser et optimiser la mise en place du pâturage tournant. 2022 verra aussi les premiers produits d’un vêlage à deux ans.