Quand la culture des tomates sous serre s’inspire de l’aquaponie

Dans ses serres de Carquefou (Loire-Atlantique), le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) teste l’utilisation d’un biogénérateur permettant le développement de bactéries bénéfiques aux cultures dans l’eau d’irrigation. Après deux ans d’utilisation, les résultats montrent un impact sur le rendement plus que prometteur.

Dans les systèmes en aquaponie, associant aquaculture et production des légumes en hydroponie, le milieu permet un développement de bactéries bénéfiques aux végétaux. C’est ce concept que le centre d’expérimentation du CTIFL de Carquefou s’emploie à adapter à la culture de tomates sous serre. L’objectif est de permettre le développement des mêmes bactéries qui se développent en dégradant l’urée des poissons en nitrates assimilables par les végétaux. « C’est une écologie microbienne dirigée. Nous recherchons un effet biostimulant et biocontrôle », commente Serge Le Quillec du CTIFL, en charge de ce projet.

Alors bien sûr, pas question d’installer des aquariums dans les serres de tomates pour produire de l’urée. Cette dernière est directement injectée dans un biogénérateur qui remplace le biofiltre en sortie de bassin de l’aquaponie. Dans cette colonne filtrante d’environ un mètre cinquante, l’eau brute de la Loire est brassée à l’aide de curlers, des bigoudis en plastique qui fixent les bactéries, avant d’être envoyée dans le système d’irrigation des serres. Deux pompes doseuses permettent de gérer le pH et surtout l’incorporation d’urée. Le biogénérateur est également équipé d’un système de soufflerie pour oxygéner l’eau et brasser les curlers.

Serge Le Quillec présente les curlers (© TD)

Plus de 10% de rendement

Après deux ans d’expérimentation, les résultats sont au rendez-vous. La croissance des plantes, la surface foliaire, le diamètre des tiges ou encore le nombre de fruits sont plus importants avec le biogénérateur. Concrètement, en 2021, le rendement en kg/m² des tomates alimentées avec l’eau brassée par le biogénérateur était supérieur de 6,4% au témoin. Cette augmentation de rendement apparaît à partir du 25 août dans le cycle de culture. Les fruits étaient également plus gros, atteignant 132g/fruit avec le biogénérateur contre 125g/fruit pour le témoin. Les premiers résultats de 2022 confirment ces chiffres. Cette année, les rendements sont en hausse de 11 à 12% du fait d’une augmentation du poids des fruits.

« Il y a un impact marqué sur la vigueur des plants qui supportent des charges de fruits plus importantes. C’est un paradoxe, normalement lorsque la plante est très en végétation, cela se fait au détriment des fruits », se félicite Serge Le Quillec. Lors de l’expérimentation, il a également constaté moins de présence et de fortes contaminations d’Agrobactérium Rhizobium.

Sur les plants de tomates alimentés par le biogénérateur, le chercheur a calculé un gain de 3,6€/m² par rapport au témoin, laissant espérer un retour sur investissement sur un an pour cette installation. « Nous pouvons confirmer un effet biostimulant et biocontrôle. Il faut maintenant pouvoir apporter la preuve du concept pour pouvoir le déployer dans différentes exploitations avec des qualités d’eau diverses », rapporte-t-il.

Des perspectives pour la suite du projet

Suite aux résultats de 2021, Serge Le Quillec et son équipe ont poussé leurs investigations pour perfectionner le système. « Comme la plante est très poussante, ça pouvait être intéressant d’augmenter la température », témoigne-t-il. Les résultats obtenus sur le début de saison 2022 ne confirment pas cette hypothèse. Le climat plus chaud n’impacte pas le rendement. Le chercheur a également testé l’utilisation de substrat avec une capacité d’échange cationique plus importante afin que les bactéries transforment l’urée directement au niveau des systèmes racinaires. Mais les substrats en coco utilisés ont donné lieu à des résultats moins bons qu’avec le substrat classique en laine de roche.

Des variétés adaptées au réchauffement climatique

Le projet européen Invite associe de très nombreux acteurs des filières végétales sur la recherche de variétés adaptées au changement climatique. Le centre CTIFL de Carquefou y participe pour les cultures de tomates sous serre. « Nous nous plaçons dans un contexte d’avenir de la serre pour identifier les variétés adaptées aux contraintes futures », résume Landry Rossdeutsch, responsable de l’unité serre de Carquefou. Ces contraintes sont largement liées à l’utilisation d’intrants. Les résultats obtenus en 2021 en baissant le CO2 injecté de 76,8% montrent des différences significatives selon les variétés. Trois d’entre elles (Trovanzo, Xaverius et Lancaster) ayant affiché la meilleure réponse vont maintenant être testées sur la baisse des températures de chauffage de la serre et de l’utilisation d’engrais.