Régulation : localement, les dérogations pour la chasse pourraient ne pas suffire

Le second confinement de l’année 2020 intervient en pleine saison de chasse. Un télescopage de calendrier qui pourrait avoir des conséquences sur la régulation du grand gibier, malgré les dérogations autorisées. D’autant plus que les différences de traitements entre départements restent parfois incomprises.

Les mois de novembre et décembre sont des périodes clés dans la régulation du grand gibier. La Fédération nationale des chasseurs (FNC) indique que ce sont environ 500 000 sangliers qui doivent être prélevés sur cette période. À titre de comparaison, 810 000 de ces animaux ont été abattus sur l’ensemble de la dernière saison et environ 750 000 sur les deux années précédentes. La FNC précise que ce qui n’est pas prélevé sur la période de novembre et décembre ne se rattrape pas sur le reste de l’année.

C’est pourquoi, dès l’annonce du confinement fin octobre, la FNSEA a sollicité Bérangère Abba, la secrétaire d’État chargée de la biodiversité. Ceci afin d’obtenir des dérogations pour qu’une régulation du grand gibier, mais également des espèces nuisibles ou celles présentant un risque sanitaire, comme le blaireau, puissent être autorisée durant cette période spécifique. Le gouvernement a alors précisé que les préfectures consulteraient les Commissions départementales de la chasse et de la faune sauvage (CDCFS) afin de fixer les modalités de cette régulation dans les différents départements.

Ce fonctionnement par zones géographiques a entraîné des disparités importantes et pas toujours comprises entre les territoires. C’est notamment le cas dans le Sud-Est de la France. En Ardèche, la préfecture a autorisé la régulation des espèces causant des dégâts sur les cultures six jours par semaine alors que cette période n’est que de trois jours dans le Gard voisin.

« Dès le départ, les services de la DDTM ont tout fait pour minimiser cette période. Ils ne parlaient que de deux jours d’autorisation avec une pression énorme des écologistes et des environnementalistes », constate Géromino Salmeron, viticulteur-céréalier et co-secrétaire général de la FDSEA du Gard. L’élu explique que la fédération des chasseurs du département, soutenue par la FDSEA, est montée au créneau pour obtenir trois jours de chasse dans ce département où 50 % du prélèvement annuel des sangliers se fait entre le 1er novembre et le 31 décembre.

« Le problème, c’est que tous les territoires ne sont pas chassables de la même manière. Le week-end du 9 novembre, il est tombé des trombes d’eaux et des secteurs n’ont pas pu chasser. La régulation va être compliquée dans certaines zones en Cévennes ou en Petite Camargue », regrette Géromino Salmeron.

"C’est à ceux qui interdisent la chasse de sortir le chéquier"

Une inquiétude d’autant plus grande que depuis 3 ans, des dégâts en vert au printemps sont observés. Si la régulation ne peut être réalisée correctement, ce phénomène pourrait s’accentuer au printemps 2021. « Les agriculteurs n’auront pas d’autres choix que de déclarer les dégâts et les chasseurs vont payer malgré eux. Je pense que c’est à ceux qui interdisent la chasse de sortir le chéquier », affirme l’agriculteur du Gard.

Et le grand gibier n’est pas la seule préoccupation. Les étourneaux quadrillent également le département. « Le tir est autorisé en poste fixe jusqu’à 200 m des parcelles d’oliviers pour sauver la récolte. Mais le problème c’est que le tir n’est pas autorisé lorsqu’ils sont sur les semis de céréales », peste-t-il.

Les agriculteurs appelés à participer à la régulation dans les Landes

Dans les Landes, la situation est plus ambiguë. Ce deuxième confinement correspond à la période de passage des espèces migratrices, dont la chasse, considérée comme loisir, reste interdite. « Ici, les chasseurs sont viscéralement attachés à cette courte migration. Certains n’hésitent pas à prendre des congés durant cette période », révèle Jean-Luc Dufau, vice-président de la fédération des chasseurs des Landes et agriculteur.

Face à l’autorisation de régulation du grand gibier et l’interdiction de la chasse de loisir, il dénonce une discrimination entre des profils qui ont tous payé le même permis. « Les chasseurs n’accepteront pas d’être enfermés dans un rôle de régulateur. On ne peut pas les priver de la petite compensation de la migration alors qu’ils consacrent tous les week-end le reste de l’année au service public de régulation », martèle-t-il.

"S’il y a un cluster suite à une battue, chacun devra prendre ses responsabilités."

Le chasseur landais ne comprend pas qu’il soit possible d’autoriser des battues en groupe et d’interdire une chasse qui se fasse en individuel ou en groupe familial. En l’état, la fédération des Landes appelle à la prudence face à la Covid et ne poussera pas aux rassemblements pour la régulation. « S’il y a un cluster suite à une battue, chacun devra prendre ses responsabilités », prévient Jean-Luc Dufau.

S’il ne se dit pas inquiet dans l’immédiat pour la régulation annuelle du grand gibier dans le département, il invite les agriculteurs à prendre l’initiative. Il évoque notamment le piégeage pour les exploitants qui possèdent un agrément et encourage à développer le tir de nuit. L’élu l’assure, à aucun moment la fédération des Landes ne sera un facteur limitant pour ce type de prélèvement. D’autant plus que la situation était déjà problématique hors-situation de Covid. L’an dernier, le département a dû verser une subvention de 500 000 € pour aider à couvrir les indemnités versées aux agriculteurs. « Nous sommes un département avec des cultures à forte valeur ajoutée. Le chasseur n’y peut rien mais les indemnisations sont d’autant plus importantes », souligne-t-il.

Selon Jean-Luc Dufau, il est inévitable que le principe d’indemnisation soit revu dans les années à venir pour se tourner vers un système assurantiel avec participation des chasseurs à la franchise. Reste à convaincre ses collègues agriculteurs...