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Top Farm en Pologne : valeur ajoutée dans les grandes cultures
Notre lauréat Nuffield France 2023 Guillaume Tant, agronome chez Cerfrance Mayenne, continue ses voyages de recherche Nuffield sur la valeur ajoutée dans l'agriculture. Son reportage vient de Pologne, où un lauréat Nuffield Britannique a établi une exploitation céréalière dans les années 90 suite à son propre projet Nuffield.
Après un premier voyage de quelques jours, pour débuter mon parcours Nuffield, je continue sur ma lancée vers l’Europe de l’Est. Mon sujet de recherche se décline en deux axes : l’agriculture sans énergies fossiles et les créations de valeurs ajoutées à l’échelle de la ferme.
Ce deuxième axe de travail m’a emmené en Pologne après avoir visité le Canada, la Nouvelle Zélande, l’Indonésie, le Japon et l’Australie lors du Global Focus program (un tour du monde intensif de quatre semaines en groupes de 10 lauréats Nuffield internationaux).
L’objectif de cette visite est de comprendre comment gagner en valeur ajoutée sur une exploitation de grande taille plutôt orientée vers un système céréalier.
Je me rends chez Top Farm à Głubczyce, en Pologne, une ferme de 11 000 ha à la frontière tchèque. Le paysage est vallonné avec de la forêt et des grandes plaines entremêlées. Les sols sont des limons profonds avec une bonne pluviométrie de 800 mm environ. Les hivers sont de moins en moins froids, les étés sont chauds, mais pas étouffants : bref, de bonnes conditions de culture. La ferme produit des céréales, des pommes de terre, du colza, des semences (phacelie), du soja et inclue également un élevage laitier.
Cette ferme a été fondée par Chris Graf Grote un lauréat Nuffield UK de 1989, aujourd’hui président de Nuffield International. Dans les années 90 Chris, agriculteur en Angleterre, vient visiter la Pologne pour voir le potentiel de développement des pays de l’Est. Le premier jour de son voyage, il rencontre Tomasz. A la suite d’un échange de 6 mois pour se former en Angleterre les deux amis décident de lever des fonds pour se lancer en Pologne. L’aventure Top Farm est lancée.
Après la location de la première ferme à l’Etat polonais puis d’une deuxième, les challenges et les opportunités s’enchaînent. Il faut remettre en état le matériel de l’époque du communisme, trouver la main d’œuvre compétente et les Hommes pour gérer le business.
L’objectif est de produire des cultures à valeur ajoutée. Rien ne va à l’export, tout est sous contrats pour gagner en VA.
Les pommes de terre sont stockées dans un bâtiment de dernière technologie (22 000 t) pour aller chercher le marché en juin quand les prix sont plus hauts. Le blé est valorisé en biscuiterie, ce qui a trois avantages : des rendements supérieurs, des besoins en protéines plus bas (dans moins d’azote) et un prix supérieur.
Les autres cultures sont en production de semences avec une station de tri et de conditionnement pour à la fois satisfaire les besoins des semenciers de l’ouest et aussi leurs besoins locaux. Une filiale de vente de semences a été montée pour diversifier les revenus. Le soja est écrasé pour faire de l’huile et du tourteau pour les vaches laitières. Les engrais sont achetés en gros volume pour réduire les prix, mais aussi permettre d’en distribuer aux voisins afin de dynamiser le territoire.
Un atelier laitier permet d’avoir accès à du lisier pour le colza et de diversifier la rotation avec du maïs ensilage, de la luzerne et de la prairie.
Le business est coupé en départements pour gérer au mieux chaque activité clé avec des opérateurs, des responsables logistiques et techniques et des coordinateurs. Par exemple, Marcin est l’un des deux agronomes pour les cultures, mais il y a aussi un agronome pour les pommes de terre et un pour les betteraves. Les principes du Lean management sont appliqués pour augmenter l’efficacité et la traçabilité sur la ferme.
Une grosse part de réussite est liée à la qualité d’exécution et à la gestion de la logistique. Par exemple, les quatre automoteurs de 36 mètres pulvérisent 24 h sur 24 avec des changements de poste toute les 12 h pour limiter le temps perdu entre deux changements. Deux sont consacrés aux graminées deux aux dicotylédones pour ne pas avoir de problème de phytotoxicité. Des tracteurs apportent les bouillies directement aux champs pour ne pas perdre de temps sur la route. Ces bouillies sont préparées méticuleusement à la station de mélange dans deux lignes séparées (comme les pulvérisateurs) selon les indications des agronomes. Chaque cuve est tracée pour pouvoir identifier les problématiques en cas d’erreur. Rien n’est laissé au hasard.
Les nouveaux challenges de changement climatique et perte de baux poussent la créativité des gérants vers de nouveaux horizons. Cette ferme est la concrétisation par excellence d’un projet Nuffield. C’est à la fois un business, un projet humain, mais avant tout l’aventure d’une vie.
Mes prochaines étapes seront l’Ecosse, l’Angleterre en juillet et Israël en septembre.