Vins de France : "+20% de marge par rapport aux IGP et AOP"

Dans l’Aude, depuis 10 ans, Mathieu Bernies conduit avec succès 8 hectares sur 40 en taille rase mécanique. Sa coopérative, les Vignerons de Vendéole, est investie dans un projet pilote de 30 hectares, dans une logique de segmentation de son offre, ciblant les marchés export.

« J'exploite 42 hectares de vignes dans l'ouest audois, je suis seul sur l'exploitation, j'avais du mal à recruter du personnel qualifié pour tailler la vigne et il me fallait augmenter mon chiffre d'affaires ». C'est en ces termes que Mathieu Bernies, viticulteur à Fenouillet-du-Razès (Aude) justifie la conversion d'une partie de son exploitation à la production de Vins de France.

Il était l'un des intervenants d'une conférence que le Sitevi consacrait aux Vignobles innovants et éco-responsables (VIE), un sujet porté par l'Anivin, avec le soutien technique de l'IFV. L'équation des VIE est simple : il s'agit de maximiser le rendement autour de 15 à 20 t/ha, en laissant 40 bourgeons et plus par mètre contre moins de 20 en taille classique, en fertirriguant, en maximisant la surface foliaire pour satisfaire les objectifs qualitatifs, en consacrant moins de 20 h/ha à la taille contre 80 h/ha en conventionnel grâce à la taille rase mécanique, le tout sur 20 ans pour amortir l'investissement et honorer durablement les contrats passés avec les metteurs en marché. « Ce type de vignoble à haute productivité ne doit pas se faire à l'économie s'agissant de l'implantation », indique Christophe Gaviglio, ingénieur à l'IFV. « Avec des rangs pouvant atteindre 400 mètres de long et des charges conséquentes à supporter, la qualité du palissage est fondamentale pour assurer dans le temps, l'optimisation de la mécanisation et de la production ».

Compétitif vis à vis des vins espagnols

Avec un recul de 10 ans, Mathieu Bernies peut témoigner de la pertinence technico-économique du système, même si son vignoble n'a pas tous les standards des VIE. Il ne produit « que » 120 à 130 hl/ha en moyenne, en attendant l'irrigation prévue pour 2021. « Je dégage une marge de 15 à 20 % supérieure à celle mes productions IGP et AOP, tout en étant compétitif avec nos concurrents espagnols », confie le jeune viticulteur. « Sur mon exploitation, l'introduction des Vins de France m'a permis de segmenter mon vignoble. Je réserve les très bonnes terres aux AOP et IGP tandis que les Vins de France, qui se soustraient à la production des IGP, permettent indirectement de rehausser la qualité de ces derniers ».

Cette stratégie correspond en tout point à celle des Vignerons de Vendéole, dont il est vice-président. La coopérative est elle-même engagée dans un projet pilote et démonstrateur de 30 hectares, en cours d'établissement sur la ferme expérimentale d'Arterris à Alzonne (Aude), la coopérative céréalière étant en quête de diversification et de valorisation pour ses adhérents, notamment les jeunes. « Les VIE, c'est l'opportunité d'installer les jeunes car la contractualisation offre de la visibilité à long terme, ce qui fait souvent défaut dans les projets d'installation », relève Mathieu Bernies. La coopérative pourrait réserver autour de 30 000 hectolitres par an aux VIE, soit environ 10% de son potentiel.

Moins sensible au dépérissement et à la grêle

Dans l'ouest audois, le vignoble pilote d'Alzonne est planté en Merlot, Cabernet Sauvignon, Chardonnay et le résistant Artaban. A l'est, le département accueille un second projet, lui aussi de 30 hectares, planté en Chardonnay et en Floréal, également résistant, en partenariat avec Grands Chais de France. Ces cépages résistants constituent la caution durable des VIE. Mais pas à eux seuls. « Les VIE offrent la possibilité d'implanter des couverts végétaux sur 100 % de la surface pendant la période hivernale », explique Thierry Dufourcq, ingénieur à l'IFV. « C'est un levier pour diminuer le recours aux herbicides, favoriser la biodiversité, capter l'azote avant de le restituer pendant la période végétative de la vigne, faisant ainsi l'économie d'engrais minéraux ». Il est ainsi tout à fait imaginable de produire du Vin de France en bio. Sur son exploitation, Mathieu Bernies a enregistré d'autres bénéfices. « Mes vignes conduites en taille mécanique sont moins sensibles au dépérissement, confie-t-il. Je pense que c'est lié au fait que l'on taille des bois jeunes, que l'on crée moins de plaies et que l'on ne perturbe pas les flux de sève. En 2018, j'ai pu constater un effet inédit après un épisode de grêle, qui n'a pas affecté ma production de Vin de France, contrairement à celle aux IGP Pays d'Oc ».

Système assurantiel

Les vins innovants éco-responsables ne sont pas spontanément prémunis contre les aléas, climatiques ou sanitaires. Et si la contractualisation offre une forme de protection contre les aléas économiques, elle place les viticulteurs face une obligation : celle de fournir les volumes (et la qualité) contractualisés. « Si le vigneron n'est pas au rendez-vous des volumes, on ne peut pas demander aux autres acteurs de suppléer », souligne Serge Tintané, président de l'Anivin. « Si l'on est à 90% des objectifs, ça peut passer mais pas à 20%. Le viticulteur doit être responsabilisé. Tout l'enjeu des deux vignobles pilotes, c'est de bâtir, avec l'expertise de l'IFV, des protocoles techniques et reproductibles, mettant en œuvre des outils d'aide à l'anticipation et au pilotage. Plus on aura des éléments pour comprendre la nature, plus on sera en capacité de la maitriser ». « De mon point de vue, les VIE sont indissociables de systèmes assurantiels », conclut Mathieu Bernies.