Phosphorer et carburer grave pour décarboner sévère

Dans le cadre de la Stratégie nationale bas carbone, qui vise la neutralité carbone de la France à l’horizon 2050, l’agriculture va devoir réduire de 46% ses émissions de gaz à effet de serre. Un défi immense, compte tenu du fait que la très large majorité des émissions ne sont pas d’ordre énergétique, mais liées à la fermentation entérique et à la fertilisation azotée.

En signant l'Accord de Paris, la France s'est engagée à limiter l'augmentation de la température moyenne à 2°C, et si possible 1,5°C d'ici à 2050. Et conformément aux recommandations du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), notre pays vise la neutralité carbone à compter de cette même date.

Cet objectif est formalisé dans la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), adoptée en 2015. Elle concerne tous les secteurs d'activité, de l'agriculture à la forêt en passant les transports, l'industrie et le bâtiment. Impliquant les citoyens, les collectivités et les entreprises, elle fera l'objet d'une révision tous les cinq ans, loi quinquennale à l'appui, afin d'identifier et de corriger d'éventuels écarts, tout en tenant compte des derniers acquis scientifiques.

La stratégie tient en quatre points : décarboner complètement l'énergie utilisée à l'horizon 2050 (à l'exception du transport aérien), réduire de 50% les consommations d'énergie dans tous les secteurs d'activité, réduire au maximum les émissions non énergétiques, issues très majoritairement du secteur agricole et des procédés industriels et enfin augmenter et sécuriser les puits de carbone, c'est-à-dire les écosystèmes naturels et les procédés et les matériaux capables de capter une quantité significative de CO2 (sols, forêts, biomatériaux, technologies de capture et stockage du carbone).

L'agriculture, un gros pollueur en puissance

L'agriculture est responsable de 19% des émissions nationales de gaz à effet de serre (2015). L'objectif assigné au secteur est de réduire de 46% ses émissions d'ici à 2050 par rapport à 2015, ce qui suppose  une accélération par rapport au passé. Environ - 2%/an seront nécessaires sur la période 2015-2050 en comparaison des -0,1%/an observés sur la période 2005-2015. En effet, les émissions du secteur agricole sont majoritairement non énergétiques, à savoir 45 % de méthane principalement lié à l'élevage et 43 % de protoxyde d'azote principalement lié à la fertilisation azotée des cultures. Si ces émissions peuvent être fortement réduites par une optimisation des pratiques agricoles, elles ne pourront pas être complètement supprimées, notamment du fait des émissions dé N2O liées à la croissance des plantes et de celles de CH4 liées au métabolisme des ruminants.

Ainsi, en 2050, en considérant une décarbonation complète des émissions énergétiques, l'agriculture pourrait devenir le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre difficilement compressibles. En parallèle, la stratégie promeut le développement du potentiel de stockage de carbone dans les sols agricoles. Cela suppose une diminution annuelle moyenne des émissions de 1,2 Mt CO2 éq/an entre 2015 et 2050, alors qu'en moyenne annuelle, ces dernières ont diminué dé 0,2 Mt CO2 éq/an entre 1990 et 2015 et, en particulier, de 0,1 Mt CO2 éq/an sur la période la plus récente entre 2005 et 2015.

La feuille de route agricole

Pour atteindre l'objectif à l'horizon 20250, le ministère de la Transition écologique a dressé sa feuille de route au secteur agricole. Pour réduire les émissions non énergétiques, il prône le développement de l'agroécologie, de l'agriculture biologique et de l'agriculture de précision. S'agissant du N2O, la baisse des apports d'azote est préconisée, aux côtés de la diminution des excédents d'apport en protéine dans les rations animales et du développement de la production de protéines végétales. Pour le CH4, la solution passera par la gestion des effluents d'élevage, l'optimisation de la conduite des troupeaux et la réduction de la fermentation entérique.

Pour annuler les émissions énergétiques, le ministère mise sur les énergies renouvelables (méthanisation, biocarburants de nouvelle génération, solaire, éolien..). Pour sécuriser le puits de carbone, il faudra en finir avec l'artificialisation des sols et privilégier les couverts végétaux, les prairies permanentes et l'agroforesterie. Enfin, un changement de pratiques alimentaires est également prôné, avec davantage de protéines végétales, de fruits et de légumes, produits localement sinon nationalement, et sans gaspillage du champ à l'assiette.