Au 2ème tour, Louis Vuitton ou Michel-Édouard Leclerc ?

[Edito] Alors que l’inflation rogne le pouvoir d’achat des ménages, la FNSEA craint que les agriculteurs ne passent à la caisse. Elle a en travers la baguette à 29 centimes de Leclerc mais elle rejette aussi une « vuittonisation » de l’alimentation.

Année présidentielle oblige, la FNSEA a rédigé son cahier de doléances sous forme de 30 propositions. Sous l’égide du Conseil de l’agriculture française (Caf), un grand oral des candidats est programmé le 31 mars, soit dix jours avant le premier tour.

Attaqué par des hausses de prix tous azimuts, le pouvoir d’achat s’invite dans la campagne électorale. Mais on peut toujours compter sur la grande distribution pour venir au secours de notre porte-monnaie, à commencer par sa tête de gondole, Michel-Édouard Leclerc et sa baguette à 29 centimes, en rayon jusqu’au lendemain de l’élection. « Insultant », a fustigé Christiane Lambert. Sauf que neuf ménages sur dix font leurs courses chez Leclerc et consorts.

Non à la « vuittonnisation » de l’alimentation

La présidente de la FNSEA ne nie pas les difficultés de fin de mois de nos concitoyens, d’autant moins que figurent parmi eux bon nombre d’agriculteurs, écrasés par les prix en amont. « On sort de huit ans de déflation des prix agricoles », rappelle-t-elle. Au plus fort de la crise sanitaire, les pouvoirs publics eux-mêmes ont testé la recette de Leclerc, avec le repas à un euro pour les étudiants. Une proposition tout autant décriée par le Landerneau agricole que la baguette du distributeur. L’initiative du gouvernement marquait une rupture de ban avec le début de quinquennat, qui ne voyait que par « le haut de gamme, le haut de gamme, le haut de gamme » et la « vuittonnisation » de l’alimentation selon Christiane Lambert, pour qui « l’agriculture française doit produire pour tous les moments de consommation et pour tous les budgets ». Mais pas à n’importe quel prix pour les agriculteurs.

"Le consommateur a lui aussi un rôle à jouer pour redonner de la valeur à notre agriculture"

Depuis le déclenchement de la crise sanitaire, révélatrice de bon nombre de vulnérabilités, le gouvernement a changé de pied, en injectant, dans le secteur agroalimentaire, plusieurs centaines de millions d’euros dans le Plan de relance et France 2030, avec notamment pour objectif de restaurer notre souveraineté alimentaire. Et puisque le revenu est « la mère des batailles », comme le répète à l’envi Julien Denormandie, le ministre est passé aux actes avec Egalim 2, la revalorisation des petites retraites ou encore la réforme des outils de gestion des risques climatiques, promettant un système à la fois plus protecteur et plus accessible, car « significativement moins cher que l’assurance récolte dans sa formule actuelle ». Il attend aussi de pied ferme la décision du Conseil d’État concernant la généralisation de l’étiquetage de l’origine à toutes les viandes servies en restauration hors domicile.

Un chèque alimentaire à l’américaine

Entre le malletier Louis Vuitton et l‘épicier Michel-Édouard Leclerc, il y a une troisième voie selon la FNSEA, consistant à créer un chèque alimentaire à l’intention des plus précaires, plus exactement une carte de crédit rechargeable, une politique qui fait ses preuves aux États-Unis. C’est l’une des 30 propositions du syndicat. Un message plus facile à délivrer à 10 candidats qu’à 48 millions d’électeurs. 

Pour Julien Denormandie, « le consommateur a lui aussi un rôle à jouer pour redonner de la valeur à notre agriculture. Nous votons trois fois par jour. Au petit-déjeuner, au déjeuner et au dîner. Votons pour les produits de nos territoires, de meilleure qualité, d’excellence. C’est la meilleure solution pour notre monde agricole ». Un extrait de sa liste de courses... ou de son programme ?