Compléter son revenu : viticulteurs mettez-vous au vin sans alcool !

Les no low, comprenez les vins no-alcohol - low alcohol, gagnent du terrain. Si pour certains c'est une aberration et une atteinte aux vins traditionnels, d’autres y voient une part de marché intéressante à saisir, et qui de surcroît, pourrait pallier le manque de dynamisme de la filière.

Ce n’est ni un effet de mode ni une tendance éphémère, les boissons sans alcool sont bien ancrées maintenant dans les mœurs et constituent un marché exponentiel en plein essor. Il trouve principalement son public chez les jeunes. D’après le baromètre Sowine/Dynata de 2024, 15 % des Français déclarent ne pas consommer d’alcool, et parmi eux, 23 % des jeunes de 18-25 ans. L’une des raisons principales de ce non intérêt : la santé. 41 % déclarent vouloir faire attention. 

Le no low, une diversification de revenus pour les viticulteurs 

L’entreprise française et familiale B&S Tech, accompagne les viticulteurs dans la création de boissons désalcoolisées partiellement ou totalement. “Nous ne faisons pas de concurrence avec les filières du vin. Nous proposons nos services pour une diversification et une valorisation pour les viticulteurs dans un contexte où les Français boivent moins d’alcool”, explique Hortense Brière, directrice business development chez B&S Tech. Les vins sans alcool pourraient aussi pallier la surproduction et ses conséquences, dont la plus dramatique : l’arrachage des vignes. 

Les institutions sont elles aussi, conscientes de ce changement de consommation. Le 4 avril 2024, l’INAO a autorisé la désalcoolisation partielle des vins IGP jusqu’à 6 degrés, à condition qu’elle figure dans le cahier des charges et sous réserve d’un contrôle des qualités organoleptiques. “Jusqu’ici la perte de labellisation des vins constituait un frein pour les viticulteurs à se lancer dans la production de ce type de produit. Cette décision est une bonne nouvelle et une très belle opportunité, se félicite Hortense Brière, les institutions voient l’intérêt des boissons no low”. 

L’influence du changement climatique sur la sucrosité du vin

La désalcoolisation partielle est une réponse aux consommateurs qui souhaitent s’orienter vers des vins plus légers. À cause du changement climatique et de l’augmentation des températures, la teneur en sucre augmente due à une maturation précoce des raisins. Conséquence : les vins sont moins acides, le taux d’alcool augmente et le goût change. La typicité des vins français pourrait même à terme être totalement chamboulée. 

Quels procédés pour désalcooliser son vin ? 

L’entreprise B&S Tech s’est spécialisée dans ce processus par l’évaporation sous vide. Le vin est placé dans un environnement à pression réduite. Le point d’évaporation de l’alcool diminue autour de 35°c. Une autre méthode, l’osmose inverse, applique une pression au vin à travers des membranes spécifiques pour séparer l’alcool des autres composants. Dans les deux cas, la boisson obtenue est très acide. Pour équilibrer le goût, “nous redonnons de la sucrosité au produit, soit par l’ajout de moûts concentrés de raisin, soit en réinjectant la fraction aromatique (l’évaporation du vin), explique la directrice business development chez B&S Tech, nous remettons un peu d’alcool dans le vin”. Concernant les réserves de perte de typicité potentielles du vin, Hortense Brière se veut rassurante, “à 6°C, on garde un degré d’alcool qui ne dégrade pas l’équilibre des vins”. 

Comment les viticulteurs sont accompagnés ?

Nous réalisons des tests dans notre laboratoire pour voir comment les vins réagissent aux procédés puis nous élaborons une recette avec le viticulteur. Nous trouvons ensuite les prestataires industriels pour désalcooliser le produit. Nous aidons également le producteur sur les parties administratives, étiquetage etc…”, résume Hortense Brière. L’équipement est pour l’instant un investissement trop lourd pour le vigneron et nécessite un aménagement de ses caves. C’est pour cela qu’une partie du procédé passe par un intervenant extérieur. Le prestataire fait par ailleurs la mise en bouteille. En revanche, pour la désalcoolisation par osmose inverse, il est tout à fait possible de la réaliser au chai grâce à l’utilisation d’une machine mobile.  “Ce sont surtout de gros acteurs ou des coopératives qui le font”, fait remarquer Hortense Brière. Outre l’équipement, un travail de la vigne sera sans doute nécessaire. La pratique de désalcoolisation étant encore récente, de nombreuses questions restent en suspens et notamment celle-ci : tous les cépages se prêteront-ils à ce genre de pratique

Est-ce que le consommateur est prêt à y mettre le prix ? 

Si le consommateur est friand des no low, il est en revanche moins au courant de tout le processus fait en amont et qui a un prix. Les vignerons ne peuvent pas se permettre de vendre ce produit moins cher qu’un vin tranquille alcoolisé. Hortense Brière est confiante “les vins désalcoolisés partiellement et totalement ne sont pas attendus pour être moins chers. Au contraire, le consommateur est prêt à y mettre le prix pour déguster un bon produit”. Mais inflation et qualité ne vont pas forcément de pair. Il y a encore un blocage psychologique à payer une boisson aussi chère - voire plus - que son équivalente alcoolisée.
Est-ce que ces facteurs expliqueraient la baisse d’un point en un an de la consommation des Français pour les no/low selon le baromètre 2024 Sowine/Dynata ? Les acteurs de cette nouvelle filière sont plutôt confiants puisqu’ils estiment que le marché mondial - uniquement pour le vin sans alcool - pourrait atteindre 4,9 milliards de dollars en 2032. Ils se fient notamment à la grande réussite de la bière sans alcool qui existe depuis plusieurs années déjà. Il ne reste plus qu’à éduquer les palais, former les sommeliers et les cavistes. “ça ne se déguste pas de la même manière qu’un vin classique. Les marqueurs sont différents. Il faut avoir une ouverture d’esprit”, souligne Hortense Brière. Une autre question subsiste. En ajoutant des moûts, des arômes et des conservateurs pour les vins totalement désalcoolisés, la boisson obtenue est-elle encore du vin ? Ou bien est-ce que ce type de produit sera définitivement adopté par la filière viticole comme une gamme à part entière ? 

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