"Vins sans alcool" : une concurrence pour la filière ?

Les « vins no/low », contraction de « no alcohol », « low alcohol » apparaissent aujourd’hui comme une tendance de consommation en devenir. De plus en plus d’opérateurs, notamment à l’international, se positionnent sur ces « vins » en faisant progresser la qualité du produit et en innovant. La filière française a tout intérêt à ne pas prendre de retard sur ce marché prometteur

La tendance est à une diminution de la consommation d’alcool pour différentes raisons : hygiène de vie, santé, grossesse, interdit religieux… Très tôt, les brasseurs ont su se positionner sur ce marché, ils multiplient les innovations et les références de bières sans alcool. Les ventes explosent depuis 2 ans (+49 % vs 2019) et ce segment devrait continuer à gagner des parts de marché. La demande de « vins » sans alcool (moins de 0,5 % d’alcool) ou faiblement alcoolisés (entre 0,5 % et 8,5 % d’alcool) commence à frémir et devrait rapidement progresser.

L’IWSR (International Wines and Spirits Record) prévoit des taux de croissance élevés au niveau de 10 marchés internationaux clés entre 2021 et 2025, avec une progression de 20 % par an pour les cuvées « faiblement alcoolisées » plus prometteuses et de 9 % par an pour celles « sans alcool ». Cette évolution est à contrecourant du marché du vin quasiment atone.

Face aux perspectives favorables de ce segment, la réglementation est en cours d’évolution.

La filière Vin française est vigilante sur l’utilisation de la dénomination « vin » pour ces produits « désalcoolisés » et « faiblement désalcoolisés ». Elle veille à ce que la qualité, l’image, l’histoire, la culture du vin ne soient pas dégradées et veut éviter toute confusion chez les consommateurs. Les pratiques oenologiques autorisées après la désalcoolisation du produit sont en cours de discussion pour éviter toute dérive. Des règles sont attendues pour permettre un développement encadré de la production.

■ Pour faire correspondre le produit privé d’alcool (puissant exhausteur de goût) aux attentes des consommateurs, les techniques d’élaboration évoluent rapidement. La « désalcoolisation » a posteriori, par osmose inversée ou par distillation sous vide, va permettre de trouver le meilleur équilibre entre, présence des marqueurs du vin et qualité par rapport à la réduction d’alcool. La qualité du produit final peut aller jusqu’à un segment « premium » et dépendra de la qualité du vin de départ. En outre, la désalcoolisation va permettre de proposer différentes déclinaisons de produits à partir d’un même vin. C’est une opportunité pour répondre aux attentes du consommateur, amateur d’innovation.

La désalcoolisation du vin répond à une tendance de fond du marché et ne paraît pas présenter un risque de cannibaliser le marché du vin. Elle devrait recruter de nouveaux consommateurs et permettre à d’autres de consommer davantage. Face aux perspectives de croissances fortes, la France apparaît en retrait par rapport à d’autres pays producteurs comme l’Espagne, l’Afrique du Sud ou les États-Unis. La filière australienne bénéficie d’investissements publics pour se développer. La Nouvelle Zélande a même affirmé son ambition de devenir leader mondial sur le segment premium… Heureusement, les initiatives des opérateurs français (coopératives, négociants, domaines, start-up…) semblent s’accélérer. La société B&S Tech, en se positionnant sur l’expertise process et produit des boissons désalcoolisées (vin, bière, spiritueux et cidre), est devenue une référence avec pour ambition de faire bénéficier du potentiel de la désalcoolisation à la filière vins française. Il serait regrettable que la France, leader mondial du vin, laisse à d’autres ce marché. C’est une opportunité pour développer encore davantage l’excédent commercial des vins français.