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Mildiou, oïdium, les cépages résistants gagnent du terrain
Fruits d’un programme de sélection mené par l’Inrae et l’IFV, les cépages résistants séduisent de plus en plus de vignerons français. Ils permettent de réduire de 90 % le nombre de traitements fongicides et de produire des vins de qualité.
Ils ont de jolis noms qui fleurent bien la France : Floreal, Vidoc, Voltis ou Artaban. Les cépages résistants sont d’ailleurs 100 % français, puisqu’ils ont été conçus sous l’égide de deux organismes de recherche nationaux, l’Inrae et l’IFV (Institut français de la vigne et du vin). Ainsi, ils sont reconnus officiellement comme aptes à produire du vin français, puisqu’ils figurent au
catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France et sont classés sur la liste des variétés de vignes à raisin de cuve.
Pourtant, ces cépages, obtenus par sélection classique, ont un « petit quelque chose d’exotique » : quelques gènes leur viennent de cousins « sauvages », comme Vitis lambrusca, Vitis amurensis, ou encore Vitis riparia, des sous-espèces de Vitis vinifera - vigne majoritaire en France - qui ne sont pas aptes, comme elles, à produire du vin de qualité.
Quels avantages sur le Vitis vinifera ?
Ces sous-espèces sauvages ont cependant un gros avantage sur le Vitis vinifera. Elles résistent aux deux fléaux de la viticulture moderne que sont le mildiou et l’oïdium, des maladies fongiques capables de décimer des récoltes et qui nécessitent de nombreux traitements.
En France, les vignes reçoivent en moyenne 16 traitements fongicides par an (données de 2016), qu’elles soient en conduite conventionnelle ou biologique. Ce nombre élevé de traitements n’est pas « durable », au regard de la nécessité d’une transition agroécologique et des évolutions réglementaires qui l’accompagnent, voire la devancent : « De plus en plus de substances actives se voient retirer leurs autorisations », commente Etienne Goulet, directeur du pôle Val de Loire – Centre de l’IFV.
« Face à cela, les vignerons peuvent envisager deux types de stratégies : remplacer les traitements chimiques par des produits de biocontrôle, ou employer du matériel végétal résistant ». C’est cette voie du matériel génétique résistant qui est explorée à l’Inrae et l’IFV depuis 25 ans. Floreal, Vidoc, Voltis et Artaban sont les premiers cépages résistants créés en France dans le cadre du programme Resdur, pour « résistance durable » : « leur résistance est durable car elle est portée par au moins deux gènes, donc elle est plus difficilement contournable par les champignons ».
20 ans de sélection
Ces quatre cépages sont arrivés sur le marché en 2018 après un très long processus de recherche : « il faut environ 20 ans pour sortir une nouvelle variété », commente Etienne Goulet. Ce processus débute par une reproduction sexuée, au cours de laquelle on fait se croiser deux variétés porteuses de caractéristiques différentes que l’on voudrait retrouver ensemble chez la nouvelle variété. Les vignes étant hermaphrodites, il faut castrer les vignes-mères, puis les polliniser au pinceau avec le pollen d’une autre variété.
Les pépins des raisins ainsi obtenus produisent ensuite par germination des plantules qui représentent un ensemble de génomes très variés : une sélection assistée par marqueurs permet de ne garder que les plantules porteuses des gènes d’intérêt, en l’occurrence les gènes de résistance aux maladies fongiques. Après quelque temps sous serre, ce matériel végétal est ensuite mis en culture au champ, à raison de 5 ceps par génotype. Ils sont étudiés pendant trois ans à partir de leur mise en production. Les candidats qui réussissent ce premier screening passent ensuite l’épreuve de la VATE (Valeur agronomique, technologique et environnementale), à raison cette fois-ci de 90 ceps par génotype, dans deux parcelles différentes, suivis de nouveau pendant trois ans à partir de leur mise en production.
L’ensemble de ce processus dure une quinzaine d’années. S’ajoutent ensuite trois à cinq ans pour l’inscription, le classement de la variété et sa mise à disposition auprès des pépiniéristes pour multiplication. Toutefois le jeu en vaut la chandelle, car les variétés résistantes séduisent de plus en plus de vignerons : 2000 ha de vignes résistantes sont actuellement plantés en France, dont 500 l’ont été pour la seule année 2023.
Floreal : 700 ha en 2024
La variété Floreal est le bestseller du programme Resdur, avec près de 700 ha à elle seule. « Elle plait beaucoup car elle est très typée Sauvignon », explique Etienne Goulet. Aux côtés des variétés françaises Resdur, on trouve deux autres variétés résistantes qui ont un certain succès, le Souvignier gris né en Allemagne et le Sorelli né en Italie. Etienne Goulet explique que la demande du terrain pour les variétés résistantes est si forte que leur déploiement dépend surtout de la disponibilité du matériel végétal chez les pépiniéristes. L’offre va d’ailleurs progressivement s’accroitre puisqu’en 2022, cinq autres cépages, issus du programme « Resdur 2 » ont également reçu leur autorisation d’être cultivées et de produire du vin : Coliris, Lilaro, Sirano, Selenor et Opalor. « Nous ambitionnons de sortir 3 à 4 variétés, tous les trois ou quatre ans ».
Maîtriser la pression fongique
Résistantes, ces vignes ne seront pas toutefois pas « zéro traitement fongicide ». Pour que la résistance soit durable, il faut, malgré tout, que la pression des maladies ne soit pas trop importante, car, en cas d’infestation élevée, des souches de mildiou et d’oïdium pourraient trouver comment contourner les résistances des vignes. « On conseille deux traitements antifongiques sur la saison. Les vignerons font part de leur tranquillité avec ces cépages : ils peuvent positionner ces traitements comme ils le souhaitent ».
Reconnus officiellement comme aptes à produire du vin labellisé « vin de France », les 4 cépages sortis en 2018 ont aussi rapidement trouvé leur place dans les cahiers des charges des IGP (Indications géographiques protégées). Elles sont désormais 23 à les avoir intégrés. Mieux encore, les très select AOP (Appellation d’origine protégée) leur ont aussi ouvert la porte. Déjà 16 d’entre elles ont été autorisées par l’Inao dans le cadre de la directive « VIFA » (Variété d’intérêt à fin d’adaptation ») à les inscrire dans leur cahier des charges, dans la limite de 10 % des assemblages et 5 % des surfaces, et 5 autres en ont fait la demande et attendent la validation.