Conseiller agricole, un métier plus que jamais sous tension avec le Pacte d'orientation

[Edito] Transmission, installation, transitions agroécologique et climatique : le Pacte d’orientation pour le renouvellement des générations fait des conseillers agricoles les chevilles ouvrières du dispositif. Il est là, aussi, le défi de la décennie à venir.

Le métier de conseiller agricole va-t-il rejoindre la cohorte des métiers dits « en tension » ? L’hypothèse n’est pas exclue. A l’annonce du Pacte d’orientation pour le renouvellement des générations, dévoilé le 15 décembre par le ministère de l’Agriculture, les conseillers agricoles ont pu ressentir le poids de la charge qui leur incombe. Jugez plutôt. Le Pacte entérine la création du réseau France services agriculture et son guichet unique à l’installation et à la transmission, où chaque porteur de projet, du plus balbutiant au plus avancé, y trouvera les interlocuteurs compétents en matière d’accompagnement à l’installation, d’emploi salarié et de formation. Dès lors qu’un projet commencera à prendre forme, les conseillers devront réaliser un diagnostic modulaire de l’exploitation à « 360° », destiné à évaluer dans le temps sa viabilité économique, sociale, humaine et écologique, au regard de l’évolution des conditions pédoclimatiques du territoire concerné sur les prochaines années, incluant un stress-test climatique et un diagnostic de la santé des sols en cas d’achat de foncier.

Former... les formateurs

Dans le cadre du futur programme national d’orientation et de découverte, destiné à reconnecter agriculture et société, les Chambres d’agriculture seront sollicitées pour contribuer à une meilleure connaissance, auprès des jeunes, de l’agriculture et de l’alimentation, des métiers de la production agricole et des formations qui y préparent. En outre, les Chambres assureront l’interface entre les exploitants et les établissements scolaires pour mettre en place, à destination des élèves des écoles élémentaires, au moins une action annuelle de découverte de l’activité agricole, et à destination des collégiens, et des élèves de seconde qui le souhaitent, un stage immersif en exploitation.

Il faudra aussi former... les formateurs et conseillers sur les enjeux liés aux transitions agroécologique et climatique. Le Pacte intègre en effet un programme national visant à former en trois ans 20.000 enseignants et formateurs (public et privé), 20.000 conseillers des différentes structures d’accompagnement de l’agriculture (Chambres d’agriculture, coopératives agricoles, organismes nationaux à vocation agricole et rurale...) et 10.000 fonctionnaires (en plus des enseignants).

Un Pacte à 360° confinant au sur-place ?

Tout en saluant les vertus du Pacte, à la construction duquel elles ont participé, les Chambres d’agriculture ont illico presto interpellé les pouvoirs publics sur la question des moyens. Une antienne un peu pavlovienne pour le réseau mais qui n’enlève rien à sa légitimité. Le ministère de l’Agriculture n’a-t-il pas, récemment, initié une procédure de report du Conseil stratégique phytosanitaire (CSP), motivée par le manque de conseillers habilités ? A propos d’Ecophyto, une Commission parlementaire ne vient-elle pas de désigner le conseil agricole comme « le grand impensé et le grand échec » de la décennie écoulée ? Voilà deux comme « le grand impensé et le grand échec » de la décennie écoulée ? Voilà deux mauvais signaux, à l’heure où le Pacte fait figure de CSP et d’Ecophyto à la puissance 10. La reconnexion, le guichet unique, le diagnostic à « 360° », c’est juste vital. Encore faut-il ne pas donner le tournis aux conseillers agricoles. En matière de renouvellement des générations et de transitions, les enjeux et défis relèvent de la course de vitesse. Avec le « 360° » et autres prérogatives, sans les moyens idoines, gare au sur-place.