Pacte d’orientation pour le renouvellement des générations : les arbitrages du gouvernement

Parmi les éléments saillants du Pacte et loi d’orientation et d’avenir agricoles (PLOAA) figurent la création de France services agriculture et du guichet unique installation-transmission opéré par les Chambres d’agriculture, le renforcement de la formation aux transitions climatique et écologique, la réalisation d’un stress-test climatique pour les nouveaux installés ou encore l’ouverture du milieu agricole aux écoliers et collégiens. A noter l’absence de volet foncier en dehors de la création de GFA d’Investissement.

Quinze mois : c’est le temps qui aura séparé l’annonce d’un projet de Pacte et loi d’orientation et d’avenir agricoles par le président de la République le 9 septembre 2022 aux Terres de Jim 2022 et la présentation de ses grandes lignes le 15 décembre 2023. Entre-temps, le ministère de l’Agriculture aura piloté une vaste concertation étalée sur le premier semestre 2023 associant l’ensemble des écosystèmes agricoles et agroalimentaires, les élus nationaux et locaux, l’enseignement et la recherche, la société civile, le monde associatif et le grand public, dont les grandes lignes ont été dévoilées aux Terres de Jim 2023.

« La vocation du Pacte, c’est de réinterroger les outils de nos grandes politiques publiques forgées dans les années 1960, à l’aune de deux défis de l’époque que sont le renouvellement des générations et la nécessité de produire en quantité et en qualité sous contrainte climatique », fait savoir le ministère de l’Agriculture, qui pointe également « la nécessité pour l’agriculture d’être un acteur des transitions » ainsi que « la volonté de projeter les politiques publiques à l’horizon 2030-2040 dans un cadre qui assume complètement les objectifs européens et nationaux en matière climatique, environnementale et sociale, avec l’objectif d’assurer la souveraineté alimentaire de la France ».

Pas de loi foncière mais des GFA d’investissement

A noter toutefois que la question foncière ne figure pas dans les prérogatives du PLOAA mais devrait bénéficier « d’améliorations d’un certain nombre de points », le foncier étant, au regard d’autres pays européens « un élément d’attractivité du système agricole français » et la concertation n’ayant pas exprimé la nécessité d’un « grand bouleversement », selon le ministère.

Cependant, la future loi d’orientation actera la création des Groupements fonciers agricoles d’investissement (GFAI), ayant vocation à « augmenter le nombre d’investisseurs dans le secteur agricole et à apporter de nouveau capitaux dans les exploitations », corrigeant ainsi les limites du GFA (faible rentabilité, caractère peu liquide des parts sociales, absence de marché de parts, conditions de sortie restrictive). Le ministère démine tout procès en « financiarisation », indiquant que le GFAI recèle des « garanties en matière de maîtrise des capitaux avec des garde-fous sur le type d’investisseurs autorisés afin de conserver notre souveraineté sur un élément stratégique qu’est le foncier ».

A noter également une révision des règles de priorité relatives au contrôle des structures, en faveur de l’agriculture biologique et des pratiques agroécologiques au sein des zones humides et des aires d’alimentation prioritaires de captage.

Réconcilier l’agriculture et la société

Décrit comme son « socle » et sa « pierre angulaire », la réconciliation entre l’agriculture et la société est l’une des ambitions du Pacte, avec l’objectif affiché de provoquer un « choc d’attractivité ». Outre une campagne de communication nationale, à l’adresse du grand public et des prescripteurs en matière d’orientation des élèves, une des mesures « fortes » va résider dans le lancement d’un programme national d’orientation et de découverte à l’intention des élèves des écoles élémentaires, tandis que collégiens, et élèves de seconde qui le souhaitent, bénéficieront d’un « stage immersif ».

« Dès 2024, on sera en capacité de lancer un certain nombre d’expériences », précise le ministère. Ces expériences seront le prélude à l’établissement d’un programme, « avec l’Education nationale et les collectivités territoriales mais ne reposant pas uniquement sur les établissements du primaire et du secondaire ». Le ministère mise sur une « mobilisation générale » destinée à amplifier et massifier les expériences de découverte « concrètes ». Charge aux Chambres d’agriculture d’assurer un recensement « fin » des exploitations prêtes à ouvrir leurs portes et à « jouer le jeu ». « Il y a besoin de faire redécouvrir le vivant et les spécificités du métier d’agriculteur, la place de l’agriculteur dans les questions de transition écologique en lien avec les questions de biomasse et d’énergie renouvelables », précise le ministère.

Refonder la formation et l’installation

Pour faire émerger une nouvelle génération d’agriculteurs « à l’avant-garde des transitions écologiques », le ministère de l’Agriculture va créer un réseau d’experts associés de l’enseignement agricole, en soutien des enseignants et formateurs, soit une cohorte de 1000 experts « où les agriculteurs auront toute leur place car les premiers concernés pour parler de transition ». En 2025 sera lancé un programme triennal de formation accélérée des 50.000 professionnels qui accompagnent et conseillent les agriculteurs pour en faire des conseillers « à la pointe des transitions » et aiguiller « le plus efficacement possible » les agriculteurs dans les logiques de transition. Pour le ministère, il s’agit « d’accompagner plutôt que de contraindre par la loi ».

En ce qui concerne l’installation, le PLOAA acte la création du France services agriculture, le guichet unique de l’installation-transmission, ayant vocation à assurer « un accompagnement pluriel » des porteurs de projet, « ceux qui ont un projet, ceux qui sont en phase d’émergence, ceux qui veulent faire du salariat et ceux qui veulent céder une exploitation ».

Au titre de leur mission de service public, les Chambres d’agriculture se verront confier le guichet unique instauré par France services agriculture et seront dotées, à terme, de nouvelles ressources, affirme le ministère. « Toutes les structures qui font de l’accompagnement ont vocation à travailler dans ce cadre-là, l’idée étant d’avoir une multiplicité d’acteurs (...). On a besoin de diversité et de pluralisme, on a besoin d’accompagner l’ensemble des projets dans leur diversité ». Une procédure d’agrément national et régional permettra de s’assurer de la diversité des structures en capacité d’accompagner les porteurs de projet, « de la manière la plus fluide possible ».

Le projet de loi conditionne l’accès au bénéfice des aides publiques à l’installation à la réalisation du parcours de conseil de France service agriculture, assorti au cas par cas d’un parcours de formation pour acquérir les connaissances et compétences requises par le projet.

Le PLOAA ne fixe pas d’objectif quantitatif en terme d’installations. « Le but, c’est de permettre à tous les porteurs de projet de faire émerger un projet permettant d’assurer la souveraineté alimentaire sous contrainte climatique, avec des outils d’accompagnement qui permettent d’embarquer des projets viables économiquement et écologiquement ». Le « droit à l’essai » fera l’objet d’un groupe de travail, chargé d’évaluer l’opportunité de fixer un cadre législatif et réglementaire, en s’appuyant sur le retour d’expérience de Gaec.

Dans le cadre du réseau France services agriculture, le cédant rentrant dans un parcours de transmission bénéficiera d’une aide directe et, en fin de de parcours, d’une exonération supplémentaire de plus-value si la transmission profite à un jeune et non à l’agrandissement.

Reconcevoir les systèmes agricoles

Face aux défis climatiques et écologiques, et compte tenu du fait que les transitions sont « par nature porteuses de risques », un diagnostic modulaire de l’exploitation à l’installation et à la transmission sera instauré à compter de 2026, afin de s’assurer de la viabilité économique, sociale, humaine et écologique des projets. Il inclura notamment un stress-test climatique et un diagnostic de la santé des sols lors de la vente d’une parcelle. Le gouvernement entend par ailleurs sécuriser les projets de bâtiments (type méthanisation) et de stockage de l’eau, en faisant valoir, notamment, « la présomption d’urgence » face aux  recours en contentieux et en supprimant un niveau de juridiction administratif.

Au plan financier sont programmés un fonds de garantie de l’Etat de 400 millions d’euros permettant de lever jusqu’à 2 milliards d’euros pour les agriculteurs s’installant ou transformant leur système, ainsi qu’un fonds en faveur de la souveraineté alimentaire et des transitions pour soutenir, territoire par territoire, l’adaptation des filières au changement climatique. Il sera doté de 180 millions d’euros en 2024, puis 200 millions d’euros en 2025 et autant en 2026.