Crise agricole : les ultimes réponses du gouvernement

Sacraliser la souveraineté alimentaire, redonner du revenu aux agriculteurs et de la valeur à l’alimentation, en finir avec les surtranspositions et les situations de concurrence déloyale, porter Egalim au plan européen, assouplir la fiscalité entourant la transmission-installation, 150 M€ dédiés à l’élevage, Plan Ecophyto en « pause » etc. : telle est la teneur des dernières annonces du gouvernement, décidé à « avancer le plus vite possible » avant le Salon de l’agriculture.

« Mieux reconnaitre le métier d’agriculteur, redonner de la valeur à notre alimentation, redonner du revenu aux agriculteurs, protéger contre la concurrence déloyale, simplifier la vie quotidienne des agriculteurs, lutter contre les surtranspositions, assurer l’avenir et préserver notre souveraineté face au changement climatique » :  telle est l’antidote à la crise que Gabriel Attal a présentée ce jeudi en conférence de presse, alors que le mouvement parti du Sud-Ouest à l'automne a fini par gagner tout le territoire, débordant jusqu'à Bruxelles.

Mieux reconnaitre le métier d’agriculteur : sanctuariser la souveraineté alimentaire

Ce chapitre compte quatre actions concrètes à commencer par l’inscription dans la loi de l’objectif de souveraineté alimentaire. Un rapport annuel sera publié chaque année, dont le premier avant le Salon de l’agriculture,  et ayant vocation à « faire la transparence sur nos progrès pour atteindre la souveraineté alimentaire (...) et à nous alerter là où ça ne va pas pour prendre, avec les filières toutes les mesures nécessaires ».

"L’objectif est clair : nous voulons renforcer notre agriculture filière par filière"

La proposition de loi sur les troubles du voisinage sera inscrite « dès tôt possible » à l’ordre du jour du Sénat pour une adoption  « rapide » pour protéger les agriculteurs des recours abusifs de ceux qui voient l’agriculture « comme une nuisance et non comme une chance ». Enfin un plan de souveraineté sera établi dans chaque filière « qui en a besoin, notamment sur l’élevage (...) L’objectif est clair : nous voulons renforcer notre agriculture filière par filière ». Une attention particulière sera donnée à l’outre-mer.

Redonner de la valeur à notre alimentation : règles d’étiquetage, produits de qualité et durables

« La viande de synthèse ne correspond à notre conception de l’alimentation à la Française » a déclaré Gabriel Attal qui attend une réglementation « claire » au niveau européen sur sa dénomination. En ce qui concerne l’étiquetage, le Premier ministre a annoncé promouvoir l’étiquetage de l’origine des produits, notamment au niveau européen. « Nous avons eu une première victoire la semaine dernière sur l’origine du miel et nous allons continuer (...) C’est un enjeu de transparence pour nos consommateurs et un enjeu de justice, de vérité pour nos agriculteurs ». La lutte contre la « francisation » est donc vouée à s’intensifier.

"Oui l’Etat sera exemplaire pour atteindre les 50% de produits durables et de qualité et arriver aux 20% de bio"

Le chef du gouvernement va par ailleurs accélérer sur le respect des objectifs Egalim dans la restauration collective. « Oui l’Etat sera exemplaire pour atteindre les 50% de produits durables et de qualité et arriver aux 20% de bio dans nos approvisionnements le plus vite possible », relevant que beaucoup de collectivités se sont déjà engagées.

Redonner du revenu aux agriculteurs : Egalim portée au niveau européen

« Le revenu des agriculteurs, c’est la dignité de nos agriculteurs » a dit le Premier ministre. Après le renoncement « indispensable » aux hausses sur le GNR, l’eau et la RPD, une enveloppe de 150M€ est attribuée à l’élevage « en soutien social et fiscal dès cette année, de façon pérenne », et dont les modalités seront précisées avec la filière.

"La retraite, c’est le fruit d’une vie de travail"

Le gouvernement va par ailleurs « retravailler » le sujet des retraites et notamment des 25 meilleures années. « La retraite, c’est le fruit d’une vie de travail. Si nouveau système il y a, il faudra évidemment qu’il ne fasse pas des perdants chez les plus fragiles ». Au menu également, le renforcement d’Egalim et des contrôles afférents, ainsi que l’affirmation de voir cette loi étendue à l’ensemble de l’UE, afin de lutter contre les contournements dont sont accusés les distributeurs, via leurs centrales d’achat européennes.

Protéger contre la concurrence déloyale : mesures miroirs « partout » et clauses de sauvegarde

« Des mesures miroirs partout, des clauses de sauvegarde pour lutter sans relâche contre la concurrence déloyale » : c’est ce qu’a affirmé le chef du gouvernement, exemple à l’appui. « J’ai décidé de prendre sans délai une clause de sauvegarde sur thiaclopride qui interdit enfin l’importation les fruits et légumes traités avec ce pesticide que nous avons interdit en Europe ». Sur ce point, la France se positionne ainsi « en avance de phase » par rapport à l’UE. « C’est le signe de la nouvelle politique qui sera la nôtre ».

"Il n’est pas question d’accepter le Mercosur, c’est clair, c’est net et c’est ferme"

Concernant le Mercosur, « il n’est pas question d’accepter ce traité, c’est clair, c’est net et c’est ferme ». La France proposera par ailleurs la création d’une « force européenne de contrôle pour lutte contre la fraude », notamment sanitaire, destinée à lutter contre l’importation de produits ne respectant pas les règles françaises et européennes.

En ce qui concerne l’Ukraine et les déstructurations de marché induites par la suspension des droits de douane, « nous avançons avec la création de clause de sauvegarde, notamment sur la volaille, a dit Gabriel Attal. Il faudra que nous abordions la question des céréales dans le cadre des négociations qui se poursuivent ».

A noter aussi une mesure destinée à renforcer la compétitivité : la pérennisation du dispositif TO-DE pour les travailleurs saisonniers et l’augmentation du plafond du dispositif de 1,2 à 1,25 Smic.

Simplifier la vie quotidienne des agriculteurs : 10 mesures « drastiques »

Le Premier ministre a rappelé le « grand chantier de la simplification » annoncé en Haute-Garonne le 26 janvier, comprenant notamment le passage de 4 à 2 mois des droits de recours portant notamment les procédures ICPE et les autorisations de prélèvement en eau pour les projets agricoles, la suppression d’un niveau de juridiction concernant les contentieux relatifs à la gestion de l’eau ou encore l’application de la « présomption d’urgence » pour purger le contentieux en moins de 10 mois etc.

"Les préfets simplifient en ce moment même des normes partout en France"

« Le chantier avance à vitesse "grand V ", les préfets simplifient en ce moment même des normes partout en France » a dit Gabriel Attal. Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, a annoncé la parution du décret « curage » au Journal officiel ce jeudi même.

Lutter contre les surtranspositions : harmonisation européenne, Ecophyto à « l’arrêt »

« J’ai bien entendu nos agriculteurs me dire on ne veut plus de situations où une molécule est interdite en France alors qu’elle est encore autorisée chez nos voisins européens et que des produits traités avec cette molécule arrivent quand même devant les étals devant les Français » a dit le Premier ministre, qui s’est engagé à recaler le calendrier européen et le calendrier français concernant le réexamen de réhomologation des produits phytosanitaires. « Nous sortirons de cette situation où notre agence sanitaire se prononce sur des produits sans coordination avec le régulateur européen. Ça n’a pas de sens, ça veut dire qu’on prend de l’avance alors qu’une procédure est ouverte au niveau européen et que les agriculteurs français se retrouveraient les seuls à faire l’objet de cette interdiction, nous sortirons de cette situation ».

"Le plan Ecophyto, nous le mettrons à l’arrêt le temps de mettre en place un nouvel indicateur"

Concernant le Plan Ecophyto, le Premier ministre a annoncé le mettre « à l’arrêt le temps de mettre en place un nouvel indicateur et de reparler des zonages et de la simplification », citant le registre électronique, dans un objectif de « non surtransposition » et de « préservation de notre environnement et de la protection de nos concitoyens ». Un chantier qui doit aboutir avant le Salon de l’agriculture a promis Gabriel Attal, rappelant que 250M€ avaient déjà été mis sur l’identification de nouvelles solutions. « Nous mettrons à nouveau un coup de collier pour y parvenir », réitérant la formule « pas d'interdiction sans solution ».

Assurer l’avenir et le renouvellement des générations

Le Premier ministre a évoqué le Pacte pour le renouvellement des générations en agriculture, dont la présentation en Conseil de ministre, initialement prévue le 24 janvier, avait été ajournée avec le surgissement de la crise. Elle sera présentée avant le Salon de l'agriculture, pour un vote au 1er semestre« C’est par les nouvelles générations que nous assurerons la pérennité de notre agriculture, nous y mettrons les moyens ».

"L’installation, un enjeu d’épanouissement pour nos jeunes, un enjeu pour le pays"

L’installation, « c’est d’abord un enjeu pour nos jeunes. Ils sont tellement nombreux à aspirer et à s’engager pour le vivant, à devenir agriculteur, éleveur, s'est exclamé Gabriel Attal. C’est donc un enjeu d’épanouissement pour eux mais c’est un enjeu pour le pays. Assurer le renouvellement des générations, la transmission, l’installation des jeunes, c’est le moyen le plus sûr de maintenir notre agriculture dans la durée et donc notre identité française ».

Trois mesures fiscales en matière de transmission des exploitations et du foncier agricole ont été annoncées, en cas de transmission à un jeune agriculteur  : le relèvement du seuil d’exonération de plus-value totale (700.000€ contre 500.000€) et partielle (1,2M€ contre 1M€), le relèvement de 500.000 à 600.000€ en cas d’engagement de conservation de 10 ans du seuil d’exonération des droits de succession et donation en cas de transmission de bien ruraux donnés à bail à long terme et de parts de GFA, l’ouverture aux jeunes agriculteurs du régime d’exonération des plus-values en cas de retraite dans les situations de sessions sur longues périodes.

Préserver notre souveraineté face au changement climatique 

Gabriel Attal ne s’est pas attardé sur ce chapitre mais a rappelé que le gouvernement avait déjà mis 1,3 milliard d’euros pour « aider nos agriculteurs à lutter et à s’adapter face au changement climatique (...) On continuera à être à leur côté, c’est notre responsabilité d’agir avec nos agriculteurs et non pas contre eux pour la transition écologique ».