Et une sucrerie de plus en moins

[Edito] Invoquant des baisses de volumes, le groupe coopératif Tereos projette de fermer son usine d’Escaudœuvres (Nord). L’annonce intervient quelques jours après le lancement d’un plan de soutien aux industries agroalimentaires et à la veille d’une campagne betteravière toute en incertitudes.

« Les volumes de betteraves disponibles ne permettent pas, en période de campagne, à certains sites de fonctionner à pleine capacité » : telle est l’explication donnée par Tereos au projet d'arrêter l’activité sucrière de son site d’Escaudœuvres situé dans le Nord. Le groupe coopératif, qui va aussi se délester d’une distillerie (fermeture) et d’une féculerie (cession) est rattrapé par la nécessité de « redimensionner son empreinte industrielle pour sauvegarder sa compétitivité ». Un vocable que n’auraient pas renié ses deux principaux concurrents dans l’Hexagone que sont Cristal Union et Saint Louis Sucre, qui ont fermé chacun deux usines au cours des trois années écoulées.

Une campagne toute en incertitudes

Moindre mal : les betteraviers de la région d’Escaudœuvres pourront livrer leur production sur des usines voisines. Ceux de Bourdon-Cristal Union (Puy-de-Dôme) n’ont pas eu cette chance après 2019, perdant une carte maitresse de leur assolement. Mais encore faudra-t-il que les planteurs ne rechignent pas à planter, alors qu’ils viennent de perdre une arme anti-jaunisse qu’étaient les néonicotinoïdes et qu’ils ne savent rien du mécanisme de compensation des éventuelles pertes, promis par le ministère de l’Agriculture. Tereos anticipe ainsi une baisse de 10% des « engagement coopératifs » cette année. « Surtranspositions nationales, distorsions de concurrence, interdictions sans solutions aboutissent à une baisse continue des surfaces de betteraves et à la difficulté économique de maintenir tous les outils industriels dans un environnement concurrentiel et au sein d’une Europe agricole à plusieurs vitesses », a réagi la CGB dans un communiqué. Puisse la « la nouvelle stratégie nationale phytosanitaire » annoncée par la Première ministre au Salon de l’agriculture, corriger significativement et durablement le tir.

En 20 ans, une fermeture tous les deux ans

En l’espace de 20 ans, une dizaine de sucreries aura été rayée de la carte betteravière française (il en restera 20 après Escaudœuvres), avec comme élément accélérateur une double réforme de l’OCM en 2006 et 2017. La dernière en date s’est conclue par la suppression des quotas de production et du prix minimum garanti, avec pour corollaire une pleine exposition au marché mondial et à la compétition internationale. En ce qui concerne le sucre, la sacro-sainte souveraineté n’est pas (encore) le sujet puisque la France exporte environ le tiers de sa production, générant au passage un excédent commercial de 856 millions d’euros (2022). Mais il faut moins produire de sucre pour en exporter qu’exporter pour pouvoir continuer d’en produire sur notre sol à un prix compétitif. Une équation qui se pose à peu près en mêmes termes pour la filière laitière et son maillage d’usines et d’élevages. D’où le plan de soutien et de souveraineté des industries agroalimentaires dévoilé par le gouvernement pendant le Salon de l’agriculture... quelques jours avant l’annonce de Tereos.