Vers un 3ème et dernier recours aux néonicotinoïdes sur betteraves

La décision sera fondée sur l’état des réservoirs viraux et sur des simulations d’arrivée précoce de pucerons vecteurs de la jaunisse. En 2024, il ne faudra compter que sur les solutions alternatives en cours d’expérimentation.

« Les alternatives aux néonicotinoïdes, qui font l’objet de ces recherches ne sont cependant que partiellement mobilisables et encore insuffisantes pour assurer la protection des semis 2023 vis-à-vis des attaques de pucerons. En outre, la récolte 2022 a été affectée par une sécheresse due à de multiples vagues de chaleur ». C’est ainsi que le ministère de l’Agriculture justifie la mise en consultation publique jusqu’au 24 janvier d’un projet d’arrêté visant à autoriser, de manière dérogatoire et pour une période de 120 jours, les traitements de semences à base d’imidaclopride (Gaucho 600 FS) ou de thiamethoxam (Cruiser SB).

Il s’agit potentiellement de la 3ème et dernière année dérogatoire, conformément à la loi du 14 décembre 2020, adoptée à la suite d’une attaque ayant une chute de 30% des rendements de betteraves sucrières, deux ans après l’interdiction d’usage des néonicotinoïdes en France. La loi prévoyait en outre des réductions de doses des deux néonicotinoïdes concernés, l’implantation de jachères mellifères ou encore des restrictions d’implantation de cultures mellifères derrière des betteraves traitées.

Générations Futures conteste le bien-fondé du projet d’arrêté

Déjà engagée pour les campagnes 2021 et 2022, la procédure dérogatoire est fondée sur l’analyse des réservoirs viraux durant l’hiver et sur des simulations d’arrivée précoce de pucerons vecteurs de la maladie, lesquelles reposent sur les prévisions climatiques saisonnières. « Les calculs montrent une probabilité importante d’arrivée avant le 1er juin sur une part importante de la zone de culture, avec une structuration ouest-est marquée », indique la fiche jointe au projet d’arrêté.

L’autre fiche, relative aux réservoirs de virus, rend compte des analyses effectuées sur 264 échantillons de plantes. Résultat : aucun échantillon ne s’avère positif. « A ce stade, la pression virale de 2022 semble moindre qu’en 2021 et 2020 sur les compartiments échantillonnés sur les trois années, lit-on dans la fiche. Force est de constater que les connaissances en matière de cinétique de réplication virale au cours de l’hiver demeurent à parfaire. On ne saurait donc conclure avec certitude que les observations de 2022 donnent une image fidèle des réservoirs viraux effectifs ».

L’association Générations Futures ne s’est pas embarrassée de la réserve scientifique pour affirmer que « les données pour une prévision d’un impact important de la jaunisse sur les cultures de betteraves ne sont pas réunies - il faudrait à la fois avoir un fort réservoir de virus et une forte pression de pucerons - et que rien ne justifie donc la dérogation proposée ».

2023, une campagne cruciale au plan scientifique

Le travail d’analyse des réservoirs viraux dépasse les seules contingences réglementaires du dispositif dérogatoire. Il s’inscrit dans les mesures de lutte alternatives auxquelles s’attèle le Plan national de recherche et innovation (PNRI), institué après les attaques de l’été 2020. « La connaissance de ces réservoirs ouvre la voie vers, d’une part, l’estimation du risque et, d’autre part, vers des mesures de gestion prophylactique sont aussi, à terme, la condition sine qua none pour que les leviers de lutte aient une efficacité forte et pérenne au fil des années ».

Le sujet des réservoirs viraux est l’un des 23 projets de recherche du PNRI, mobilisant divers leviers génétiques (tolérance, résistance) et agroécologiques (auxiliaires, plantes compagnes...), sans oublier le biocontrôle.

Selon le ministère de l’Agriculture, la troisième et dernière année d’essais scientifiques sera cruciale avant le déploiement des alternatives aux néonicotinoïdes pour les semis 2024. Outre la poursuite des 23 projets, la campagne à venir sera mise à profit pour expérimenter la combinaison de solutions, jauger l’impact économique des solutions et des combinaisons ainsi que les conditions de transfert aux planteurs.