Face aux prédateurs, une carte interactive pour sensibiliser l’opinion publique

[Tech-Ovin 2023] Eleveur caprin dans les Vosges, Bruno Lecomte a créé une carte interactive permettant de documenter en temps réel les attaques de prédateurs dans toute l’Europe, espérant rallier l’opinion publique à la cause des éleveurs.

« 2 septembre 2022. Le poney Dolly, âgé de 30 ans, appartenant à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, tué par le loup GW950m à Beinhorn, Hanovre, Basse-Saxe » : telle est l’information figurant sur la carte European Predation Map (EPM). « C’est l’un des 22.000 signalements recensés à ce jour », précise Bruno Lecomte. L’homme est éleveur de chèvres à La Bresse (Vosges) et mène depuis des années un travail documentaire pour tenter de contrebalancer le discours d’associations environnementalistes, anti-spécistes ou encore abolitionnistes, stigmatisant l’élevage d’animaux de rente.

Sur le site EPM, le signalement de l’attaque dont a été victime le poney de la présidente de la Commission européenne (Source : EPM – Bruno Lecomte)
Sur le site EPM, le signalement de l’attaque dont a été victime le poney de la présidente de la Commission européenne (Source : EPM – Bruno Lecomte)

La carte EPM a vocation à recenser toutes les attaques, avec datation, photos, lieux, sources officielles et plusieurs filtres d’entrée : pays, commune, position, attaques d’ours, de loups, sur animaux... et sur humains. « En Roumanie, le nombre d’attaques d’ours sur humains est impressionnant, confie l’éleveur. En Italie, un loup pur attaque des gens sur une ville balnéaire de l’Adriatique. En France, on a deux signalements d’attaque de loup sur humains ».

Retourner les citoyens pour retourner les politiques

Avec la carte EPM, Bruno Lecomte entend rééquilibrer le rapport de force entre pro-prédateurs et pro-éleveurs. « Quand un éleveur tue un prédateur, vous avez 10 journalistes et 15 articles mais quand un prédateur tue un bovin ou un ovin, vous avez un journaliste et peut-être un article ». L’éleveur est membre du Collectif L113 en référence à l’article du Code rural qui impose d’assurer « la pérennité des exploitations agricoles et le maintien du pastoralisme, en particulier en protégeant les troupeaux des attaques du loup et de l’ours et du loup dans les territoires exposés à ce risque ». De L113 à L214... « L214 a réussi à retourner certaines personnes avec ses vidéos. A nous éleveurs d’utiliser nos photos de prédation comme arme de communication. Sur les sujets du loup et de l’ours, cela fait 30 ans que l’on n’arrive pas à mobiliser les politiques. La carte doit contribuer à créer un une prise de conscience chez nos concitoyens français et européens et par ricochet, peser sur les décisions politiques ».

Le 4 septembre dernier, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a évoqué l’éventualité d’une remise en question du statut d’espèce strictement protégée accordée au loup par la Convention de Berne. Une position qui interroge à neuf mois de la fin de son mandat.

Ré-ensauvagement et financiarisation

« Selon, moi, c’est une prise de conscience personnelle, déclare Bruno Lecomte. C’est courageux mais il lui faudra convaincre son Commissaire à l’environnement, qui milite pour le ré-ensauvagement de 10% du territoire de l’UE. En France, via les réserves et les parcs nationaux, on est à 1,5% de protection forte. Pour moi, ré-ensauvager, c’est tirer un trait sur l’élevage. Je ne veux pas faire les frais de la compensation de mes concitoyens urbains ».

Pour Bruno Lecomte, l’étape d’après, c’est la financiarisation de la nature. « Les services écosystémiques, c’est une manne énorme pour l’Etat, les conservatoires de sites, les associations environnementalistes avec des miettes pour les éleveurs. Une étude française a montré que les Français étaient prêts à payer 10 milliards d’euros par an pour aller marcher dans les bois. 80% de nos concitoyens vivent en ville. Ils ont l’habitude de payer ».