Quand Bruxelles crie au loup, Bellac reprend du poil de la bête

[Edito] A Bellac, au salon national du mouton, l’élevage ovin a montré qu’il bêlait encore, malgré une conjoncture difficile et un avenir incertain. Pendant qu’à Bruxelles, la Commission européenne montrait ses crocs au loup.

« La concentration de meutes de loups dans certaines régions d'Europe est devenue un véritable danger pour le bétail et, potentiellement, pour l'homme ». C’est ce qu’a déclaré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, le lundi 4 septembre. Bruxelles qui crie au loup, whaouh ! La déclaration n’a pas seulement stupéfié les ONG environnementalistes. « Cela nous a surpris », a réagi Michèle Boudoin, présidente de la FNO, dans les allées de Tech-Ovin, à Bellac (Haute-Vienne). Dans la foulée, en France, la préfète coordinatrice du Plan national d’actions loup communiquait l’effectif de loups au sortir de l’hiver 2022-2023, en hausse de 20% sur un an, en considérant la population estimée un an plus tôt par l’OFB, qui joue toujours la montre entre chiffres provisoires et définitifs, au détriment des prélèvements. Dans sa missive, Ursula von der Leyen a donné jusqu’au 22 septembre aux Etats membres pour lui faire remonter les données d’impacts des prédateurs, préalable à un éventuel réexamen du statut du loup, aujourd’hui strictement protégé.

Le poney de trop ?

Il faudra patienter avant de jauger l’effet de l’initiative de la présidente de la Commission européenne, quelques jours après la démission du Commissaire à l’environnement et à neuf mois des élections européennes, qui vont rebattre les cartes du Parlement et de la Commission, et donc le sort de sa présidente. Le fait qu’Ursula von der Leyen soit, à titre personnel, une victime collatérale du loup, après l’attaque mortelle subie par son poney à l’automne 2022, ne peut pas manquer d’interroger, même s’il s’est écoulé un an entre la prédation et sa déclaration. Cette prédation toute particulière n’a pas échappé à Bruno Lecomte, un éleveur caprin qui mène depuis des années un travail documentaire pour tenter de contrebalancer les discours d’associations environnementalistes, anti-spécistes ou encore abolitionnistes. A Bellac, il présentait son application numérique documentant en temps réel les signalements d’attaques répertoriés dans l’UE (sur animaux et humains), au nombre de 22.000, tous prédateurs confondus.

Merci Ursula, merci Florence

Si la prédation, et les traumatismes qu’elle génère, n’est pas le meilleur moyen de préserver et de pérenniser l’élevage dans les zones impactées, la filière ovine, qui paie le plus lourd tribut, a d’autres défis à relever, aux plans conjoncturel et structurel. Selon l’Institut de l’élevage, tous les systèmes (lait et viande) ont vu leur revenu courant par unité de main d’œuvre baisser de plus de 30%, voire davantage, entre 2021 et 2022. Côté transmission-installation, la filière ovine affiche des taux de remplacement records... sauf dans les plus gros bassins de production.

A Bellac, où le soleil tapait fort, notamment sur les panneaux « photo-polémiques », la filière a rechargé ses batteries, avec ses ateliers dédiés aux chiens de conduite (et de protection !), son concours de tonte ou encore sa Foire nationale de reproducteurs ovins, 60ème du nom. Sans oublier les mini-conférences de l’Institut de l’élevage, donnant à voir l’émulation de la recherche appliquée. La lumière, elle est aussi venue de Florence Rossi, une bergère-fromagère qui s’est installée à près de 50 ans. Plus qu’une Nima, un Ovni chez les ovins. Merci Ursula. Merci Florence.