La France ouvre les vannes à la réutilisation des eaux usées traitées

Un arrêté définit les conditions de production et d’utilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation de cultures, de nature à lever les obstacles à l’usage agricole d’un gisement potentiellement conséquent mais qui demeurera néanmoins contraint. L’objectif du Plan eau est de faire émerger 1000 projets d’ici à 2027.

1,6 milliard de m3 : c’est, selon un rapport gouvernemental paru à l’automne dernier, le gisement d’Eaux non conventionnelles (ENC) susceptibles d’être mobilisées en France pour servir différents usages tels que l’hydrocurage des réseaux, le lavage des bennes et véhicules de services de propreté, le lavage de voiries, l’arrosage des espaces verts et... l’irrigation des cultures. Ce dernier usage est autorisé depuis la publication d’un arrêté datant de 2010, après que les retours d’expériences menées dans plusieurs iles (Noirmoutier, Oléron, Porquerolles, Ré…) aient démontré l’innocuité de la pratique vis-à-vis de la santé humaine et de l’environnement.

Depuis 2010, de l’eau, ou plus exactement de moins en moins d’eau, a coulé sous les ponts. Avec le changement climatique à l’œuvre, les tensions sur la ressource se sont exacerbées mais la réutilisation des eaux traitées (REUT), issues des eaux non conventionnelles n’a guère progressé. La faute à un cadre réglementaire un peu trop contraint. En France, le recours aux ENC pointe à 0,6% du potentiel quand l’Espagne pointe à 8%, l’Italie à 14%. Les meilleurs élèves au plan international sont le Koweït, Israël, le Qatar ou encore Singapour. Présenté par le président de la République le 30 mars dernier, le Plan d’action pour une gestion résiliente, sobre et concertée de la ressource en eau, dit Plan eau, ambitionne de faire émerger 1000 projets de REUT d’ici à 2027.

Un arrêté pour ouvrir les vannes...

C’est tout l’objet de l’arrêté paru au Journal officiel le 28 décembre dernier, bien entendu sans faire de concession à la sécurité sanitaire. Selon le rapport précité, 449 projets d’ENC sont répertoriés au niveau national, en à l’étude ou en service, dont 419 projets de REUT et 30 projets d’ENC hors REUT. L’arrêté définit notamment la qualité des eaux nécessaire aux projets de REUT en fonction des usages et introduit la notion de « barrière » ce qui permet d’utiliser une qualité d’eau usée moindre à condition de mobiliser des barrières appropriées permettant de garantir un état sanitaire de l’eau adapté à l’usage.

Il introduit également une démarche d’évaluation et de gestion des risques qui identifie les mesures préventives nécessaires au regard des risques identifiés afin d’adapter les modalités de gestion et de suivi à la nature du projet (plutôt que de fixer systématiquement un niveau élevé de qualité). A titre d’exemple, les mesures préventives de gestion du risque peuvent être des distances minimales à respecter entre les zones d’utilisation des eaux usées traitées et les activités à protéger (plans d’eau, pisciculture, abreuvement du bétail, etc.).

... mais limites financières et hydrologiques

Quand on sait que la France prélève bon an mal an 4,1 milliards de m3/an, le gisement de 1,6 milliard de m3 d’eaux non conventionnelles est loin d’être négligeable. Sauf les eaux usées ne sont pas nécessairement assimilables à des eaux « perdues » dans la mesure où elles soutiennent l’étiage des cours d’eau. C’est au sein des zones péri-urbaines (du fait des volumes générés) et des zones littorales (du fait des rejets à la mer) que la REUT est susceptible d’engendrer de moindres impacts hydrologiques. La REUT est par ailleurs gourmande en énergie et en additifs. « Les eaux non conventionnelles ne sont pas une solution magique aux problèmes tendanciels de manque d’eau et doivent trouver leur juste place au sein du bouquet de solutions d’adaptation au changement climatique », concluait le rapport précité.