Le « oui mais » des Chambres d'agriculture au Varenne de l’eau

Les Chambres d’agriculture pointent plusieurs points de vigilance, dont un budgétaire portant sur la transition des systèmes agricoles. Au plan réglementaire, elles pressent le gouvernement de publier le nouveau décret intégrant les prélèvements hors étiage, alors que les Sdage sont sur le point d’être votés.

« Il serait dommage que tout le travail collectif mené pendant des mois et que l’annonce du Premier ministre concernant la révision du décret sur l’eau ne soit pas pris en compte dans la révision des Sdage, dont le vote est imminent ». Telle est l’alerte lancée par Sébastien Windsor, président de l’Assemblée permanente des chambres d’agricultures (APCA), à l’issue des annonces du Premier ministre en conclusion du Varenne agricole de l’eau et du changement climatique.

Les Sdage (Schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux), c’est ce qui régit la gestion de l’eau dans chacun des 12 bassins hydrographiques, dont 7 métropolitains. Ils définissent notamment les volumes prélevables au bénéfice de l’irrigation, dans le respect du décret relatif à la gestion quantitative de la ressource en eau et à la gestion des situations de crise liées à la sécheresse.  

Réécrire le décret sur la gestion quantitative de l’eau

Paru le du 23 juin 2021, le décret avait renforcé la sécurité juridique des Autorisations de uniques de prélèvement (AUP), une attente forte des irrigants. Lors de son discours de clôture du Varenne, le 1er février, le Premier ministre a élargi le spectre des volumes potentiellement prélevables, en distinguant les volumes prélevés en dehors des périodes d’étiage, lorsque les excès d’eau, voire les pluies diluviennes, sont susceptibles d’être captées et stockées, et pour le coup sans générer de conflit d’usage. Une aubaine pour les agriculteurs mais plus largement pour la société, au vu de certaines crues dévastatrices.

"Il est impératif que les Sdage prennent en compte la nouvelle donne actée par le Varenne"

Problème ? « On sait que l’écriture de textes réglementaires prend beaucoup de temps, indique Luc Servant, président de Chambre régionale d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine et co-président du groupe du Varenne consacré à l’eau. Il est pourtant impératif que les Sdage prennent en compte cette nouvelle donne ».

Quels moyens pour accompagner et réaliser les transitions ?

Le second motif d’inquiétude des Chambres est d’ordre budgétaire. S’agissant du futur système assurantiel, que l’Etat doit abonder à hauteur de 600 millions d’euros par an contre environ 300 millions d’euros aujourd’hui, le président de l’APCA estime « qu’il restera un point de vigilance car le système, quand il sera voté, ne tiendra que par un financement revu tous les ans. Il faudra donc veiller à garder les bonnes lignes budgétaires au fil des ans ».

"L’objectif des Chambres est de doter chaque exploitation d’un plan de transition individualisé"

Mais l’inquiétude financière est beaucoup plus forte en ce qui concerne l’adaptation des exploitations au changement climatique. Dans le cadre du Varenne, les Chambres ont établi des diagnostics territoriaux décryptant les impacts pour un total de 70 filières. « D’ici à fin 2022, nous allons élaborer des plans d’action pour tous les agriculteurs et pour toutes les filières, en lien avec tous les opérateurs économiques de tous les territoires, explique Olivier Dauger, président de la Chambre régionale d’agriculture des Hauts-de-France. L’objectif des Chambres est de doter chaque exploitation d’un plan de transition individualisé. Cette approche transverse doit nous permettre de relever le défi climatique tout en progressant sur la biodiversité et la neutralité carbone. Ces plans d’actions vont aussi nous permettre d’approcher le coût de la transition ».

Apaiser les débats avec les associations

Pour Sébastien Windsor, en dépit des annonces budgétaires énoncées par Jean Castex et alimentées par les plans France Relance et France 2030, il demeure des « trous dans la raquette ». A la fois pour les exploitants qui vont peut-être devoir ici ou là changer de cultures voire de système et pour les Chambres dans leurs missions d’accompagnement. L’APCA espère que les financements nationaux et régionaux seront à la hauteur.

"Les efforts d’adaptation des exploitations sont aussi le moyen de montrer aux associations environnementales que les agriculteurs bougent et qu’ils ne se focalisent pas uniquement sur l’eau "

« Au-delà de la quête de résilience et de souveraineté alimentaire, les efforts d’adaptation des exploitations sont aussi le moyen de montrer aux associations environnementales que les agriculteurs bougent et qu’ils ne se focalisent pas uniquement sur l’eau », indique le président de l’APCA, qui dit « y croire un peu quand même ». Luc Servant abonde dans le même sens. « Au sein de nombreux territoires, des associations acceptent de discuter et de travailler avec les agriculteurs au service d’un projet commun ». C’est ce qui s’appelle voir le lac ou la bassine à moitié pleins. Puisse le Varenne de l’eau maintenir a minima cet étiage pour la centaine de Projets de territoire et de gestion de l'eau (PTGE), présents et à venir, disséminés sur le territoire.