Les anti-bassines réclament un moratoire national et un projet de territoire local

Plusieurs dizaines milliers de personnes sont attendues le 25 mars autour des deux « méga-bassines » des Deux-Sèvres. Leurs opposants attendent par ailleurs du futur Plan de sobriété sur l’eau une baisse des prélèvements agricoles et la fin de la « sur-irrigation ».

« L’heure des sécheresses hivernales et l’heure des sécheresses pluriannuelles démontrent une fois de plus ô grand jamais que ce principe de vider les nappes phréatiques qui n’arrivent plus à se reconstituer, pour les privatiser auprès de quelques-uns, est quelque chose qui n’est plus admissible », a déclaré Julien Le Guet, porte-parole du collectif Bassines Non Merci ! au cours d’une conférence de presse détaillant les ressorts d’une nouvelle mobilisation contre les « méga-bassines ».

Portée par plus de 200 organisations, dont le collectif Bassines Non Merci, les Soulèvements de la Terre et la Confédération paysanne, la manifestation, quoiqu’interdite par la préfecture des Deux-Sèvres, se déroulera du 24 au 26 mars, avec en point d’orgue la mobilisation autour des deux réserves de Mauzé-sur-le-Mignon (Deux-Sèvres, achevée et remplie et de Sainte-Soline (Deux-Sèvres), en cours de construction, déjà ciblée par ces trois organisations les 29 et 30 octobre dernier. « Il est hors de question que cette non-solution se propage à l’ensemble du territoire national, et une bonne fois pour toutes, il faut que ces méga-bassines rentrent au musée des mauvaises idées, de ces inventions à côté de la plaque », a encore déclaré Julien Le Guet. Et de citer l’exemple de la bassine de Vivonne (Vienne) « qui n’a jamais fonctionné » ou encore celles de sud de la Vendée, aux prises au « rustinage » et au « développement de bactéries ».

Moratoire et Projet de territoire

Le projet des Deux-Sèvres remonte à 2011. Il est porté par la Coopérative de l’eau 79, comptant plus de 300 adhérents agriculteurs, intervenant sur trois bassins (Thouet, Sèvre Niortaise Marais Poitevin, Boutonne), situé dans les Deux-Sèvres et accessoirement en Charente-Maritime et dans la Vienne.

En 2017, la coopérative a reçu l’autorisation de construire 19 bassines pour une capacité cumulée de 16,4 millions de m3. Après un recours déposé par les opposants, le projet est finalement autorisé en 2018 mais révisé à la baisse, soit 16 bassines réparties sur 14 communes pour une capacité 12,7 millions de m3, le tout sous l’égide du Contrat territorial de gestion quantitative (CTGQ) du bassin de la Sèvre Niortaise Mignon Courance, assorti d’une modification des pratiques agricoles (assolements plus sobres, préservation de la biodiversité). « On est passé de 19 à 16 bassines mais le budget est passé de 60 à 76 millions d’euros financé à 70% par de l’argent public, dénonce Julien Le Guet. Il y a une issue idéale à ce projet, c’est d’annoncer un moratoire et de lancer une grande démarche de projet de territoire pour que l’ensemble des citoyens participe à la construction d’une gestion de l’eau adaptée à nos réalités ». Le collectif Bassines Non Merci! ne souhaite pas « reboucher le trou » des bassines existantes mais les « recollectiviser », l’eau étant « un bien public ».

La Conf’ esquisse ses solutions

De son côté, la Confédération paysanne, par la voix de son porte-parole Nicolas Girod, attend des pouvoirs publics « une priorisation de l’irrigation et des accès à l’eau pour une certaine agriculture, qui soit pourvoyeuse d’emplois, nourricière localement et non pas une agriculture qui refuse de se réinventer, qui tue les paysans à petit feu et qui ne répond pas aux enjeux de souveraineté alimentaire et de transition écologique ». « L’agriculture a besoin d’eau, a encore dit Nicolas Girod en conférence de presse. Comment on se met en capacité d’avoir une agriculture qui permet à l’eau de s’infiltrer et d’être disponible pour l’ensemble des agriculteurs, ceux qui irriguent comme ceux qui n’irriguent pas car 93% de l’agriculture est pluviale et bénéficie de l’eau qui tombe et qu’il y a dans les sols ».

Les attendus du Plan de sobriété sur l’eau... et du Varenne de l’eau

La manifestation des anti-bassines intervient dans un contexte de sécheresse hivernale historique, 80% des nappes étant sous la normale au 1er mars selon le dernier bilan du BRGM. Le gouvernement doit présenter incessamment sous peu un « Plan de sobriété sur l’eau » ciblant tous les usages et donc tous les usagers. Reste à savoir comment ce plan va s’articuler avec le Varenne de l’eau, le ministre de l’agriculture ayant annoncé récemment la mise en service en juin prochain de 60 projets de réserves, sur un total de 300 ans les tiroirs. « Un programme de sobriété de l’eau qui n’inclurait pas la diminution des prélèvements agricoles, l’arrêt de la sur-irrigation, l’arrêt de la multiplication des surfaces irriguées et qui n’engagerait pas un véritable projet d’accompagnement des exploitations vers la sortie de la sur-irrigation serait pris comme une véritable provocation », a prévenu Julien Le Guet.