Installation : ne les appelez plus les NIMA

Un rapport du CGAAER estime inapproprié le terme de Non issu du milieu agricole (NIMA), lui préférant « nouveaux actifs agricoles », en usant des verbes « attirer », « intégrer » et « aider » pour capter ces nouveaux profils, indispensables à la relève. La création d’un statut « d’agriculteur à l’essai » est préconisée.

« Le vocable « NIMA » est surprenant, inapproprié, pour ne pas dire péjoratif et l’on pourrait ainsi reprendre à cet égard la fameuse citation « mal nommer un objet, c’est ajouter à la misère de ce monde ». Ce terme « NIMA » semble signifier l’existence, d’un côté, du milieu agricole et de l’autre « le reste du monde » alors qu’aujourd’hui, le secteur agricole est contraint d’aller chercher des cerveaux et des bras qu’il ne trouve plus en son sein ». Tel est le préambule d’un rapport du CGAAER consacré aux adaptations de la politique d’accompagnement de l’installation des fameuses personnes Non issues du milieu agricole (NIMA).

En 2022, le CGAAER avait déjà produit un rapport sur l’installation, proposant des ajustements de la politique d’installation, qui soit beaucoup plus inclusive, tant au niveau des profils des candidats que des acteurs mobilisés. Le présent rapport doit nourrir le Pacte et la loi d’orientation agricole dont la finalisation est attendue pour septembre prochain. Avec le constat de départ suivant : « L’écosystème agricole constitue un milieu spécifique, avec ses codes et pratiques, au sein duquel il est souvent difficile de faire sa place ».

Attirer des entrepreneurs mais aussi des salariés

La mission du CGGAER décline ses propositions autour de trois verbes, symptomatiques de trois enjeux, à commencer par celui « d'attirer », le nombre de candidats pour travailler en agriculture étant très insuffisant. « Il s’agit de rapprocher le monde agricole du reste de la société avec des outils qui convergeraient davantage avec ceux des autres secteurs ». Attirer des entrepreneurs, autrement dit de futurs chefs d’exploitation, mais pas seulement. En 2020, 26% des exploitations emploient des salariés contre 16% en 2010. « Il apparait impératif à la mission de considérer l’ensemble des emplois de l’agriculture, chefs d’entreprise comme salariés, pour appréhender la question du renouvellement des générations dans sa globalité ».

Intégrer les nouveaux actifs dans l’univers agricole

La mission formule deux recommandations autour de l’enjeu « intégrer », la première concernant la formation initiale, appelant à rompre le cloisonnement entre enseignement agricole et généraliste via des lycées professionnels sous double tutelle, des lycées agricoles devenant lycées de secteur, le partage d’installations et de locaux. « Faire connaître la réalité du monde agricole à ceux qui n’en sont pas issus par le biais de séjours ou du service civique constitue également des voies à explorer », indique la mission. Celle-ci recommande par ailleurs de poursuivre la formation des nouveaux actifs agricoles tout au long de leur carrière (en assurant leur remplacement) pour parfaire leur formation technique sinon pour leur donner accès aux fonctions de cadre dans les OPA.

Aider les nouveaux actifs à construire leur projet d’activité

Le troisième train de propositions s’attache à « aider » les nouveaux actifs à construire et à conduire leur projet d’activité, la mission réitérant la nécessité « indispensable » de remettre à plat le parcours pour prendre en compte ces nouveaux profils, former les conseillers et ouvrir les dispositifs à la pluralité des agricultures ». La mission appelle à valoriser et à soutenir le « foisonnement » de dispositifs existants (ADEAR, CIAP) et nouveaux (La ceinture verte). « Certaines structures disposent d’une expérience de longue date, et éprouvée, de l’accompagnement de la phase d’émergence », une étape qualifiée de « clé ».

La mission recommande ainsi à l’Etat d’accroître sa contribution au financement du parcours préparatoire à l’installation pour intégrer la prise en charge de l’accompagnement de l’émergence et de l’insertion sociale et territoriale des nouveaux actifs agricoles

Le CGAAER mise également sur le transfert de la compétence de l’installation aux Régions, dans le cadre de la Pac 2023-2027, pour limiter les renoncements aux parcours préparatoires à l’installation. « S’il est trop tôt pour analyser les positions régionales, ce transfert est l’occasion de mettre en place des dispositions suffisamment souples, notamment en matière de conditions d’éligibilité – âge, qualification – pour favoriser l’accueil des porteurs de projets pertinents », écrit la mission.

Cette dernière recommande par ailleurs de fiabiliser le contenu et la mise à jour du répertoire national « départ- installation » et le faire connaître plus largement y compris par des réseaux extérieurs à l’agriculture tels que ceux des chambres des métiers et de l’artisanat.

Plus largement, la mission attend une levée des freins à l’accès aux facteurs de production, à commencer par le foncier, avec comme leviers potentiels l’accompagnement par un pair issu du territoire, le portage par des tiers, les formes sociétaires, sans oublier « la mise en œuvre des instruments que constituent le contrôle des structures et l’action des Safer ».

Créer un statut « d’agriculteur à l’essai »

La « confrontation à la pratique », dans le cadre des stages inclus dans le parcours à l’installation, au sein des espèces-tests agricoles ou encore du salariat est considéré par le CGAAER comme un excellent facteur d’intégration et d’acculturation à ce fameux « monde agricole ».

La mission cite également en exergue le droit à l’essai, dispositif expérimental porté par Gaec et sociétés, dont l’enjeu est de lever les réticences de nouveaux candidats à l’installation à intégrer des exploitations sous formes sociétaires, « qui constituent pour eux des cadres particulièrement favorables, que ce soit du point de vue de l’accès aux facteurs de production ou du point de vue de l’accompagnement technique et humain ». Problème : le cadre juridique et le modèle économique du dispositif doivent encore être travaillés. Plus largement, le CGAAER préconise la création d’un statut « d’agriculteur à l’essai » conçu dans un esprit de simplification administrative pour permettre, selon les dispositifs et selon le profil des candidats, un accès sur mesure à un ensemble de droits : protection sociale, formation professionnelle, perception d’indemnités ou de rétribution.