Après-betterave (3/5) : « C’est le début des haricots »

A Bussières-et-Pruns (Puy-de-Dôme), Nicolas et Olivier Chambon ont introduit 4 ha de haricot rouge dans leur assolement. La première année est prometteuse mais doit encore être confortée, aux plans technique et économique. Manque aussi l'émulation collective. La CGB Limagnes n'est plus. Vive le groupe WhatsApp "haricot".

La meilleure culture cette année ? « C’est la betterave. Parce que l’on n’en fait plus », ironise Olivier Chambon. « C’est une boutade entre ex-planteurs », poursuit l’agriculteur. Une façon d’expier le traumatisme qu’a constitué l’arrêt forcé de la culture tout en pointant les résultats agronomiques très mitigés de ce millésime 2020, toutes productions confondues, sous l’effet d’une météo peu coopératrice.

La betterave, le Gaec de Pradons en cultivait 20 ha sur un total 200 ha. « Dans notre assolement, la betterave a toujours été l’espèce qui non seulement dégageait la marge la plus importante, mais qui en prime était d’une régularité exemplaire », affirme le producteur, qui concède cependant que les dernières campagnes avaient mis à mal cette règle immuable, sous l’effet de soubresauts climatiques et d’accès sanitaires. « En dépit du progrès génétique, la betterave sucrière était sur la mauvaise pente dans notre région », admet-il. « Avec la fermeture de la sucrerie, la question était réglée ».

Nicolas et Olivier Chambon ont aussi une activité d'ETA et de commerce de paille
Nicolas et Olivier Chambon ont aussi une activité d'ETA et de commerce de paille

Rentabiliser l’irrigation

Restait à combler le vide. Le Gaec de Pradons n’avait pas spécialement de problème avec l’allongement des rotations et la diversification des cultures. Blé orge, féverole d’hiver, avoine de printemps, maïs, tournesol, lin oléagineux, pomme de terre : les 200 ha de SAU en voient de toutes les couleurs. « Le problème, c’est de trouver une culture capable de valoriser la charge financière que représente l’irrigation, déclare le céréalier. Le maïs conso répond de moins en moins à l’équation ».

Une nouvelle couleur fait son apparition dans l’assolement : ce sera le rouge. Au printemps 2020, le Gaec arrête son choix sur le haricot rouge. Basée dans l’Indre, l’entreprise Naudet Frères lance un appel du pied aux producteurs de Limagne pour leur proposer de produire sous contrat des haricots, des pois chiches et des lentilles. Une initiative qui se télescope avec la décision de Limagrain de créer une filière légumes secs. La fibre locale l’emportera. Le Gaec de Pradons choisira le haricot, plus à même de valoriser l’irrigation que les autres légumineuses. Peu enraciné, le haricot apprécie des apports légers mais fréquents, soit quatre à cinq tours pour un cumul compris entre 100 mm à 120 mm.

Du matériel spécifique

Le haricot se sème en mai pour être récolté fin août. « Le semis tardif permet de gérer en amont le problème des graminées », souligne Olivier Chambon, qui fait de la sobriété phytosanitaire une des axes de sa stratégie d’exploitation. Le haricot n’élude pas cependant la protection insecticide et fongicide, ce qui n’empêche pas l’agriculteur de viser une démarche zéro résidu de pesticide.

"On s'est pas mal mouillé financièrement"

Un des points négatifs réside dans l’investissement en matériel. Si le semis s’opère au moyen d’un semoir de précision classique, la récolte requiert trois matériels spécifiques que sont l’arracheuse, l’andaineur et la récolteuse. « Nous avons investi 12.000 euros dans l’arracheuse et loué l’andaineur pour 5.000 euros, indique Olivier Chambon. Pour la récolte, un des adhérents de la Cuma travaille à l’adaptation d’une moissonneuse pour limiter la dépense. On s'est pas mal mouillé financièrement mais si on veut créer une filière, on n'a pas le choix".

Le haricot vise le label Zéro résidu de pesticide
Le haricot vise le label Zéro résidu de pesticide

Encourageant mais à confirmer

En ce qui concerne les rendements, ils se sont établis à 2 t/ha. « On se situe dans le bas de la fourchette, analyse le producteur. Pour une première année, atypique au plan climatique, ce n’est pas si mal mais notre objectif est d’atteindre les 2,5 t/ha pour conforter la marge ».

"La betterave, c’est un réseau fort et important"

Si la culture se développe, la Cuma sera peut-être à même de limiter les charges de mécanisation, comme elle le faisait très bien pour l’arrachage des betteraves. Si Olivier Chambon a tourné la page de la betterave, il regrette néanmoins l’émulation collective qui émanait des planteurs. « Avec la betterave, il y avait le côté réseau, à la fois fort et très intéressant ». Puissent les légumineuses prendre le relais. Un groupe WhatsApp « haricot » s’est constitué. Un bon début.

Tous les articles de la série :

Après-betterave (1/5) : « Quand la diversification devient la norme »

Après-betterave (2/5) : « Se reconnecter à l’élevage avec la fibre de luzerne »

Après-betterave (3/5) : « C’est le début des haricots »

Après-betterave (4/5) : Les protéines végétales, du grain à moudre pour Limagrain Coop

Après-betterave (5/5) : Un régime sans sucre mais pas sans eau