Ces élevages qui réduisent leur empreinte carbone (3/5) : L’importance de l’âge au 1er vêlage

La gestion des animaux improductifs est un levier majeur de réduction des gaz à effet de serre au sein du Gaec de Viron. L’âge au premier vêlage et le bon vieillissement des vaches sont deux points critiques que les exploitants surveillent de près.

Dans la Sarthe, le Gaec de Viron est l’un des pionniers du diagnostic CAP’2ER. Lors du premier audit en 2013, les exploitants identifient tout de suite l’âge au premier vêlage comme l’un des leviers qu’ils peuvent actionner pour diminuer leur empreinte carbone. Les actions mises en place durant 5 ans, notamment sur l’alimentation des génisses, permettent de réduire d’un mois cet indicateur. L’âge au premier vêlage n’est plus que de 26,6 mois en 2018 contre 27,8 en 2013. Et les éleveurs ne comptent pas s’arrêter là. « L’objectif est d’atteindre 24 mois. C’est réalisable. Par contre 22 mois, ça devient compliqué sans en faire des boudins car il faut être à fond tout le temps sur l’alimentation », analyse Ghislain de Viron, l’un des associés.

Pour éviter justement que les génisses fassent du gras, le Gaec de Viron a sa recette magique. « Elles sont nourries avec une ration d’épeautre, d’ensilage d’herbe et de foin et d’ensilage de maïs pour lequel nous ne dépassons jamais 1kgMS/ 100kg de poids vif », précise l’éleveur sarthois. Selon lui, c’est l’épeautre qui permet aux génisses de se développer rapidement avec une belle conformation du squelette en évitant de faire du gras. Pour réduire encore l’impact carbone, cette culture est directement produite sur la ferme depuis quelques années.

Ghislain de Viron mélange de l’épeautre à la ration des génisses pour encourager un développement rapide et harmonieux du squelette. © T.D

Jouer sur la réforme

Si l’âge au premier vêlage est un critère important, l’âge de réforme l’est tout autant pour diminuer l’impact carbone de l’exploitation. Au Gaec de Viron, les vaches sont réformées en moyenne à 2,7 vêlages. « Nous avons beaucoup de vaches à 5 ou 6 veaux. Cette année, pour la troisième fois dans notre carrière, nous avons une vache qui a atteint 100 000 l de lait », se félicite l’éleveur. Pour avoir des vaches qui vieillissent bien, les exploitants ont toujours sélectionné leurs animaux sur la mamelle, la résistance aux mammites et la locomotion avant la productivité.

Concernant la gestion du troupeau, ils ont mis un troisième indicateur sous surveillance. Il s’agit du taux d’urée dans le lait. « Nous étions à 300g d’urée/l de lait et nous avons réduit à 220g d’urée/l de lait. Pour ce faire nous avons diminué les concentrés », souligne Ghislain de Viron. Moins de concentrés, c’est moins de soja et donc un meilleur bilan carbone sur les intrants.

Des investissements pour la gestion des effluents

Afin de réduire le délai entre l’épandage des fumiers et des lisiers et leur enfouissement, les associés du Gaec de Viron ont pris la décision stratégique d’investir dans un tracteur supplémentaire. « Désormais, entre l’épandage et le passage du déchaumeur, nous essayons que le délai ne dépasse pas 3h pour limiter l’évaporation de l’azote », indique l’éleveur. Au-delà de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’éleveur estime qu’il est gagnant économiquement avec ce choix. « Sur les 2000 m3 de lisier épandu, à raison de 3,5 unité d’azote/m³, cela représente 7000 unités d’azote. S’il n’est pas enfoui rapidement, la moitié s’évapore sous forme d’ammoniac. Au prix actuel de l’engrais, cela représente 2550 €/an, or mon tracteur supplémentaire me coûte 1000 €/an », raisonne Ghislain de Viron.

Les exploitants sont allés encore plus loin dans la démarche cette année en investissant dans un pendillard pour limiter au maximum l’évaporation de l’ammoniac.

Le Gaec de Viron s’est équipé d’un pendillard cette année pour limiter l’évaporation de l’ammoniac. © T.D

Si l’optimisation de la gestion des effluents permet de réduire l’utilisation d’azote minéral, c’est aussi le cas des légumineuses implantées dans les prairies. « C’est l’un des leviers d’action que nous avons mis en place après le diagnostic de 2018. Nous implantons un ray-grass italien et un trèfle incarnat derrière une céréale d’hiver. Si les conditions sont bonnes, nous pouvons faire une coupe à l’automne, mais généralement la récolte se fait plutôt entre le 15 avril et le 1er mai », rapporte le sarthois.

Un bilan à nuancer

Entre 2013 et 2018, le Gaec de Viron a vu son diagnostic CAP’2ER se dégrader. Il était de 0,91 kg eq CO2/l de lait produit en 2013, contre 0,96 kg eq CO2/l de lait produit cinq ans plus tard. Et ce malgré la réduction de l’âge au premier vêlage et les pratiques vertueuses mises en place sur la gestion de la fertilisation. « Il faut nuancer ces chiffres selon l’année. 2018 était une très mauvaise année. Nous avons dû acheter du foin et de la paille à l’extérieur, ce qui a plombé notre bilan carbone », relève Ghislain de Viron.

Entre les prairies et le linéaire de haies, c’est l’équivalent de 0,12 kg eq CO2/l de lait qui sont stockés annuellement sur l’exploitation. © T.D

Tous les articles de la série :

Ces élevages qui réduisent leur empreinte carbone (1/5) : La prairie, ce puits de carbone

Ces élevages qui réduisent leur empreinte carbone (2/5) : Moins d’azote minéral avec du trèfle dans la rotation

Ces élevages qui réduisent leur empreinte carbone (3/5) : L’importance de l’âge au 1er vêlage

Ces élevages qui réduisent leur empreinte carbone (4/5) : Optimiser la gestion des effluents

Ces élevages qui réduisent leur empreinte carbone (5/5) : Une stratégie basée sur le non-labour et la méthanisation