Ces élevages qui réduisent leur empreinte carbone (5/5) : Une stratégie basée sur le non-labour et la méthanisation

Pour réduire les gaz à effet de serre (GES) de son élevage, Alexis Descamps s’appuie sur deux leviers : le non travail du sol et la méthanisation. En associant ces deux approches, il a enclenché un cercle vertueux sur son bilan carbone, mais aussi économique et agronomique.

À Savigny-sur-Bray, dans le Loir-et-Cher, l’élevage laitier d’Alexis Descamps affiche un bilan carbone de 0,96 kg eq CO2/l de lait produit. Si ce résultat, diagnostiqué avec CAP’2ER en 2019, est loin d’être mauvais, il mériterait d’être mis à jour avec les nouvelles méthodes de calcul. En effet, la méthanisation et le non-labour, deux des piliers sur lesquels s’appuie cet élevage laitier, font partie des critères les plus difficiles à appréhender dans un bilan carbone. « Concernant le non-labour, l’impact direct sur les émissions de GES, c’est la réduction de l’utilisation de fioul. Cela représente une économie de 60 à 65 l/ha et par an », relève l’éleveur. Si ce premier constat lié au non travail du sol est assez facile à quantifier, d’autres aspects de l’agriculture de conservation des sols le sont beaucoup moins. Les avantages des couverts végétaux, par exemple, qui couvrent le sol toute l’année, devraient pouvoir être pris en compte dans le bilan carbone de la ferme. Ils permettent de réduire l’utilisation d’engrais azoté en fixant l’azote de l’air d’une part et de stocker le carbone dans le sol d’autre part. « L’effet bénéfique des couverts végétaux est pris en compte dans l’élaboration des diagnostics CAP’2ER depuis cet hiver. Par contre, nous ne prenons pas en compte l’effet du stockage du carbone dans le sol », précise Elisabeth Castellan, chef de projet environnement au sein de l’Idele.

Méthaniser pour optimiser les effluents

L’exploitation d’Alexis Descamps fait partie d’un projet collectif de méthanisation. Comme pour l’agriculture de conservation des sols, la méthanisation agit à plusieurs niveaux sur le bilan carbone de l’exploitation. « Avant, le méthane s’échappait des tas de fumier au champ. Maintenant je le capte et ça me permet de couvrir le coût de ramassage et d’épandage », indique l’éleveur. En sortie de méthaniseur, le digestat lui permet d’obtenir un fertilisant stable et ainsi de se passer d’engrais minéraux au bilan carbone très impactant. À nouveau, la méthanisation n’est prise en compte que partiellement dans le diagnostic CAP’2ER effectué sur la ferme. « Sur une unité de micro-méthanisation qui ne concerne qu’un élevage, il est possible de prendre en compte ces différents aspects. Mais dans des projets collectifs, c’est trop compliqué », relève Elisabeth Castellan

La filière méthanisation veut son propre outil

En parallèle des diagnostics CAP’2ER, les agriculteurs méthaniseurs développent leur propre outil. « Ges’ti metha » doit permettre de calculer le bilan carbone d’une exploitation agricole avec et sans méthanisation afin d’effectuer une comparaison. L’outil se présente sous la forme d’un fichier Excel et est utilisable par tous. Actuellement conçu dans un but de communication sur l’intérêt de la méthanisation pour les exploitants, il pourrait à l’avenir permettre de valider les émissions de GES évitées grâce à la méthanisation. Si la méthodologie est validée par les scientifiques et le ministère de l’Agriculture, Ges’ti Métha pourrait même permettre aux agriculteurs méthaniseurs de vendre leurs crédits carbones.

Une délocalisation riche en découvertes

Alexis et Delphine Descamps sont originaires du Nord de la France. S’ils ont décidé de s’installer à Savigny-sur-Bray, dans le Loir-et-Cher, c’est pour avoir accès à du foncier abordable. « Nous nous sommes donnés la possibilité de partir dans une autre région et nous avons pu ainsi trouver une ferme avec un parcellaire remembré », se souvient l’éleveur. C’est cette installation loin de leurs racines qui les a entraînés vers le non-labour. En effet, la ferme que reprend le couple n’a plus connu la charrue depuis quelques années lorsqu’ils arrivent. « Nous avons trouvé une exploitation qui pratiquait un non-labour d’opportunité économique. En effet, elle se situe sur un sol limon-caillouteux avec une charge en silex de 30%. Petit à petit, en allongeant la rotation et en implantant des couverts végétaux, nous l’avons transformé en opportunité agronomique et environnementale », se félicite Alexis Descamps.

 

Tous les articles de la série :

Ces élevages qui réduisent leur empreinte carbone (1/5) : La prairie, ce puits de carbone

Ces élevages qui réduisent leur empreinte carbone (2/5) : Moins d’azote minéral avec du trèfle dans la rotation

Ces élevages qui réduisent leur empreinte carbone (3/5) : L’importance de l’âge au 1er vêlage

Ces élevages qui réduisent leur empreinte carbone (4/5) : Optimiser la gestion des effluents

Ces élevages qui réduisent leur empreinte carbone (5/5) : Une stratégie basée sur le non-labour et la méthanisation