Christiane Lambert : "Souveraineté, souveraineté chérie..."

A l’occasion du Salon de l’agriculture, la présidente de la FNSEA compte bien interpeler Emmanuel Macron et les membres du gouvernement sur les enjeux-clé de compétitivité et souveraineté alimentaire. Et l’ensemble de nos concitoyens, avec notamment le lancement d’une pétition en ligne.

« Tout va disparaître » : c’est l’accroche choisie par la FNSEA pour la pétition en ligne qu’elle s’apprête à lancer à l’approche du Salon de l’agriculture. « On importe 29% de notre viande, 60% de nos fruits et 45% de nos fruits, On n’a jamais autant parlé autant de souveraineté alimentaire et on continue de perdre des productions de viande, de lait, de fruits, de légumes, ça nous désole », a déclaré Christiane Lambert à l’occasion d’une conférence de presse le 21 février, en amont du salon. La présidente de la FNSEA et son réseau comptent bien interpeler une part des quelque 700.000 visiteurs attendus à la porte de Versailles du 25 février au 5 mars, sur son stand aux couleurs de la campagne de promotion des métiers « ma nature, mon futur, l’agriculture », lancée lors des Tours de France cyclistes 2022 et chapeauté d’un tracteur orange.

"La photo de l’agriculture est encore belle mais la vidéo l’est un peu moins"

Un défi démographique voire existentiel que la FNSEA et toutes les organisations qui gravitent autour de l’emploi comptent bien contribuer à relever. Mais c’est aussi (et surtout ?) du côté du président de le République, et de la Première ministre, attendus respectivement samedi et lundi, que le syndicat va lorgner, avec l’intention ferme de mettre l’exécutif face à ses responsabilités. « La photo de l’agriculture est encore belle mais la vidéo l’est un peu moins. Souveraineté, souveraineté chérie mais comment fait-on », interroge la patronne de la FNSEA, qui attend des  « moyens » et des « décisions », au-delà du symbole du libellé du ministère de l’Agriculture qui a accroché le terme de « souveraineté » avec le second quinquennat d’Emmanuel Macron.

Or les derniers signaux des pouvoirs publics vont plutôt dans le sens d’une restriction des moyens, avec l’interdiction programmée du S-métolachlore suite à l’avis de l’Anses. « On est face à une agence, aussi performante soit-elle, qui dit : il n’y a pas de garantie de non risque donc j’interdis, fulmine Christiane Lambert. Une étude de l’Anses devient une décision et prive le pouvoir politique de l’analyse bénéfices risques, comme ce fut le cas pour le Covid. Parler de souveraineté alimentaire, c’est bien mais prendre les décisions qui permettent de l’atteindre, et surtout de ne plus régresser, c’est beaucoup mieux ».

"Au moins huit pays européens vont pouvoir protéger leurs betteraves sucrières avec des néonicotinoïdes foliaires. A marché commun, règles communes"

Misant sur le futur Pacte et la Loi d’orientation agricole, ainsi que sur plusieurs plans de souveraineté à venir en matière d’azote et de production de fruits et légumes, la patronne du syndicat prend soin d’exonérer en partie le pouvoir en place dans le cas du S-métolachlore, faisant porter à Stéphane Le Foll la responsabilité d’avoir donné « tout pouvoir » à l’Anses en 2014. Idem pour les néonicotinoïdes dont la décision de retrait remonte à 2016. « Au moins huit pays européens vont pouvoir protéger leurs betteraves sucrières avec des néonicotinoïdes foliaires, indique Christiane Lambert, sans aucun risque de trouver des résidus dans le sucre. A marché commun, règles communes ». Concernant le feuilleton des néonicotinoïdes utilisés en traitement de semences, il n’est peut-être pas terminé, la FNSEA faisant remarquer que la Commission européenne n’a pas encore rendu son avis sur l’interprétation des règlements faite par la Cour de justice de l’UE, indiquant par ailleurs qu’une analyse juridique est en cours de la part des semenciers.

"30% de produits phytos en moins, c’est comme faire jouer le PSG avec 30% de joueurs en moins, on est disqualifié d’emblée"

La FNSEA a fait ses comptes : la France autorise 309 substances actives sur 454 homologuées en Europe. « 30% de produits phytos en moins, c’est comme faire jouer le PSG avec 30% de joueurs en moins, on est disqualifié d’emblée. Chaque jour sont prises des décisions au nom d’une idéologie, on lave plus blanc en se disant : les autres suivront. Mais si on est dans l’excellence tout le temps mais que les autres ne suivent pas, on est des héros morts », tonne Christiane Lambert. Sur le S-métolachlore, la FNSEA aurait souhaité que la France attende la décision de l’EFSA, à laquelle elle serait « pliée ».

L’UE n’échappe pas à la diatribe de la présidente de la FNSEA, avec en ligne de mire la stratégie Farm to fork, déclinaison agricole du Green deal. « Avec une réduction de 30% de engrais et de 50% des produits phytosanitaires, 25% d’agriculture biologique, et la confiscation de 10% de terres non rendue non productives, on se demande quel est l’objectif poursuivi par l’UE vis-à-vis de son agriculture, sans compter les négociations qui redémarrent avec le Mercosur, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, l’Inde, le Mexique », déplore Christiane Lambert.

"L’UE va-t-elle devenir un jardin entre les Etats-Unis et la Chine ?"

La responsable estime que la crise sanitaire du Covid-19 et la guerre en Ukraine, survenues depuis, auraient à tout le moins mérité une inflexion sinon une réflexion. « Pendant ce temps-là, les Etats-Unis et la Chine réarment leur agriculture à coups de milliards de dollars. L’UE va-t-elle devenir un jardin entre les Etats-Unis et la Chine », s’interroge Christiane Lambert.