Face à la crise, la stratégie du harcèlement, ou la réponse du berger à la bergère

[Edito] Alors que le gouvernement communique à tout bout de champ sur l’avancée des mesures anti-crise, les syndicats réclament toujours du « concret » dans les cours de ferme. Une forme de harcèlement, comme en échos à la « tyrannie » des normes et des contrôles.

« Quand et comment les mesures annoncées vont-elles devenir effectives dans nos fermes » ? Cette question, c’est Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, qui l’a posée à Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, le 28 mars en clôture du congrès du syndicat à Dunkerque (Nord). Il fallait oser alors que le gouvernement est à la manœuvre depuis le 26 janvier, date des premières annonces de Gabriel Attal à deux fétus de paille du barrage de Carbonne (Haute-Garonne). « La mise en scène de la botte de paille pour faire agriculteur, c’est pas sérieux », a taclé Arnaud Rousseau. Depuis, le gouvernement a privilégié les fichiers PDF pour communiquer régulièrement sur l’avancée des 67 engagements, tandis que le ministre de l’Agriculture assure le service après-vente, à chacune de ses (nombreuses) visites d’exploitation et (encore plus nombreuses) sorties médiatiques.

Les Français à témoin

Le dernier PDF en date, publié à la veille du congrès de la FNSEA, acte 100% de chantiers « ouverts », 85% « d’ores-et-déjà faits ou avancés » et 15% « engagés ». Parmi les dernières annonces figurent les aménagements de la BCAE 9 qui encadre, pour ne pas dire interdit, le labour des prairies sensibles, ou encore l’instauration du contrôle unique des exploitations, qui sera effectif « d’ici l’été », assorti d’une révision de l’échelle des peines en cas de manquement. Et peu importe que les défenseurs de l’environnement dénoncent un « dépeçage » des objectifs écologiques, tant au plan national qu’européen, la Commission européenne ayant ravalé son Green deal. « Quel syndicat peut mettre plus de 40.000 adhérents dans la rue sans qu’aucun gendarme, sans qu’en seul représentant de l’ordre public ne soit blessé ? Quelle profession peut se prévaloir d’être soutenu par plus de 90% des Français », s’est auto-légitimé le président de la FNSEA qui demande à ce que la prochaine réforme de la Pac soit « au service des européens, et pas des normes ».

Le premier des Français en stand-by

Seul le premier des Français semble prendre un peu de distance. Le président de la République n’a toujours pas honoré la promesse, faite le jour d’ouverture pour le moins chaotique du Salon de l’agriculture, de recevoir les représentants syndicaux « dans les trois semaines ». A-t-il jugé que les engagements et les réalisations de son gouvernement valaient autre chose que des rappels pavloviens à la « concrétisation » des paroles en actes, alors que son ministre de l’Agriculture a toujours fait montre, de ce point de vue, d’une résilience à toute épreuve ? Le chef de l’Etat n’a-t-il pas doublé le nombre de ses ministres en charge de l’agriculture ? « Avec deux ministres, allons deux fois plus vite pour obtenir deux fois plus de résultats », a ironisé Arnaud Rousseau. A moins qu’il ne s’agisse de diviser la pression par deux.