Malaise agricole : les mesures d’urgence de Gabriel Attal

En déplacement en Haute-Garonne, d’où les manifestations sont parties à la mi-janvier, le Premier ministre a annoncé réinstaurer l’exonération fiscale du GNR avec déduction en pied de facture. Dix mesures de simplification vont « immédiatement » être mises en œuvre. Un fonds d’urgence de 50M€ est attribué à la bio. La prise en charge des frais vétérinaires liés à la MHE passe de 80% à 90%. La BCAE 8 est dans le viseur du gouvernement, ainsi que l'accord avec le Mercosur.

« L’agriculture au-dessus de tout », le « début d’un sursaut », un « nouveau chapitre que l’on va écrire ensemble », « on ne vous lâchera pas, je ne vous lâcherai pas », « on va se battre ici en France », « on va se battre aussi au niveau européen pour faire bouger les lignes », « on va se battre à l’international pour refuser des traités de libre-échange qui sont en réalité la loi de la jungle », « sans paysan, il n’y a pas de pays  ou encore « sans les agriculteurs, on n’est plus la France » :  à l’occasion de son premier déplacement « agricole » le 26 janvier, sur une exploitation bovine de Montastruc-de-Salies (Haute-Garonne), le Premier ministre n’a pas lésiné sur les formules pour tenter de convaincre les agriculteurs de la « réactivité  » de son gouvernement face à la crise qui couve dans le monde agricole depuis des mois.

Elle s’est embrasée à la mi-janvier, avec comme foyer emblématique le barrage de l’A64 à Carbonne (Haute-Garonne), sur lequel Gabriel Attal s’est rendu en début de soirée. « On est venu ici avec des réponses pour tout de suite, des réponses pour demain, des réponses pour après-demain. Tout ce que l’on peut faire maintenant, on le fait », a dit le Premier ministre, aussi en opération séduction-assimilation, évoquant à deux reprises « les agris ».

BCAE 8 et Mercosur

Gabriel Attal a aussi indiqué que le président de la République porterait,  à l’occasion du Conseil européen du 1er février prochain, la demande de dérogation sur la conditionnalité de la Pac, la BCAE 8, qui impose 4 % d’infrastructures agroécologiques et de jachères sur les terres arables

En ce qui concerne le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, « la France réaffirme sa plus ferme opposition » à sa signature. « Les accords de libre-échange ne doivent pas se faire sans intégrer la réciprocité des normes et la mise en place de clauses miroirs : elles doivent protéger les consommateurs et garantir à nos producteurs qu’ils luttent à armes égales avec leurs concurrents étrangers ».

La réinstauration de l’exonération fiscale du GNR

Le gouvernement supprime « complètement » la hausse de la fiscalité du GNR, qu’il avait décrétée à l’automne dernier avec un échelonnement sur six ans, avec des contreparties à l’euro près dans le financement des transitions. « Une hausse de la fiscalité où l’Etat ne gagne rien et les petits perdent, ça n’a pas grand sens », a dit Gabriel Attal, évoquant « le bon sens paysan », à propos de sa mesure. L’avance de remboursement arrivera en février au lieu de juin, équivalant à un allègement de trésorerie de 230M€ dès février. La remise de TICPE sera appliquée quant à elle à partir du 1er juillet, directement sur la facture, ce qui permettra à tous les agriculteurs d’en profiter, le gouvernement indiquant que 20% d’entre eux n’en faisaient pas le demande. « C’est à la fois une mesure de simplification et de trésorerie » a dit le chef du gouvernement.

L’accélération du paiement des aides Pac et autres indemnisations

Alors que la FNSEA estimait récemment à 6 ou 7% le nombre d’agriculteurs n’ayant pas encore reçu les aides auxquelles ils sont éligibles, le gouvernement s’est engagé à « accélérer à fond » sur leur versement. Le Premier ministre a également insisté sur le versement « rapide » des indemnisations annoncées suite aux tempêtes et inondations. En outre, le gouvernement double le fonds d’urgence destiné aux agriculteurs impactés par la tempête Ciaran.

MHE : 50M€ et les frais vétérinaires prix en charge à 90%

Concernant la Maladie hémorragique épizootique (MHE), un fonds d’urgence de 50 M€ est débloqué immédiatement et mis à disposition des Préfets pour soutenir les exploitations en difficulté et qui ont déjà avancé de nombreux frais. Par ailleurs, le taux de prise en charge des frais vétérinaires est augmenté de 80 % à 90 %. Le guichet sera ouvert le 5 février.

Une aide d’urgence de 50M€ pour la bio, un plan pour la viticulture occitane

« On va remettre de l’argent sur une aide d’urgence pour le bio » a annoncé Gabriel Attal. La filière bio est très en difficulté, on va remettre 50M€ pour accompagner l’ensemble de nos agriculteurs qui sont en difficulté ». Le Premier ministre a par ailleurs annoncé qu’un plan pour la viticulture en Occitanie serait présenté début février, avec des mesures d’urgence et des mesures structurelles.

Egalim : doublement des contrôles

Contractualisation, non-négociabilité du prix des matières premières, détournement, fraude à la francisation : le gouvernement s’engage à mettre la « pression » sur les distributeurs et les industriels pour faire respecter les loi Egalim, en « doublant les contrôles, dès cette semaine ».  « On va multiplier les contrôles, les sanctions tomberont », a déclaré le ministre de l’Économie à l’issue du Comité de suivi des négociations commerciales du 26 janvier. Le ministre de l’Agriculture a quant à lui appelé à une forme de « patriotisme agricole. Ce n’est pas un gros mot. La responsabilité de chacun, c’est de faire en sorte si on veut de la souveraineté, c’est d’avoir une rémunération, ça un coût, parfois parce que nous avons des exigences qui sont élevées au niveau européen, et comme ça a un coût, ça a un prix ».

Un « choc de simplification » d'ici le SIA

Gabriel Attal a annoncé lancer et mener un « choc de simplification », avec en ligne l’échéance du Salon de l’agriculture. « Je veux des solutions concrètes maintenant, tout de suite pour des réponses immédiates, maintenant, tout de suite », a-t-il dit, prenant exemple sur le Préfet de Haute-Garonne, qui a revu 4 arrêtés en quelques jours. « Cette méthode je veux la dupliquer partout en France (...) La vérité m’oblige à dire que depuis plusieurs années, les agriculteurs ont le sentiment de faire face à un Etat qui contrôle, plus qu’il n’accompagne ».

10 premières mesures de simplification à effet « immédiat »

« On simplifie au maximum l’administration du quotidien, avec en ligne de mire le projet de loi d’orientation, qui va être enrichi » a énoncé le chef du gouvernement. Simplifier drastiquement les procédures. Supprimer des normes quand elles n’ont pas de sens. Ça commence aujourd’hui ».

- instauration d’un cadre de confiance entre le monde agricole et la police de l’environnement, en assurant un meilleur dialogue, une proportionnalité des peines et leur adaptation en intégrant la bonne foi

- instauration d’un « contrôle unique » pour qu’il n’y a pas plus d’un passage annuel sur une exploitation dans le cadre des contrôles administratif ;

- passage de 4 à 2 mois des droits de recours portant notamment les procédures ICPE et les autorisations de prélèvement en eau pour les projets agricoles

- refonte des modalités d’intervention en exploitation des agents de l’OFB qui seront désormais sous la tutelle des Préfets

- débroussaillement : mise en cohérence des mesures visant à la protection des biens et des personnes et des mesures de protection de la biodiversité

- haie : instauration d’un seul cadre règlementaire en lieu et place des multiples règlements

- curage des fossés : passage du régime d’autorisation au régime de déclaration et délais raccourcis de 9 à 2 mois

- suppression d’un niveau de juridiction concernant les contentieux relatifs à la gestion de l’eau

- application de la « présomption d’urgence » pour purger le contentieux en moins de 10 mois

- zones humides et les tourbières : « il n’y aura pas de surtransposition et le gouvernement prendra le temps de la concertation ».