Carbonne libérée, Paris assiégée ?

Les syndicats n’ont pas été convaincus par les mesures d’urgence annoncées par le Premier ministre. La FNSEA et les JA décrètent le « siège » de Paris à compter de lundi tandis que la Coordination rurale menace de bloquer le marché de Rungis au sud de la capitale.

« Gabriel Attal n’a levé qu’un seul blocage, celui de l’A64 » : c’est ce qu’a déclaré Arnaud Rousseau dans le journal la Tribune du dimanche. Dès vendredi soir, le président de la FNSEA avait indiqué « poursuivre la mobilisation », en réaction aux mesures d’urgences annoncées par Gabriel Attal quelques heures plus tôt sur une exploitation bovine en Haute-Garonne. « Les annonces du premier ministre ne répondent pas à l’ensemble des questions que nous nous posons », a-t-il poursuivi. La Coordination rurale et la Confédération paysanne lui avaient emboîté le pas.

Dimanche matin, le Premier ministre s’est rendu sur une exploitation maraichère à Parçay-Meslay (Indre-et-Loire) où il a échangé durant 40 minutes avec les représentants départementaux de la FNSEA et des JA. « C’est une très belle répétition du Premier ministre mais il n’y a pas eu de nouvelles annonces », a réagi Clément Torpier, président des JA d’Ile-de-France, évoquant des « mots forts » sur les questions de « production », de « protection » des agriculteurs, de « souveraineté alimentaire ». « Mais nous attendions des avancées concrètes. Le compte n’y est pas ».

Siège de Paris, blocage de Rungis et de Lyon

Samedi, la FNSEA Grand bassin parisien et les JA ont annoncé, dans un communiqué, entamer un siège de la capitale à compter de ce lundi 14 heures, autour de « sept points de blocage pour une durée indéterminée ». La ville de Lyon (Rhône) est aussi dans le viseur des JA.

De son côté, la Coordination rurale du Lot-et-Garonne a décidé de cibler le marché d’intérêt national (MIN) de Rungis (Val-de-Marne). « Nous avons décidé dès lundi matin de partir direction Paris, en tracteurs, pour rejoindre le mouvement. On a décidé de monter à Paris bloquer Rungis », a fait savoir José Pérez, coprésident de la CR 47.

"N'enrayons pas ce pouvoir de séduction que nous avons eu vis-à-vis de la population"

Au micro de France info, Jérémy Decerle, député européen (Renew), ancien président des JA, a invité les agriculteurs à préserver « le capital de sympathie de la population » face au risque d’exaspération qui pourrait naitre des blocages. . « N'enrayons pas ce pouvoir de séduction que nous avons eu vis-à-vis de la population » a-t-il affirmé, même si « cela nous est arrivés de rentrer dans Paris avec les tracteurs et ça n'a pas tout le temps été négatif ». Selon un sondage paru en milieu de semaine dernière, 89% des Français soutiennent le mouvement.

Le président des JA d’Ile-de-France a lancé un appel à  « la sécurité pour éviter tout accident » et « au respect des biens et des personnes ». Le 23 janvier, une voiture ayant percuté un barrage à Pamiers (Ariège) a provoqué la mort d’une jeune éleveuse, membre des JA, et de sa fille.

Le ministre de l’Intérieur a annoncé que 15.000 membres des forces de l’ordre seraient mobilisés pour éviter que les agriculteurs ne bloquent Paris et les grandes villes, le marché de Rungis et les aéroports franciliens, une « consigne » du Président de la République.

"Si vous n’étiez pas venu, le département, je pense, aurait été à feu et à sang ce matin"

Si les annonces de Gabriel Attal ont permis de lever nombre de blocages routiers durant le week-end, dont l’emblématique barrage de Carbonne (Haute-Garonne), d’où est partie la contestation le 18 janvier dernier, elles laissent les agriculteurs sur leur faim. « Je sais bien que, à travers ces premières mesures on n'a pas répondu encore à tout ce que je viens d'évoquer et ce qui constitue le malaise et le mal-être de nos agriculteurs aujourd'hui, a convenu le Premier ministre à l’issue de sa visite dimanche sur l’exploitation de Nicolas Sterlin. Je suis résolu à avancer, avancer résolument, à avancer vite ».

"Moi je veux aller sur le terrain, même si c’est difficile,  même si je me fais engueuler"

« Si vous n’étiez pas venu, le département, je pense, aurait été à feu et à sang ce matin », lui a lancé Frédérique Alexandre, présidente de la FDSEA. « Moi je veux aller sur le terrain, même si c’est difficile,  même si je me fais engueuler, même s’il y a beaucoup d’attente et de la colère parce que je ne veux pas perdre ce fil du dialogue » a répondu le Premier ministre alors que « tous les gens en costume derrière » lui conseillaient plutôt de préparer son discours de politique générale mardi à l’Assemblée nationale.

Un rapport d'impact sur la réforme des retraites

Gabriel Attal a apporté une précision sur le sujet des retraites, dont les agriculteurs désespèrent de voir s’appliquer la loi, introduisant le calcul de la pension sur les 25 meilleurs années et non sur l’ensemble de la carrière. « Le rapport d’impact, qui va être rendu public de façon imminente, dit que le texte, d’initiative parlementaire, fait des gagnants et des perdants » a justifié le Premier ministre, évoquant l'incidence de la réforme sur les modalités de calcul de la retraite. « L’important, c’est que ça constitue un progrès pour le plus grand nombre » a-t-il conclu.