La France lance la chasse aux surtranspositions phytosanitaires

Le ministère de l’Agriculture souhaite « objectiver » les situations de distorsion de concurrence intra-européenne et le cas échéant, mobiliser tous les leviers règlementaires pour y parer, en priorisant les couples usages / molécules les plus urgents en termes d’impact et/ou de calendrier de traitement.

Après s’être attaqué au dossier des surtranspositions extra-européennes, avec comme derniers trophées en date l’activation d’une clause de sauvegarde à l’égard des fruits et légumes traités au thiaclopride ou des cerises traitées au phosmet, deux produits interdits d’usage dans l’UE, le ministère de l’Agriculture a décidé de se pencher sur les surtranspositions dont la France est réputée coupable, Dernier avatar en date : le S-métolachlore, dont l’Anses a coupé le robinet, avant que les autorités européennes ne se prononcent. Soit dit en passant, la France n’a pas le monopole en la matière, si l’on songe à la Belgique qui vient de suspendre l’utilisation du prosulfocarbe.

Objectiver et solutionner dès cette campagne

Mais les surtranspositions, qui ne se réduisent pas aux produits phytosanitaires, sont l’un des (nombreux) carburants de la crise agricole dont l’épilogue n’est pas encore écrit, en dépit de l’activisme du gouvernement. Ce dernier a décidé, « d’objectiver » la situation, pas tant pour relativiser la problématique (mais un peu quand même) que pour y apporter des réponses « rapides », c’est à dire applicables dès cette campagne.

D’un point de vue opérationnel, le chantier est confié à la Commission des usages orphelins, qui se réunira à un rythme hebdomadaire et qui sera chargé d’inventorier les situations d’impasse les plus critiques. « L’objectif n’est pas de passer en revue le catalogue de 650 pages des usages et des produits mais d’identifier, à chaque réunion, pour deux ou trois cultures, les cas de surtransposition et de déboucher sur des solutions d’ordre phytosanitaire ou technique et agronomique », fait savoir le ministère de l’Agriculture. Le calendrier sera précisé lors de la prochaine réunion de la Commission des usages orphelins convoqué le 25 mars, après la première réunion inaugurale du 15 mars.

Des leviers réglementaires et agronomiques

Au cas par cas, le gouvernement sera susceptible d’activer plusieurs leviers réglementaires, tels que la reconnaissance d’usage des molécules entre Etats membres, les dérogations de 120 jours ou encore les extensions d’usage mineur, autant de dispositions « cadrées au plan européen dans le règlement 1107 de 2009 », précise le ministère, qui pourrait aussi faire pression sur les metteurs en marché pour que les demandes récurrentes de dérogations de 120 jours par la profession se transforment en demande d’Autorisation de mise sur le marché (AMM) par les firmes.

Outre les éventuelles surtranspositions, le ministère compte aussi mettre en avant les solutions agronomiques identifiées comme alternatives aux produits phyto et dont le déploiement reste encore largement à opérer. C’est tout l’objet du Plan d’action de sortie du phosmet (Colza), du Plan d’action sur la cerise ou encore du Plan national d’action et de recherche en betterave sucrière. Sans oublier le Parsada, le Plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait de substances actives au niveau européen et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures, qui passe en revue 14 couples bioagresseurs / cultures sous la menace du retrait de 75 substances actives dans les 3 à 5 ans à venir, dans le cadre du réexamen périodique des AMM.

"Il ne s’agit pas de revenir sur l’interdiction des néonicotinoïdes"

En revanche, il ne faut pas escompter de retour en arrière sur certaines interdictions et on pense notamment aux néonicotinoïdes, que les producteurs de betteraves sucrières, de fraises ou encore de noisettes souhaiteraient pouvoir réutiliser, ciblant tout particulièrement l’acétamipride, autorisé dans plusieurs pays européens. « Il ne s’agit pas de revenir sur l’interdiction des néonicotinoïdes », tranche le ministère de l’Agriculture, indiquant que l’EFSA, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, formulera « dans les prochaines semaines » un avis sur le potentiel de risque sanitaire et environnemental de l’acétamipride.