L’utilisation du prosulfocarbe suspendue sine die en Belgique

Les autorités sanitaires belges invoquent pour les opérateurs, les travailleurs et les résidents des niveaux d’exposition dépassant un niveau « acceptable ». En France, l’Anses a réduit le 1er novembre dernier la dose d’usage de l’herbicide, assortie d’une ZNT de 10 mètres, combinée à des dispositifs anti-dérive.

« Sur avis du Comité d’agréation des pesticides à usage agricole, les autorisations de tous les produits phytopharmaceutiques contenant du prosulfocarbe sont suspendues en Belgique. Cela signifie concrètement que la vente et l’utilisation de ces produits ne sont plus permises depuis le 9 février 2024 ». Telle est la décision prise par le Service public fédéral (SPF) Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement, en charge des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires en Belgique. « Le niveau d’exposition des opérateurs et des travailleurs pour certains usages dépasse le niveau acceptable. Le niveau d’exposition des résidents dépasse le niveau acceptable pour tous les usages », justifie l’instance gouvernementale.

Herbicide très volatile, le prosulfocarbe est susceptible de provoquer des réactions cutanées pour les personnes exposées mais il n’est pas classé CMR. En France, suite à une actualisation de l’évaluation des risques pour les enfants, l’Anses en a récemment réduit les usages. Depuis le 1er novembre 2023, la dose maximale a été réduite de 40% et la ZNT fixée à 20 mètres, réductible à 10 mètres moyennant le recours à des dispositifs susceptibles de réduire la dérive d’au moins 90%.

Contaminations de parcelles bio

Outre le risque de dépassement du seuil de sécurité pour les jeunes riverains, la molécule est aussi à l’origine de contaminations de parcelles cultivées en bio, notamment de sarrasin, dont la récolte tardive intervient après les applications de l’herbicide à l’automne. Selon la Fnab et le Forébio (coopératives), les destructions de cultures de sarrasin bio pour cause de contamination représentent un préjudice cumulé supérieur à 500.000 euros au cours des trois exercices passés. La volatilité de la molécule rend impossible l’identification de l’origine de la contamination et par voie de conséquence le recours juridique, laissant les producteurs bio sans solution d'indemnisation.

"Le Comité d’agréation des pesticides est plutôt connu pour être relativement souple dans les autorisations"

Le cas se produit également en Belgique mais la décision des autorités sanitaires belges surprend jusqu’à l’Unab, l’Union des agrobiologistes belges. « Le Comité d’agréation des pesticides est plutôt connu pour être relativement souple dans les autorisations, commente son porte-parole Thierry van Entenryk. L’autre élément surprenant du dossier tient au fait que la mise à jour de l’évaluation par le Comité d’agréation fait suite à la soumission d’informations sur des effets potentiellement nocifs ou inacceptables du prosulfocarbe par un des titulaires des autorisations ».

En France, le prosulfocarbe est depuis 2015 la troisième substance phytosanitaire la plus vendue après le soufre et le glyphosate. Ses ventes ont été multipliées par 6 en moins de 10 ans, sous l’effet du retrait de molécules telles que l’isoproturon et de la résistance des mauvaises herbes à d’autres molécules. Au sein de l’UE, l’autorisation l’herbicide, qui expirait le 31 octobre dernier, a été reconduite jusqu’au 31 janvier 2027.

En Belgique, le Comité d’agréation des pesticides a indiqué, qu’à la suite de la suspension « immédiate et provisoire » du prosulfocarbe, « la procédure de retrait des autorisations » était engagée, ce que peuvent contester les titulaires des autorisations.