Les priorités de Denormandie avant la présidentielle (1/2) : la France

Le ministre de l’Agriculture compte finaliser la réforme de l’assurance récolte et le chantier du Varenne de l’eau et du changement climatique. La publication du décret sur l’origine des viandes est imminente. Le déploiement de France 2030 va se poursuivre.

« Jusqu’au dernier quart d’heure qui me sera donné, je continuerai à agir avec la même détermination pour notre agriculture, notre alimentation et nos forêts ». A l’occasion de ses vœux à la presse, le ministre de l’Agriculture a évoqué ses priorités pour les trois mois à venir, avant la tenue des élections présidentielles en avril prochain.

Avec l’exercice la Présidence française du l’Union européenne (PFUE), c’est un double agenda de 100 jours auquel s’astreint le ministre de l’Agriculture. S’agissant de son agenda national, le ministre s’est notamment focalisé sur les réformes actées en 2021 et dont l’application est effective depuis le 1er janvier, à commencer par Egalim 2.

Egalim 2 : « Appliquer pleinement la loi et dans sa totalité »

Adoptée le 14 octobre 2021, la loi de protection de la rémunération des agriculteurs, dite loi Egalim 2 est destinée à corriger les manquements de la loi Egalim 1, « nécessaire mais pas suffisante ». Pour s’assurer de l’application de la loi, le ministère entend démultiplier les comités de suivi et multiplier par quatre les contrôles d’ici à la fin des des négociations commerciales, soit le 1er mars.

« La loi est d’autant plus nécessaire que l’on est dans un contexte inflationniste. Cette inflation ne saurait être uniquement portée par les agriculteurs ». Le ministre a évoqué la mise en place d’un système de remontée d’information, permettant notamment de gérer les situations « singulières », filières par filières et d’adresser des « messages nominatifs aux patrons de la grande distribution et aux industriels ». Le nouveau médiateur des relations commerciales a par ailleurs pris ses fonctions avant Noël. Est-ce que la loi Egalim 2 va suffire ? « On va se battre pour ce faire ».

Origine des viandes : « Le décret publié sitôt l’examen du Conseil d’État le 11 janvier »

Obligatoire pour la viande bovine servie en restauration hors domicile (restauration collective et commerciale), l’étiquetage de l’origine des viandes de porcs, volailles, ovins, caprins (et de la viande hachée bovine) est suspendu à la publication d’un décret. Le décret sera examiné par le Conseil d’État le 11 janvier. « Si le Conseil d’Etat le valide, ce que j’espère parce que nous avons beaucoup travaillé pour, le décret sera publié dans la foulée », a assuré Julien Denormandie pour qui « le consommateur a lui aussi un rôle à jouer pour redonner de la valeur à notre agriculture »

Mal-être : « Être extrêmement vigilant quant aux situations de détresse »

L’accompagnement humain des agriculteurs est une préoccupation érigée au rang de priorité par le ministre de l’Agriculture. Ce dernier a indiqué que la feuille de route destinée à conjurer le mal-être en agriculture, présentée le 23 novembre 2021, était entrée en application ce 1er janvier et qu’il se montrerait « extrêmement vigilant » quant à son application. La feuille de route instaure des Comités départementaux dédiés au mal-être et renforce les réseaux de sentinelles à même de détecter les signaux faibles, ainsi que les dispositifs de de soutien économique. La MSA renforce de son côté sa plateforme Agri’Ecoute.

Assurance récolte : « La réforme la plus structurante depuis la Pac »

Julien Denormandie va présenter le 6 janvier à la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale le projet de loi de l’Assurance multirisques climatique (MRC), avant son examen la semaine prochaine à cette même Chambre, avant le Sénat le 12 février. Julien Denormandie mise sur une adoption avant la fin de la mandature et une entrée en application le 1er janvier 2023 d’une loi décrite comme « la réforme la plus structurante depuis la Pac ».

Le projet de loi repose sur une nouvelle articulation entre auto-assurance (pratiques agronomiques, épargne...), assurance privée et solidarité nationale en cas de pertes exceptionnelles. Les arbitrages tels que les seuils d’intervention de chacun de ces trois piliers ne relèveront pas du registre législatif mais réglementaire (ordonnances et décrets).

Climat : « Le Varenne est un cycle de solutions, pas de discussions »

Ce premier trimestre 2022 va marquer la fin des travaux du Varenne de l’eau et du changement climatique, « un cycle de solutions et non de discussions », lancé en mai 2021 et dont un des trois chantiers était précisément consacré à l’assurance récolte. Le second consistait à explorer et à inventorier tous les leviers d’adaptation au changement climatique, dans toutes les filières et au sein de tous les territoires. « La dynamique a été lancée et le point de non-retour atteint », a déclaré le ministre.

Conclu fin décembre, ce second chantier va déboucher sur des plans d’adaptation et des stratégies d’anticipation qui devront être formalisés d’ici à fin 2022, avec un suivi assuré par FranceAgriMer. Le ministre de l’Agriculture s’est engagé à les accompagner financièrement, notamment dans le cadre de France 2030. Il a rappelé les engagements récents, tels que le dispositif de soutien à l’investissement dans les matériels permettant de parer aux aléas climatiques, passé de 70 millions d’euros à plus de 130 millions d’euros, dans le cadre du Plan de relance.

Gestion de l’eau : « Ma détermination, à donner une vision et une visibilité, est totale »

Le troisième chantier, consacré à la gestion de la ressource en eau, s’achèvera fin janvier. Un sujet sensible au vu des tensions qu’il cristallise sur le terrain, comme par exemple, mais pas seulement, dans le Poitou avec les réserves de substitution. C’était pourtant l’un des fondements des Projets de territoire et de gestion de l’eau (PTGE), mis en place sous la mandature précédent, que de nouer des consensus avec l’ensemble des parties prenantes.

Julien Denormandie a redit sa « détermination totale » à améliorer le cadre de ces instances, au nombre d’un soixantaine sur le territoire, à anticiper, bassin versant par bassin versant, les projets à venir dans les prochaines années pour donner « une vision et une visibilité » aux agriculteurs. Le ministre se désespère de créer les conditions d’un consensus sur les nouveaux moyens de captation de l’eau. « N’en déplaise à certains, pour assurer notre souveraineté agricole et agroalimentaire, il n’est pas possible de faire de l’agriculture sans eau », a-t-il redit.

France 2030 : « Je crois à l’investissement, pas aux injonctions »

Le ministre de l’Agriculture a enfin évoqué la poursuite du Plan France 2030, annoncé par le président de la République le 12 octobre dernier. Il crédite le secteur de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt d’une enveloppe de 2 milliards d’euros, à laquelle s’ajoutent près de 800 millions d’euros au titre du 4ème Plan d’investissements d’avenir (PIA4). Le Plan est destiné à financer la « troisième révolution agricole », celle de « la robotique, de la génétique, du numérique et du biocontrôle, après celles du machinisme et de l’agrochimie. Plusieurs appels à projets ont d’ores et déjà été lancés et de nouveaux sont programmés dans les mois à venir, ciblant notamment les solutions d’adaptation au changement climatique et la production de protéines végétales, en renfort du Plan protéines. « Je crois à l’investissement, pas aux injonctions », a déclaré la ministre.

Forêt et bois : « Que la filière fasse filière »

Le ministre de l’Agriculture a enfin évoqué la filière bois-forêt, à laquelle il voue une véritable « passion », en annonçant la clôture des Assises de la forêt et du bois pour la mi-février. Lancées en octobre dernier, les Assises se sont fixé trois objectifs en matière de neutralité carbone, de préservation de la biodiversité, de compétitivité industrielle, le tout dans un cadre rénové de concertation territoriale entre propriétaires forestiers et parties prenantes. Le ministre attend des Assises des propositions « les plus opérationnelles possible », avec un impératif : « que la filière fasse filière ».