Julien Denormandie décrète la troisième révolution agricole

Le volet agricole de France 2030 servira notamment les investissements dans le numérique, la robotique et la sélection variétale, qui symbolisent selon le ministre de l’Agriculture « la révolution de la connaissance et du vivant, la troisième révolution agricole ».

« Dans le domaine agricole et agroalimentaire, on est à l’aube d’une troisième révolution agricole », a déclaré en conférence de presse Julien Denormandie, à l’issue de la présentation le 12 octobre, par le président de la République, du plan France 2030. Au sortir de la seconde guerre mondiale, il y a eu la révolution du machinisme, puis celle de l’agrochimie. Avec France 2030, nous allons financer la troisième révolution agricole, la révolution de la connaissance et du vivant. Nous avons la volonté politique de faire de la France le premier pays à-même de mettre en œuvre cette troisième révolution agricole fondée sur le numérique, la robotique et la génétique ».

"En aucune manière, les nouvelles technologies de sélection ne doivent être utilisées pour avoir des plantes résistances aux pesticides"

Selon le ministre, les possibilités offertes par ces trois leviers sont à même de relever les défis climatiques, démographiques et environnementaux. S’agissant de la robotique, Julien Denormandie veut éviter le scenario de l’industrie « où la France a complètement raté le virage il y a 15 ans », en veillant, au-delà du soutien aux opérateurs, à leur appropriation par les agriculteurs et déblocages d’ordre réglementaire.

Sur les nouvelles technologies de sélection (New breeding technologies, ou NBT) Julien Denormandie a réaffirmé ses convictions. « La France soutiendra le changement de la législation européenne. Ces nouvelles technologies sont une source de progrès, donc il faut donner de l’allant pour pouvoir les utiliser mais dans un cadre précis. Grâce à la sélection variétale accélérée, les plantes seront plus résistantes au stress hydrique, c’est très positif. En revanche, en aucune manière, ces nouvelles technologies ne doivent être utilisées pour avoir des plantes résistances aux pesticides. Je crois que nous sommes à-même de trouver un bon équilibre ».

Les trois volets agricoles de France 2030

Dans le cadre de France 2030, le volet numérique, robotique et génétique sera soutenu à hauteur de 600 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 400 millions d’euros du Programme d’investissements d’avenir 4 (PIA 4). Ce budget permettra de financer les innovations dans les pratiques agronomiques, dans les équipements innovants (numérique, robotique) ou encore dans la recherche associée au changement climatique, Julien Denormandie citant la problématique du méthane en élevage.

Le deuxième volet de France 2030 s’attachera à renforcer les chaines alimentaires locales favorables à la santé, le ministre ayant beaucoup insisté sur l’enjeu nutritionnel. « N’oublions jamais que l’alimentation permise par notre agriculture de qualité a un impact direct sur notre santé ». Julien Denormandie estime qu’il existe des marges d’innovation, par seulement sur les process mais aussi sur la transparence, citant « des initiatives comme celle de la blockchain émanant de citoyens consommateurs et qui sont incroyablement intéressantes ». Ce deuxième volet héritera de 400 millions d’euros au titre de France 2030 auxquels s’ajoutent 450 millions d’euros du PIA 4.

Le troisième et dernier volet agricole de France 2030, crédité de 500 millions d’euros, consistera à apporter des fonds propres aux entreprises agricoles au sens large (jeunes agriculteurs, PME, ETI, grandes entreprises et start-up). « L’esprit d’entrepreneur ne doit jamais être limité par une aversion au risque et vous ne pouvez pas prendre de risque si vous n’avez pas une solidité en fond propres », a justifié le ministre. A noter enfin la budgétisation de 500 millions d’euros au profit du développement de l’usage du bois matériau, ce qui porte le financement global à 2,8 milliards d’euros pour l’agriculture et la forêt, si l’on intègre les 800 millions d’euros du PIA 4.

"L’agroécologie, c’est quelque chose d’impérieux, d’absolument nécessaire mais ce n’est pas une vision politique"

Selon le ministre de l’agriculture, ces trois piliers doivent permettre de répondre au triple défi climatique, démographique et environnemental, sans pour autant remettre en cause nos capacités de production. Au passage, le ministre a réitéré sa volonté de voir accoucher le Pacte vert européen (Green deal) d’une étude de faisabilité comme préalable aux futures obligations légistiques. « Ce n’est pas anodin de dire que la production agricole européenne sera réduite de 13%, a-t-il affirmé, faisant allusion à l’étude du JRC, un organisme de recherche de la Commission européenne. Cela mérite a minima une étude qui dise, si ou non, c’est grave pour la capacité nourricière de l’Europe, sachant qu’en prime, deux tiers des réductions d’émissions seraient compensées par des importations ».

Le ministre de l’Agriculture n’a pas nié les vertus de l’agroécologie, tous en les remettant à leur place. « L’agroécologie, c’est quelque chose d’impérieux, d’absolument nécessaire mais ce n’est pas une vision politique. Depuis vingt ans, les politiques publiques se sont attachées à réduire les impacts de la deuxième révolution industrielle, celle de l’agrochimie, souvent au détriment du compte de résultat des exploitations, de leur pérennité et de nos objectifs de production. Notre vision politique et notre finalité, c’est de nourrir le peuple de France, le peuple européen et le peuple de la planète tout en préservant l’écosystème ».