Assurance récolte : en attendant les « petites lignes »

[Edito] Le gouvernement a présenté les grandes lignes de son projet de réforme de gestion des risques climatiques, le décrivant comme universel. A ce stade, il y manque l’essentiel : les petites lignes.

Une réforme plus juste et pas juste une réforme : tel est l’esprit qui anime le projet de loi présenté mercredi 1er décembre en Conseil des ministres. Entamé en 2019, le processus de refondation de l’assurance multirisques climatique (MRC) s’est accéléré au printemps 2021 avec la survenue d’un épisode de gel massif impactant les trois-quarts de l’Hexagone et de très nombreuses filières pour un coût se comptant en milliards d’euros. Le choc a achevé de porter l’estocade à un système assurantiel illisible, discriminatoire et injuste. Le prochain dispositif, qui entrera en vigueur en même temps que la Pac, soit le 1er janvier 2023, est ambitieux pour ne pas dire prétentieux : il s’agit d’instaurer une protection universelle, qui concernera tous les aléas, tous les producteurs, toutes les productions et tous les territoires, y compris les Outre-mer.

Trois seuils de perte, trois mécanismes

Le futur système entérine un dispositif à trois étages correspondant à trois degrés d’impacts et à trois seuils de pertes. Pour un aléa dit « courant », la perte relèvera de la responsabilité du seul producteur et de ses choix de gestion (parades agronomiques, équipements anti-aléas, épargne de précaution...). Pour un aléa qualifié de « significatif », l’agriculteur ayant souscrit une MRC bénéficiera de la part de son assureur d’une indemnisation proportionnelle à ses pertes. Enfin pour un aléa dit « exceptionnel », l’agriculteur sinistré, qu’il soit assuré ou non, aura face à lui un interlocuteur unique chargé d’indemniser ses pertes, grâce à la solidarité nationale, et avec davantage de réactivité que le mécanisme actuel des calamités. L’indemnité complétera celle versée par les assurances à leurs assurés. Dans ce cas de figure, un « non assuré ne pourra pas toucher plus de 50% de ce que touche un assuré », est-il écrit dans le projet de loi. Voilà pour les grandes lignes.

Un défi à l’universalité

A ce stade, le projet de loi ne fait pas mention des seuils de pertes de récolte correspondant à ces trois degrés d’intensité des aléas. On sait simplement qu’ils feront l’objet d’une définition production par production. Pas plus d’information sur le taux de subvention de la MRC, les niveaux de franchise de cette même MRC ou encore sur l’hypothèse d’un relèvement de 5,5% à 11% de la taxe complémentaire aux contrats d’assurance. Le gouvernement se retranche sur la nécessité de réaliser « un travail d’objectivation chiffré et approfondi avec les parties prenantes ». Ces modalités ne seront pas inscrites dans la loi mais prendront la forme d’une ordonnance.

Au-delà de ces inconnues relevant de la sphère publique, la fortune du dispositif dépendra aussi des tarifs de l’assurance multirisques. Problème : plus les aléas sont intenses et récurrents, plus les primes sont chères et plus les niveaux d’indemnisation sont faibles du fait de la dégradation de la moyenne olympique des rendements. Un véritable défi à la quête d’universalité, d’autant plus que l’étage MRC est susceptible d’être activé pour des pertes de récolte comprises entre 20-25% et 50%, quand les calamités déclenchaient à 30%.