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Micro-fermes : quand bio rime avec rentabilité
Tout laisser, acheter un petit lopin de terre à la campagne et se lancer dans l’agriculture biologique, c’est le rêve que sont prêts à suivre de nombreux jeunes hommes et femmes avec des parcours très divers. Cette utopie est-elle réalisable et peut-on en vivre ? C’est la question à laquelle ont voulu répondre une équipe de chercheurs de l’UMR SADAPT (INRA, centre de Versailles) dans un article publié en novembre 2017 dans Agricultural Systems
Dans les pays d'Europe et en Amérique du Nord, l'industrialisation de l'agriculture s'est basée sur l'exploitation de surfaces de plus en plus importantes pour amortir l'augmentation du coût des nouvelles technologies et des intrants (fertilisants, pesticides, machinisme). Cette industrialisation s'accompagne d'une perte de diversité des cultures, d'une dépendance aux marchés globaux et d'une déconnexion de la production des besoins locaux. C'est dans ce contexte qu'ont émergé les micro-fermes biologiques, répondant à un souci de préservation de l'environnement, de stimulation des dynamiques locales via les circuits courts, et de création d'emploi au niveau local.
Sortir des standards de l'agriculture
Les micro-fermes attirent une nouvelle génération non issue du milieu agricole, affirme l'étude. Ces derniers sont à l'initiative d'un tiers des 3000 nouvelles exploitations agricoles crées en France en 2013. Cherchant à sortir des standards de l'agriculture classique et souvent idéalistes, ils souhaitent avant tout agir pour un monde meilleur et se reconnecter à la nature. 63% de ces néo-paysans sont attirés par l'agriculture biologique, 58% par les circuits courts et 23% par la perspective de vivre de cette activité. De plus, cette agriculture est d'autant plus attractive qu'elle requiert peu d'investissements matériels et fonciers.
Dans cet article, les scientifiques ont choisi de comparer à 18 stratégies de micro-fermes différentes avec pour variables les techniques de production, la commercialisation et l'investissement. Mille simulations ont été réalisées pour chaque scénario grâce au modèle MERLIN (Microfarms : an Exploratory Research on Labour and INcome) développé à partir des données collectées dans 20 micro-fermes du nord de la France.
D'un point de vue technique, trois grands modèles de micro-fermes ont été considérés, avec des préoccupations écologiques et une recherche d'optimisation de l'espace croissantes :
- Le système classique qui consiste à reproduire en maraîchage biologique diversifié (de 30 à 50 espèces différentes dans une exploitation) les logiques des fermes industrielles pour la mécanisation (tracteur pour la plupart des tâches culturals) et l'utilisation d'intrants du commerce. Ce modèle techniquepermet de limiter le temps de travail par unité de surface, mais ses coûts de productions élevés le rendent moins viable économiquement que les deux autres systèmes.
- Le système bio-intensif, qui en plus de diversifier les cultures limite sa dépendance aux intrants industriels par des pratiques écologiques (engrais verts, compostage, paillage etc.) et limite l'emploi de la mécanisation uniquement au travail du sol. Dans les hypothèses de l'étude, ce système est le plus productif et le plus viable de tous. En effet, il marque les meilleurs rendements par heure de travail avec des faibles coûts de production. C'est donc une plus grande marge pour le producteur.
- Le système manuel s'inspire de la permaculture et limite au maximum l'utilisation des produits pétroliers (pas d'intrants du commerce ni de mécanisation) par des pratiques écologiques. Dans ce système, la contrepartie est l'augmentation du travail manuel et donc une plus faible productivité par heure de travail. Cependant, comme pour le système bio-intensif, l'économie des coûts technologiques permet une plus importante viabilité que dans le système classique
« Les bons résultats des systèmes manuels et bio-intensif pourraient même s'améliorer avec l'expérience de l'agriculteur et la mise en place de stratégies différenciées en fonction des cultures », estiment les chercheurs. Par exemple, il pourrait être judicieux d'utiliser une agriculture manuelle pour des cultures à haute valeur ajoutée (par exemple les tomates) et une agriculture plus mécanisée pour les produits à faible valeur ajoutée sur des grands espaces (par exemple les pommes de terre).
En effet, même si la mécanisation des exploitations signifie moins de travail pour les agriculteurs, l'espace laissé aux machines fait perdre de la densité aux cultures, favorise le développement des mauvaises herbes et requiert des interventions de désherbage plus fréquentes.
Un sujet d'intérêt grandissant pour les villes
Cependant, met en garde l'article, un investissement initial minimal est nécessaire pour augmenter les chances de viabilité d'une micro-ferme. Ainsi, d'après l'étude, les jeunes fermiers qui choisissent de construire eux-mêmes leurs équipements à partir de matériaux recyclés diminuent la viabilité de leur exploitation les premières années. De la sorte, le temps consacré à l'auto-construction pourrait être consacré à leur exploitation, insiste l'équipe de recherche. A chaque paysan, de trouver un sage compromis entre l'auto-construction (qui peut répondre à une volonté d'autonomie et de recyclage) et le recours à un minimum d'investissement (emprunts) pour s'équiper de manière satisfaisante, conseillent les scientifiques.
Les micro-fermes sont un sujet d'intérêt grandissant pour les villes dans lesquelles les espaces disponibles sont limités. « Quand le maraîchage classique nécessite au moins 15 000 m2 pour faire vivre un agriculteur, les micro-fermes n'ont besoin que de 2000 à 8000 m2 », souligne l'étude. Une économie d'espace de 10 000 m2 qui peut être dédiée à d'autres productions complémentaires au maraîchage (fruitiers, miel, petit élevage), à des engrais verts ou à la biodiversité.
Article réalisé par :
Kevin Morel : doctorant du DIM Astrea (*) et co-auteur de l'étude : kevin.morel@uclouvain.be
François Léger : enseignant-chercheur à AgroParisTech et co-auteur de l'étude : Francois.Leger@Agroparistech.Fr
*DIM ASTREA : l'Ile-de-France, région innovante, soutient la recherche à travers le DIM ASTREA (labélisé DIM sur la période 2008-2016). Ce dernier, initie une véritable dynamique de recherche dédiée aux sciences agronomiques et écologiques pour l'alimentation.