Trop de cadmium dans les engrais, les sols, les céréales et le corps de Français

Les Médecins libéraux lancent l’alerte sur le risque sanitaire lié au métal lourd cancérigène, présent dans les engrais phosphatés, avant d’entrer dans la chaine alimentaire et d’imprégner dangereusement la population via la consommation de céréales, de pommes de terre et leurs produits dérivés. Ils réclament, entre autres, l’application de la recommandation de l’Anses sur la charge maximale en cadmium des engrais phosphatés.

Un métal considéré comme un des plus grands toxiques comme le documentent plus de 16.000 articles scientifiques. Un métal qui persiste et s’accumule dans l’organisme au fil des années du fait d'une demi-vie comprise entre 20 à 30 ans. Une imprégnation moyenne au cadmium de la population qui a quasiment doublé entre l’Etude nationale nutrition santé (ENNS) de 2006-2007 et l’étude Esteban de 2014-2016 pour s’établir 0,57 µg/g de créatinine quand l’Anses fixe à 0,50 µg/g la valeur toxicologique de référence (VTR). Près d’un Français sur deux (47%) qui dépasse déjà la VTR, dont 18 % des enfants. Plus d’un enfant moins de 3 ans sur trois (36%) qui dépasse la VTR. Pire, dans Esteban, les enfants de 6-10 ans avec des valeurs supérieures aux 10-18 ans et qui dépassent la valeur moyenne des adultes français de l’étude ENNS.

Ce n’est pas tout. Le cadmium, un métal dont les liens sont multiples avec des pathologies telles des cancers (notamment pancréas et rein dont l’augmentation de l’incidence en France est spectaculaire), des maladies cardiovasculaires, des troubles de fertilité, des maladies rénales, des troubles osseux… « Des études sur le risque cardiovasculaire montre que, à la valeur de 0.50µg/g de créatinine, le surrisque moyen de pathologies cardiovasculaires est multiplié par 2.79. Des études sur le risque de mortalité globale et le risque de mortalité par cancer montrent que, plus vous êtes contaminé, plus votre surrisque augmente ». Telles sont les alertes lancées par la Confédération nationale des Unions Régionales de Professionnels de Santé - Médecins Libéraux (CN-URPS -Médecins Libéraux), dans une lettre ouverte au Premier ministre, avec copie aux ministres en charge de la Santé, de l’Agriculture, de la Transition écologique et des Affaires étrangères.

Teneurs en cadmium de la roche de phosphate par pays producteur en Cd mg/kg P2O5 (Source : CN-URPS -Médecins Libéraux)
Teneurs en cadmium de la roche de phosphate par pays producteur en Cd mg/kg P2O5 (Source : CN-URPS -Médecins Libéraux)

Si la CN-URPS - Médecins Libéraux a choisi le 5 juin, journée mondiale de l’environnement, pour lancer l’alerte, c’est parce que « le cadmium, métal lourd cancérigène, est omniprésent dans notre environnement » et qu’il constitue un « véritable fléau de santé publique ».

Les engrais phosphatés marocains sur la sellette

Dans le viseur des Médecins libéraux, il y a les engrais phosphatés, la source majeure de contamination des sols, et plus particulièrement en France. Pourquoi ? Parce que la grande majorité des engrais phosphatés est importée du Maroc, où la roche affiche une valeur élevée en cadmium, comprise entre 38 et 100 mg/kg P2O5 alors que de nombreuses mines à travers le monde affichent des taux inférieurs à 20 mg/kg P2O5, ont analysé les Médecins Libéraux au cours de leurs travaux.

Cette valeur de 20 mg/kg P2O5 est précisément la dose maximale que l’Anses préconise, dans un rapport publié en 2021, pour stopper l’augmentation de la contamination des sols. Cependant, selon l’Anses, la stabilisation de la contamination ne se fera qu’après plusieurs dizaines d’années. « Il faut donc des actions fortes dès maintenant pour endiguer cette contamination », professent les scientifiques. « Y a-t-il eu une diminution de la dose maximale autorisée de cadmium à 20mg/kg d’engrais phosphatés », interpellent-ils ? L’UE a fixé le taux maximal à 60 mg/kg P2O5 mais plusieurs pays ont adopté le seuil de 20mg/kg « L’augmentation de la contamination au cadmium n’est pourtant pas une fatalité comme en atteste l’imprégnation des Américains qui a baissé régulièrement entre les années 1960 et 2020, grâce notamment à une meilleure gestion des boues d’épuration dans les sols agricoles »

Ce que les médecins attendent des pouvoirs publics

Forts de leurs expertises, les Médecins Libéraux ont décidé de lancer une campagne digitale et de délivrer des documents d’information dans leurs cabinets pour informer les patients des sources de contamination et des risques encourus. Ils vont également cibler les personnes les plus à risque pour mettre en place des stratégies de dépistage des pathologies. Mais ils attendent aussi des réactions des pouvoirs publics, et pas simplement sur la dose maximale de 20 mg/kg P2O5 dans les engrais.

"Il faut soutenir très fermement l’alimentation biologique, notamment dans les écoles"

« L’État doit agir en interpelant les collectivités via une campagne de sensibilisation des ARS, en demandant l’adaptation des menus en fonction du risque alimentaire, surtout ceux des cantines, pour les enfants et en soutenant très fermement l’alimentation biologique, et notamment dans les écoles. Celle-ci est soumise à de nombreuses attaques et pourtant, outre les avantages nutritionnels, la contamination au cadmium dans le bio y est inférieure de 48% en moyenne ».