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Énergie renouvelable produite en collectif : des Cuma montrent la voie
Face aux défis énergétiques et climatiques, les Cuma se mobilisent pour produire de l’énergie renouvelable. Photovoltaïque, méthanisation, bois énergie : tour d’horizon d’initiatives présentées au SPACE 2025 à Rennes, qui transforment la contrainte en opportunité et ouvrent des perspectives prometteuses pour l’agriculture.
Une longue histoire entre agriculture et énergie
Depuis toujours, l’agriculture est liée à la production d’énergie. Hier, par la traction animale et la valorisation du bois. Aujourd’hui, par les carburants, l’électricité ou le gaz vert. Les crises pétrolières des années 1970 ont rappelé la vulnérabilité du secteur agricole face aux fluctuations des prix de l’énergie. Dès les années 1980, la notion d’« agriculture résiliente » émerge, avec l’idée que la ferme peut devenir productrice nette d’énergie.
Les Cuma, nées dans l’après seconde guerre mondiale pour mutualiser les matériels agricoles, s’inscrivent naturellement dans cette dynamique. D’abord centrées sur l’accès aux équipements, elles élargissent progressivement leurs missions, jusqu’à inclure des projets collectifs de production d’énergie. Aujourd’hui, sur 10 000 Cuma en France, environ 400 sont déjà impliquées dans des projets photovoltaïques, sans compter les initiatives en méthanisation et en bois-énergie.
Photovoltaïque : un cadre légal assoupli et des projets collectifs
Jusqu’à fin 2022, une Cuma ne pouvait pas directement exploiter une centrale photovoltaïque, l’activité étant considérée comme commerciale. Elle devait créer une filiale, souvent une SAS. Désormais, la loi autorise les Cuma à gérer directement l’installation de panneaux sur leurs bâtiments, tant que cela ne nuit pas à leur objet agricole.
Aujourd’hui, 1 500 hangars en Cuma sont identifiés. Sur un échantillon d’environ 400 hangars, on observe une surface moyenne de 460 m², soit une possibilité d’installer 100 kWc.
Trois modèles de photovoltaïque en Cuma sont possibles :
- Mise à disposition d’un bâtiment : un tiers construit le hangar et installe les panneaux. La Cuma bénéficie du bâtiment à moindre coût.
- Location de toiture : la Cuma construit son hangar et loue le toit à un investisseur.
- Autofinancement : la Cuma investit elle-même et revend l’électricité produite.
Exemple de la Cuma de la Noue, pionnière de l’autoconsommation collective
Dans le Sud-Ouest, la Cuma de la Noue a investi dans une centrale de 308 kWc sur son hangar. L’électricité produite n’est pas seulement vendue à EDF : elle est partagée entre 10 à 15 consommateurs locaux via l’autoconsommation collective (ACC).La fédération des Cuma Haute-Garonne/Ariège joue le rôle d’interface avec Enedis et de gestionnaire de la facturationL’intérêt est double : sécuriser le prix de l’électricité pour les adhérents tout en accélérant l’amortissement de la centrale. Selon les simulations, l’électricité peut être proposée à 15 c€/kWh hors TVA, légèrement en dessous des tarifs du marché.
Un projet XXL en Mayenne
En Mayenne, 16 Cuma se sont regroupées autour d’un projet d’ombrières photovoltaïques représentant 16 500 m² de surface, soit 3,3 MWc et près de 4 GWh produits par an. Les agriculteurs et les Cuma bénéficient ainsi de nouveaux hangars pour abriter leurs matériels.L’énergie est valorisée via la société Énergie Mayenne, associant collectivités, banques locales et investisseurs citoyens. Les Cuma, agriculteurs et les acteurs/ actrices du territoires pourront bénéficier de l’énergie produite à 15c€/kWh hors TVA, en autoconsommation collective (ACC)Une solution qui permet de répondre au besoin de bâtiments tout en participant à la transition énergétique du territoire.
Méthanisation : l’exemple fédérateur de la Cuma du Layou
L’activité de méthanisation n’entre pas dans l’objet des Cuma. En revanche, les sociétés portant une activité de méthanisation peuvent utiliser les services des Cuma à condition de respecter certaines conditions. Si la méthanisation est agricole (capital de la société détenu à + de 50% par des agricultrices et agriculteurs, + de 50% d’intrants d’origine agricole), elle peut adhérer à la Cuma. Sinon, seule l’option « Tiers Non Associé » est envisageable. Son utilisation des services de la Cuma sera limitée à 20% du CA de celle-ci.
Le collectif sécurise l’approvisionnement en intrants et la valorisation du digestat.
Exemple de méthanisation avec des agriculteurs en Cuma
En Béarn, la Cuma du Layou (45 adhérents) est un exemple emblématique. Avec 16 agriculteurs, elle a cofondé la SAS Méthalayou, mise en service en 2018. Le méthaniseur traite chaque jour 50 tonnes d’effluents et de cultures intermédiaires, pour produire 700 000 Nm³ de biométhane injectés dans le réseau, soit l’équivalent de la consommation de 780 foyers.La Cuma gère la logistique : collecte des effluents, transport et épandage du digestat. L’unité représente 5,3 M€ d’investissement et emploie plusieurs salariés. Le projet, né en 2010, a nécessité 8 ans de préparation, de visites d’étude et de concertation locale
Bois énergie : la force du collectif et du bocage
Le bois énergie n’est pas considéré comme une transformation de matière, mais comme un traitement : il est donc parfaitement compatible avec le statut Cuma. Aujourd’hui, environ 230 Cuma disposent de matériels pour l’abattage, le déchiquetage et le transport du bois bocager.
La ressource est loin d’être marginale : en 2023, sur un échantillon de 20 Cuma, 588 000 m³ de bois déchiqueté ont été produits, dont 80 % autoconsommés (chauffage et litière) et 20 % vendus à des collectivités ou particuliers.
L’activité bois énergie permet l’entretien des haies, qu’elle transforme en véritable atelier de production et en débouché économique pour les exploitations locales.
Exemple : la Cuma Cepvil en Mayenne
Créée en 1995, la Cuma Cepvil est à l’origine de la filière Mayenne Bois Énergie, aujourd’hui une SCIC qui alimente 42 chaufferies collectives (piscines, écoles, bâtiments publics). La Cuma gère 60000 m³ de déchiquetage par an, avec un chiffre d’affaires en hausse constante. Elle emploie 4 salariés et ne cesse d’investir dans de nouveaux matériels.
Un levier d’avenir pour les territoires agricoles
Photovoltaïque, méthanisation, bois énergie : les Cuma démontrent leur capacité à porter des projets collectifs ambitieux et à structurer des filières locales. Ces initiatives contribuent à la souveraineté énergétique, à la résilience des exploitations et à la transition écologique.
Comme le résume un animateur du réseau Cuma : « Chaque crise a poussé les Cuma à innover. Aujourd’hui, l’énergie est une nouvelle opportunité pour renforcer la solidarité et inscrire l’agriculture au cœur des solutions territoriales. »
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