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Tout savoir sur le gel de printemps dans les vignes
les méthodes passives : une véritable protection pour les vignes ?
après quelques jours de printemps, le froid fait son grand retour. La partie nord et l’est de la France vont être touchées par le gel. Il existe des méthodes passives qui se révèlent efficaces, à condition de bien les mettre en place.
Partie 2/3
Face au changement climatique, qui amplifie les phénomènes météorologiques voire avance les dates de gelée printanière, les techniques préventives et curatives se multiplient. Tour à vent, fils chauffants ou aspersion, ces outils utilisés depuis plusieurs années déjà, se révèlent efficaces mais onéreux. De plus, certaines topographies ne sont pas appropriées pour leur installation dans les vignes. En concomitance, les méthodes passives se développent et peuvent limiter les dégâts du gel mais elles présentent, elles aussi, quelques limites.
La taille tardive de la vigne
Largement utilisée désormais, cette technique ralentit la vitesse de maturation des raisins, évite que les bourgeons ne brûlent et diminue la teneur en sucre du raisin - autre conséquence du réchauffement climatique -. “Dans le Val de Loire, il n'y a quasiment plus personne qui taille avant le premier décembre. Avant, dès la chute des feuilles, les viticulteurs commençaient à tailler”, constate Guillaume Delanoue, ingénieur en viticulture à l’institut français de la vigne et du vin.
Cependant, cette pratique demande une vraie organisation. “Certains viticulteurs dans le bordelais se sont organisés il y a quelques années pour embaucher des équipes de 30 ou 40 tailleurs pour tailler en un mois. Mais, cette main d'œuvre a un coût et elle n’est pas toujours qualifiée. Après deux ou trois ans, les viticulteurs estiment que ce n’est pas forcément le bon pari”, avertit Guillaume Delanoue. Cependant, cette méthode se révèle intéressante sur les zones les plus gélives.
Tailler en Guyot simple
“En Touraine et en Maine-et-Loire, c’est une pratique qui se fait de plus en plus”, remarque l’ingénieur. Cette technique a été inventée par le Docteur Guyot pour pallier la faiblesse des rendements ; elle présente aussi des intérêts face au gel. Le principe est de supprimer la baguette fructifère et sélectionner ensuite deux baguettes de courson. “On laisse la totalité de la longueur de la baguette qui peut contenir 8 à 20 bourgeons. Il faut en laisser le plus possible et nettoyer la baguette plus tard, une fois les risques de gelée passés. Enfin, on sélectionne ensuite le nombre de bourgeons fructifères encore vivants”. Facile à mettre en place, il faut néanmoins repasser un peu plus tardivement. L’inconvénient principal et pas des moindres, est le vieillissement des vignes accéléré par cette méthode. “Faire hydrolyser l’amidon en sucre, demande des vignes en bonne vigueur. Répétée plusieurs années de suite, elle affaiblit les réserves et le fonctionnement physiologique de la plante. Toutes les parcelles ne peuvent pas supporter ce genre de pratique”, alerte Guillaume Delanoue.
L’aspirine naturelle
L’ingénieur est plus sceptique quant à cette méthode testée sur trois départements avec deux sites à chaque fois et sur trois ans. Il n’y a pas eu de récupération de rendement ou de sauvetage observés. “L’amas cellulaire qui forme l’inflorescence est déjà au cœur du bourgeon depuis l'initiation florale en juillet dernier. Si cet amas de cellules est en partie différencié et dégradé par le gel, ce n’est pas un biostimulant qui recréera des grappes. Si le primordia floral est grillé, il n'y a pas de rattrapage possible”, tranche Guillaume Delanoue. Un autre inconvénient, selon l’ingénieur est la taille des pulvérisateurs qui ne sont pas conçus pour traiter des bourgeons d’1 cm.
Le travail des sols et la gestion de l’enherbement : de bonnes méthodes préventives
Ces deux pratiques présentent un intérêt majeur, elles permettent de reconstituer les sols, de les enrichir en matières organiques et de stocker le carbone dans le sol. L’enherbement est une pratique qui se développe fortement dans les vignobles, en raison de la réduction de l’usage des pesticides. Mais, comme le préconise Guillaume Delanoue, il faut travailler le sol trois semaines avant. L’enherbement n’est pas recommandé lors d’un contexte humide comme c’est le cas cette année. “L’environnement doit être le plus sec possible. Il faut tondre quand le terrain le permet car en cas d’ensoleillement, le sol sèche et s’ouvre. Une semaine avant un épisode de gel, mieux vaut ne rien faire, au risque de libérer de l’humidité. Tournez-vous alors vers des méthodes curatives actives (bougies, tour à vent…)".
La hauteur de végétation :
Plus la vigne est haute, plus la température augmente. Ainsi, la zone de grappes est davantage protégée. En effet, il fait plus froid au sol. Ce phénomène est accentué sur un sol nu l’hiver. “Avec l'architecture du vignoble, on peut se prémunir de petites gelées. Par contre lors de forts épisodes - comme en 2021 -, il n’y a pas de grand intérêt”.
Les panneaux photovoltaïques :
Ces panneaux, qu’ils soient installés au sol, en ombrières, fixes ou dynamiques, présentent de réels avantages : ils permettent de gagner jusqu’à 2°C lors des gels printaniers. Les résultats sont vraiment convaincants sur un gel radiatif mais “ils ne sont pas d’une grande efficacité sur un gel advectif”.
Voile d’hivernage
Cette méthode de maintien des calories au sol suscite encore de vifs débats. Et pour cause : bien qu’elle montre des résultats efficaces, l’INAO émet quelques réserves. Le déploiement d’une bâche, créant ainsi une augmentation de température, ne doit pas altérer l’expression des terroirs. Déjà validée en dehors des zones d’appellation d’origine contrôlée, l’INAO continuer d’étudier la question. “Sur le gel advectif, les résultats sont modérés. Avec le réchauffement climatique, les températures en avril peuvent atteindre jusqu’à 15-16°C, sous le voile, elles peuvent rapidement atteindre 30/35°C. Il est alors essentiel de prévoir une ouverture pour favoriser la circulation de l’air”. Malgré tout, l’ingénieur constate des retours d'expérience positifs en Maine-et-Loire pour des voiles qui encadrent seulement 3 à 5 rangs.
Bien que les techniques préventives et curatives traditionnelles demeurent efficaces, les méthodes passives représentent une alternative prometteuse pour limiter les dommages causés par le gel. Cependant, il est essentiel de noter que ces méthodes ont également leurs limites. "Les solutions passives ne sont pas préconisées sur des parcelles vieillissantes ou qui sont pas en bonne vigueur, explique Guillaume Delanoue. À la moyen terme, il pourrait y avoir un retour de bâton au niveau physiologique et sur le stress nutritionnel". Ces méthodes passives plus écologiques représentent un domaine de recherche en pleine expansion et à ne pas négliger.