Vers des élevages autonomes en protéines

Partie 4/6

Produire des cultures fourragères riches en protéines

Les fourrages sont la principale source d'alimentation en élevage. Il est donc essentiel, dans le cadre de l'autonomie protéique, de se tourner vers des fourrages riches en protéines. La question qui se pose alors est le choix de ces fourrages à cultiver afin de couvrir les besoins en protéines des animaux.

Légumineuses fourragères

La luzerne est principalement utilisée en pur pour être fauchée et éventuellement déshydratée. Mais elle peut être aussi pâturée lorsqu’elle est incorporée dans un mélange multi-espèces ou en fin de saison.

Laurent Terrien, éleveur laitier en Vendée, nous en parle : “La luzerne est une plante d’intérêt à plus d’un titre. D’un point de vue agronomique, elle offre une amélioration de la structure du sol en profondeur, une concurrence vis-à-vis des adventices, un enrichissement du sol en azote. Sur le plan fourrager, elle présente une productivité élevée en matière sèche et protéine. Elle est également un bon refuge pour la biodiversité. Apportée avec le maïs ensilage, la luzerne a amélioré la rumination des vaches, la valorisation des aliments apportés et semble avoir un impact bénéfique sur la performance du troupeau et sa santé.”

Si elle supporte les sols séchants, elle ne pourra pas se développer dans des sols compactés ou dans un contexte d'excès en eau. Elle a aussi des difficultés à s'implanter dans un sol acide.

Le trèfle violet partage plusieurs atouts de la luzerne. C'est une culture économe en intrants qui craint les périodes de sécheresse mais qui s’implante bien en sol acide. En association avec une graminée, il n'est pas utile de désherber et cela assure une meilleure qualité de la récolte. S'il est difficile à sécher, il est mieux adapté à l'ensilage que la luzerne. Il permet un bon apport en protéines mais la densité énergétique est trop faible.

Le trèfle blanc a très bonne valeur alimentaire qui vient de sa richesse en protéines, de son appétence et de sa digestibilité. Il est très riche en minéraux et en oligo-éléments. Ces qualités en font une plante idéale pour la pâture. Mais attention, le trèfle blanc est un fourrage météorisant. Il est donc conseillé, comme pour la luzerne et le trèfle violet, de le cultiver en association avec des graminées.

Éleveur laitier dans le Calvados, Joël Enguehard souhaitait diminuer sa consommation de pesticides, tout en gagnant en autonomie fourragère. Pour y parvenir, en 2012, il a choisi de réintroduire des prairies temporaires dans sa rotation. “Initialement, je souhaitais introduire dans ma rotation maïs-blé un ray-grass d’Italie sur une durée de dix-huit mois. Si la quantité produite était au rendez-vous, la qualité du fourrage ne l’était pas forcément. J’ai changé de stratégie. J’ai implanté une prairie à base de ray-grass anglais et de trèfle blanc. L’objectif est de la maintenir au moins quatre ans. Economiquement, il est encore trop tôt pour tirer un bilan mais la production attendue sur ma parcelle de ray-grass – trèfle blanc semble prometteuse”.

Le sainfoin a une bonne résistance aux sécheresses et aux gelées. Il offre un fourrage de qualité et non météorisant. Il est équilibré en énergie et en protéines, et est également appétent et très digestible. Le sainfoin valorise les sols calcaires, mais redoute les sols humides, argileux ou acides. Il est également économe en engrais et en produits phytosanitaires.

La vesce est peu sensible à la sécheresse et est un fourrage appétant. Aucun désherbage ou traitement n'est à prévoir, et elle possède une forte teneur en protéines. Si le pâturage est idéal, il est possible de la donner en affouragement vert en faisant attention à ce que le fourrage ne s'échauffe pas. Elle peut aussi être utilisée en enrubannage.

Autres cultures fourragères

Le chou fourrager permet de diversifier la ration hivernale. Il est plutôt utilisé en production laitière pour sa grande digestibilité et sa richesse en azote mais peut aussi être utilisé dans des troupeaux allaitants. Il doit être distribué en complément d'un autre fourrage grossier afin de prévenir des problèmes digestifs.

La betterave fourragère est très bien valorisée par les vaches laitières et par les bovins à l’engraissement. Pour les porcs, elle peut constituer jusqu'à 40% de la ration des gestantes et charcutiers. Pour le lait, c’est l’aliment appétent idéal à associer au foin pour la rumination et nécessite un complément en protéines pour l’équilibre "énergie – azote". Il vaut mieux éviter les variétés à trop fort taux de matière sèche (supérieur à 13% MS). La dentition des bovins ne permet pas toujours sa bonne consommation.

Le dactyle est une graminée fourragère parmi les plus pérennes. Il est bien adapté à la sécheresse, aux sols frais et sains. Fort d’une utilisation mixte en fauche et en pâturage, il fournit des repousses abondantes, même en conditions sèches et chaudes, ce qui en fait une plante idéale pour pâturer l’été. C'est la graminée la plus riche en protéines et elle fonctionne parfaitement en association avec la luzerne ou le trèfle violet pour la fauche. Le dactyle est cependant sensible aux excès d'eau et assez sensible au froid en phase d'installation.

Les méteils restent un vrai levier pour accroître la production de protéines dans l'exploitation tout en limitant les coûts liés à la fertilisation et les pertes par lixiviation d'azote dans le sol.

Compléments fourragers

Les ligneux permettent de renforcer l'autonomie alimentaire des fermes et de sécuriser le système d'élevage face aux aléas climatiques. Si l'éleveur possède un système agroforestier ou alors des ressources ligneuses digestibles, il est possible d’y faire pâturer les animaux (bourgeons, fleurs, feuilles, fruits, jeunes rameaux, feuilles au sol…). L'exposition doit être croissante afin que les animaux apprennent à éliminer les toxines présentes.

Il est également possible de faire pâturer les animaux sur des couverts afin de valoriser ces derniers. Ils sont constitués de plantes jeunes qui ont des valeurs alimentaires importantes. Les animaux peuvent y être introduits sans transition alimentaire.

L'avis de Bruno et Bertrand Barbet, éleveurs laitiers dans le Cantal : ”L’implantation de la dérobée permet de couvrir les sols l’hiver et donc de limiter les lessivages d’azote et l’érosion des sols. De plus, nous avons pu cette année réaliser une coupe à huit semaines, puis un pâturage en novembre et enfin un ensilage au printemps (4,5 – 5 t MS/ha). Cette culture nous permet de sécuriser notre stock fourrager.”

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>> Partie 5 : Produire et consommer localement des concentrés protéiques

 

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