Vers des élevages autonomes en protéines

Partie 5/6

Produire et consommer localement des concentrés protéiques

Les concentrés permettent de compléter la ration fourragère pour couvrir les besoins des animaux. Plusieurs concentrés peuvent être intégrés dans la ration. Dans le cadre de l'autonomie protéique, il est nécessaire de s'intéresser à la fabrication in-situ de ces concentrés, pour devenir indépendant des achats du commerce tout en couvrant les besoins en protéines des ruminants.

Production de concentrés protéiques

Les protéagineux à graines sont des légumineuses riches en protéines. On peut citer le lupin, le pois et la féverole. En fonction du système et de la rotation, ils peuvent en plus contribuer à l’amélioration de la structure du sol, rompre les cycles de certains bioagresseurs des céréales et être une source d’azote pour le système de culture.

Le lupin est la culture la plus protéique (32-38% de la MS de la graine) mais les taux du pois (20-25%) et de la féverole (25-30%) sont également très intéressants. Les concentrés à base de protéagineux sont à intégrer dans une ration avec des fourrages pour couvrir les besoins des animaux.

Louis Bourdin et Marie-Hélène Jeuffroy de l’INRAe (l’UMR Agronomie) ont suivi un polyculteur éleveur dans le Finistère qui a introduit du lupin bleu, un “équivalent colza” pour ramener de la protéine dans la ration. Selon lui, “le lupin bleu est plus stable en MAT que le lupin blanc. Depuis 3 ans, je suis autonome en protéine sur l’exploitation, ce qui me permet même de vendre des enrubannés.”

Le méteil grain est un mélange de céréales et de protéagineux cultivés ensemble sur une même parcelle. Il a l’avantage d’être plus résistant face aux aléas climatiques, aux adventices, aux maladies et aux ravageurs et de sécuriser les rendements de protéagineux qui sont très variables en culture pure. L'objectif lors de la production de méteil est de récolter au moins 30% de protéagineux pour obtenir un méteil à 16% de protéines.

Il faut utiliser des variétés dont la maturité est atteinte au même moment pour qu’elles puissent être récoltées ensemble. Il est possible d'associer deux variétés par espèce pour sécuriser le rendement. Cependant, ce que l'on récolte est différent de ce que l’on sème. Il faut donc vérifier la valeur alimentaire pour être sûr qu'elle couvre les besoins des animaux.

Au niveau de la conduite du méteil, il y a des points à respecter :

● Ne pas semer sur des parcelles humides : disparition des protéagineux.

● Semer à la même période que les céréales, un seul passage, à 3 cm de profondeur environ.

● Apport de calcium nécessaire pour le bon développement des nodosités sur les racines.

● Vérifier pendant le semis que les graines ne se trient pas.

● Apport de fumier (12 t/ha) pour apporter la fertilisation nécessaire.

● Roulage de la parcelle après semis pour niveler et améliorer la capacité de germination.

● Pour la récolte, se caler sur la maturité des protéagineux car l’objectif est de produire de la protéine.

Jérôme Audurier est éleveur laitier dans les Deux-Sèvres, et a pour objectif d'obtenir un bon équilibre de l’alimentation du troupeau en limitant au maximum les achats de concentrés. Pour cela, dès 2011, il a introduit des associations céréales - protéagineux dans son système. “Les stocks sont assurés (rendements réguliers face aux aléas climatiques et richesse en protéines grâce à l’introduction des légumineuses). Ils sont moins exigeants en intrants (pas de fertilisation azotée grâce aux légumineuses, bonne compétitivité vis-à-vis des adventices et meilleure résistance aux maladies grâce au mélange d’espèces).”

Le tourteau de colza est obtenu lors de la production d'huile de colza, qui génère de l'huile qui peut servir de biocarburant et du tourteau, qui est une bonne source de protéine. La production sur l'exploitation est donc doublement bénéfique, et un levier pour tendre vers l'autonomie protéique.

Cela nécessite soit un investissement dans une presse artisanale soit une adhésion à une Cuma équipée. Cette deuxième option peut-être bien plus économique.

D'autres tourteaux sont également fabricables localement : le tourteau de soja, le tourteau de lin, ou encore le tourteau de tournesol.

Valoriser des coproduits locaux

S'il est impossible ou difficile de produire soi-même des coproduits, il est possible d'en acheter. Dans le cadre de l'autonomie protéique, différentes échelles sont possibles : celle de l'exploitation, du canton, de la région ou même nationale.

Acheter des coproduits localement peut aider l'éleveur à atteindre son objectif d'autonomie.

Plusieurs coproduits existent sur le marché :

● Tourteau de colza

● Tourteau de lin

● Drêche de blé issue de la distillerie

● Pulpe de betterave déshydratée

● Pulpe surpressée

François Lambert, polyculteur-éleveur et brassiculteur en Ardèche, pratique une agriculture durable depuis 2017. “Les drêches issues de la production de la bière sont utilisées pour nourrir les vaches, qui elles produisent de la matière organique utilisée en amendement sur les parcelles viticoles et céréalières.”

Les prix varient d'une région à l'autre, et certains coproduits ne sont pas disponibles dans toutes les régions. Il faut ainsi adapter son choix selon la localisation de l'exploitation. Les coûts des coproduits sont variables en fonction de leur disponibilité et de leur intérêt nutritionnel. Il est nécessaire de comparer ces coûts avec celui des différentes alternatives - en valeur relative rapportée à l’unité d’apport protéique - afin de vérifier que ces achats seront un gain et non une perte financière.

Pour plus d’informations sur ce sujet, cliquez ici.

 

>> Partie 6 : Transformer et stocker les ressources alimentaires protéiques

 

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